Politique France

Résultats des départementales : elle n’est pas belle la démocratie…

30 mars 20154
Résultats des départementales : elle n’est pas belle la démocratie… 5.00/5 62 votes

… « à la française ? »

Tout le monde savait que cela allait arriver, et c’est bien entendu arrivé : l’alliance UMP-UDI-Modem est bien le grand gagnant de ces élections départementales. Le « gagnant », comme l’heureux joueur de loto qui touche la Super Cagnotte à l’Euro Million, et certainement pas le « vainqueur », comme celui qui franchit en tête la ligne d’arrivée d’une course à la régulière, où le seul verdict est bien celui de la performance réelle et individuelle. Car le raz de marée incontestable de la fumeuse « droite républicaine », de la supposée « alliance de la droite et du centre » ne doit presque rien à ses propres mérites, et quasiment tout au calamiteux quinquennat de François Hollande, mais aussi et en vérité surtout à un mode de scrutin inique, outrageusement adossé au cynisme d’une vrai-fausse opposition UMP-PS qui a aujourd’hui définitivement tout de la tartufferie intégrale, du gigantesque attrape-gogo électoral.

Grâce à ce double facteur accompagnant la nullité socialiste, sur lequel nous allons bien entendu revenir, la vague finale a été on ne peut plus « bleue », mais absolument pas « marine », et cela est en vérité tout sauf une surprise pour ceux qui se donnent la peine de suivre depuis des décennies et avec un peu de sérieux et d’honnêteté intellectuelle la vie politique française, et son incroyable culot à oser se revendiquer de ce que l’on a coutume d’appeler la « démocratie représentative ».

Petits rappels des faits et des forces politiques « réelles » en présence lors de ce scrutin départemental à deux tours, ayant illustré une fois de plus le fameux adage : « au premier tour, on choisit, au second, on élimine ».

Au sortir du premier tour, celui de l’adhésion, du choix donc, et malgré la sidérante opération de désinformation politique (par la bouche du Ministre de l’Intérieur) et médiatique (par celles de tous les journalistes et commentateurs de la soirée électorale) ayant monopolisé les ondes et plateaux de télévisions le dimanche 22 mars au soir, nous avons eu la confirmation fort dérangeante pour le « système » mais indiscutable par les chiffres que le Front National est bien désormais, comme l’avait déjà révélé le résultat des dernières élections européennes, et très nettement, le premier parti de France. Dans un scrutin local, où la prime au sortant est souvent déterminante, partant de rien (1 seul élu), avec des candidats très souvent totalement anonymes, face à des adversaires UMPS (et l’on verra plus loin que ce « néologisme politicard » est définitivement totalement justifié) généralement déjà fortement implantés, le Front National est donc arrivé largement en tête des partis politiques, avec 5 millions 108 mille 566 voix, soit 25,19 % des suffrages. Grâce à son alliance dès le premier tour avec l’UDI et le Modem, l’UMP a pu, aux yeux des étourdis, et grâce à l’appui zélé d’ « analystes » politiques qui ne se sont pas faits prier pour relayer d’enthousiasme l’imposture, faire illusion en revendiquant comme sien le résultat de l’alliance de circonstance de trois partis politiques distincts : l’UMP, l’UDI, le Modem, pour un total de 5 millions 567 mille 003 suffrages, soit 27,45 %. Il est à noter que les « binômes » réellement UMP n’ont, dans ce total, recueilli que … 6,51 % des votes exprimés ! Lorsque l’on sait que depuis des décennies, et quel que soit le nom sous lequel il se présente (UDF, Modem, UDI, etc.), ce que l’on appelle le « centre » obtient systématiquement 10 à 12  % des suffrages, on peut très raisonnablement (et même avec une bonne dose d’optimisme) évaluer le poids réel de la seule UMP à moins de 20 % du corps électoral, soit plus de cinq points derrière le FN. Une paille ! Le PS et son satellite PRG recueillant pour sa part à peine 4 millions 652 mille 267 votes, soit 21,54 % (dont seulement 13,34 % pour les binômes réellement socialistes).

Si le vote proportionnel intégral, le seul véritablement démocratique pour des élections départementales, régionales ou européennes, était à l’œuvre, le Front National aurait donc été, malgré la petite magouille comptable UMP-UDI-Modem, le grand vainqueur de ce scrutin. Crédité de 5% à peine en 2008, de 15 % en 2011 et donc de 25 % en 2015, réalisant en à peine sept ans une progression stratosphérique, exceptionnelle dans l’histoire de la Cinquième République, arrivé spectaculairement en tête dans 43 départements, un résultat très largement supérieur à ceux de l’UMP-UDI-Modem et du PS-PRG pourtant l’un et l’autre jusqu’alors en place, il aurait pu (dû) prétendre diriger près d’un département français sur deux, créant un cataclysme politique sans précédent.

Par la « magie » du mode de scrutin majoritaire à deux tours qui permet encore et toujours de véritables « rapts électoraux », ce résultat conforme à la réalité politique et électorale du pays n’a pas eu lieu, et le bilan final de ce dimanche 29 mars méritera pour un bon moment de figurer dans les annales du bidouillage et de la crapulerie électorale « à la française ».

Je résume :

1) Le premier parti de France, qui a recueilli 25,19 % des suffrages, obtient au final 62 élus (31 cantons) sur… 4 108 postes à pourvoir (2 054 cantons). Soit… 1,51 % des élus !

2) L’alliance UMP-UDI-Modem, représentant à eux trois 27,45 % des suffrages, obtient 1 419 élus (environ 709 cantons), soit 34,54 % des élus. Si l’on détaille plus avant les résultats par parti, cela donne : UMP, environ 19 % des suffrages…  24,71 % des élus. UDI (environ 6 % des suffrages), 8,71 % des élus. Modem  (2 à 3 % des suffrages)… 1,12 % des élus.

3) Le PS-PRG, représentant 21,54 % des électeurs, obtient 974 élus, soit… 23,71 % des élus.

 4) Le couple infernal PCF-Parti de Gauche (ou Front de Gauche) a obtenu 5,38 % des votes et 136 élus, soit 3,31 %.

 Vous aurez je pense noté au passage que l’UMP-UDI-Modem, comme le PS-PRG, obtiennent un pourcentage d’élus  supérieur (très nettement pour l’UMP-UDI-MOdem) à leur résultat initial, et donc à leur réel poids électoral. Noté aussi le passage sidérant, révoltant, de 25,19 (votants) à 1,51 (élus) du FN, pour un misérable total de 62 élus, comparés aux 5,38 % et… 136 élus du PC-FdG

Résultats des départementales 2015

résultats dépatementales 2015

Dans l’immense majorité des départements, et notamment dans les 43 où il était arrivé en tête au premier tour, le Front National n’a donc que quelques misérables élus, et le plus souvent pas le moindre ! Quelques exemples :

Dans le Pas de Calais… FN : 46 % des voix au second tour. Résultat final ? 6 cantons gagnés sur… 39. Pyrénées Orientales : FN 40 % des suffrages au second tour… Résultat ? Zéro canton. Et on pourrait continuer la liste longtemps, même si dans les seconds tours où il s’est présenté pour un duel soit face au PS-PRG, soit face à l’UMP-UDI-Modem, le Front National a presque systématiquement dépassé la barre des 40 %… pour les résultats que l’on sait.

Plus parlant encore, et si l’on rapporte le nombre d’élus au nombre d’électeurs du premier tour au niveau national (le seul résultat réellement parlant puisqu’encore une fois, il affirme bien un choix, quand le vote de second tour exprime lui bien plus souvent un rejet), lecture nationale qui lisse et masque d’ailleurs parfois des résultats encore plus révoltants à l’échelle départementale :

Front National : 5 108 566 électeurs, 62 élus. Soit 1 élu pour  82 396 électeurs.

UMP-UDI-Modem : 5 567 003 électeurs, 1419 élus. Soit 1 élu pour 3 923 électeurs.

PS-PRG : 4 652 267 électeurs, 974 élus. Soit 1 élu pour 4 776 électeurs.

En « démocratie française », un seul électeur UMP-UDI-Modem vaut donc environ… 21 électeurs FN, quand un électeur PS-PRG en pèse lui 17. Extraordinairement démocratique, vous en conviendrez aisément. Mais à part cela, c’est le Front National qui « n’est pas républicain » !

A noter aussi, et pour en finir avec la tartufferie obscène du « ni-ni » UMPéo-sarkozien… que pour faire barrage au FN, dans le Gard, dans le Var, en Moselle, dans la Drôme et dans nombre d’autres départements, les responsables et candidats UMP (je précise bien UMP, et non UDI), devancés lors du premier tour, ont très clairement appelé à voter PS (voire PC-FDG), pour empêcher coûte que coûte l’élection d’un binôme de candidats du Front National dans leur département. Et si Nicolas Sarkozy avait bien précisé que tout membre de l’UMP appelant à voter FN au second tour serait immédiatement exclu du parti, il s’était bien gardé, évidemment, de brandir la même menace à l’égard de ses ouailles qui appelleraient à voter socialiste ! Il aurait dû alors, il est vrai, virer sa propre vice-présidente, NKM, le candidat « pute-hâtif » aux présidentielles de 2017, Alain Juppé, le président du Sénat, j’en passe et des meilleurs pires. Et dire qu’il y a des ravis de la crèche qui soutiennent encore le Pinocchio de l’UMP en croyant mordicus, leur tête d’autruche électorale, de pigeon même, bien enfoncée dans le bac à sable du chat, que celui-ci est le plus radical adversaire de la socialie en débâcle… On pourrait en rire, s’il n’y avait pas en réalité toutes les raisons d’en pleurer !

Voilà tout ce qu’il convenait à mon sens de rappeler aux lecteurs de La Plume, à l’issue de ces élections départementales 2015. Ainsi va la vie en « démocratie à la française »… qu’ils en profitent donc tant qu’ils le peuvent encore, tous nos ploutocrates au cynisme d’airain, en attendant le gigantesque coup de pied au c… qui leur arrivera fatalement où il se doit un jour ou l’autre. Car à mépriser à ce point le peuple, son vote, la décence et la simple justice, ils finiront inéluctablement par recevoir la « récompense » qu’ils méritent. Et bien plus dure sera la chute, ce qui, je l’avoue sans peine, ne sera franchement pas pour me déplaire…

Marc LEROY – La Plume à Gratter

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4 Responses to Résultats des départementales : elle n’est pas belle la démocratie…

  1. NOURATIN le 31 mars 2015 à 18 h 53 min

    J’en connais beaucoup qui commencent à en avoir marre, le quart des électeurs étant quasiment privé de son droit de vote, il va peut être finir pas se fâcher, l’escamotage démocratique devrait un jour ou l’autre trouver ses limites…hélas il sera sans doute trop tard.
    Amitiés.

  2. trechelaplaine le 31 mars 2015 à 7 h 37 min

    La Plume est clémente en parlant de tartuferie. Escroquerie et vilénie, me semble plus appropriées. Des socialistes qui appellent à voter UMP-UDI ; des UMP-UDI qui recommandent de s’abstenir au nom d’obscures valeurs « républicaines » (lesquelles ? celles de la République populaire de Chine, de l’ex RDA ou celle du Kampuchéa démocratique ?) Du grand art assurément ! Celui de cocufier les crétins!

  3. Bluebair2.0 le 31 mars 2015 à 0 h 42 min

    Photo absolument EXCELLENTE!!! La Plume vous vous surpassez!

    Un petit graphique vivant que vous apprecierez sans aucun doute:

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2015/03/pourquoi-le-fn-r%C3%A9clame-la-proportionnelle.html

  4. lors le 30 mars 2015 à 20 h 08 min

    non seulement vous ecrivez bien mais vous calculez bien la plume :)

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