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Affaire Richard Millet : Voltaire, réveille-toi, ils sont devenus fous! (1ère partie)

16 septembre 20125
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« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… » Aznavour, La Bohème

1) De la liberté d’expression à la police de la pensée : naissance d’une censure de tous les instants au nom de la tolérance

 Il n’y a pas si longtemps, et quoi que l’on pense en vérité du personnage, la fameuse phrase attribuée à Voltaire (bien que vraisemblablement apocryphe, et sans doute issue de la plume de sa biographe Evelyne Beatrice Hall)  « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » était une référence indépassable dans le cercle intellectuel et médiatique français. Quoi de plus normal en pays de France, terre des dites « lumières », mère de la révolution en Europe et où fut rédigée la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ?

Déclaration des Droits de l’Homme qui érigeait notamment la liberté d’opinion en principe absolu dans son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

 Cette Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fut enfin accolée à la Constitution Française, et de  fait l’article 10 -comme tous les autres- censé être impérativement appliqué et respecté pour chaque citoyen, avec force de loi. Ce seul rappel devrait dans une société fidèle à ses valeurs suffire à clore définitivement l’invraisemblable « affaire Millet », qui (après plusieurs autres sur lesquelles nous reviendrons) n’aurait donc jamais dû simplement exister… On connaît la suite!

Il fut pourtant un temps où il ne serait venu à l’idée de personne d’excommunier quelqu’un pour ses seules opinions, et même parfois pour ses actions « divergentes » pourtant carrément revendiquées.

Ainsi, dans les années 70-80, on pouvait par exemple voir et écouter sur une chaîne de télévision publique tout le petit monde intellectuel, artistique ou politique parisien, français et même international, lors de la grand messe littéraire et culturelle du vendredi soir, l’émission Apostrophes de Bernard Pivot. En totale liberté, ils pouvaient y évoquer longuement et sans la moindre censure pour les uns leurs idées les plus iconoclastes, pour les autres même leurs élans sexuels les plus équivoques, voire les plus scandaleux. Mais jamais l’émission de Pivot ne se permettait de se transformer en tribunal : les discussions pouvaient être animées, et même enflammées, tout cela se passait sous l’œil goguenard et souvent ravi du maître des lieux, malgré les propos parfois terriblement choquants exprimés par certains invités. Il n’est que de revoir l’extrait ci-dessous avec un Daniel Cohn-Bendit évoquant ses tripotages assez glauques avec des enfants devant un Paul Guth n’osant mot et un Pivot ou une Sapho presque hilares pour s’en rendre compte.

 

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 A noter  au passage le « et pourquoi ne pas leur donner d’idées, d’ailleurs ? » de Sapho… Il faut presque le réécouter plusieurs fois pour commencer à y croire!

On sait d’ailleurs et grâce à ses propres écrits que le dit Cohn-Bendit alla en réalité assez nettement plus loin dans ses « jeux enfantins » (1). Mais tel n’est pas le sujet de cet article.

Un Gabriel Matzneff et sa sexualité affichée et revendiquée avec des adolescentes tout le long de ses livres, autre exemple, était lui aussi reçu sans le moindre problème. Et personne là encore ne criait au scandale ou ne demandait son renvoi à son éditeur.

La liberté de parole allait donc parfois très loin, même sans doute trop loin… Mais c’était vraiment la liberté. Car la liberté de pensée et de parole ne se restreint pas : elle est ou elle n’est pas. Sitôt qu’on y touche, on la tue.

Le lendemain ou les jours qui suivaient, on ne trouvait dans tous les cas aucune trace des réactions  outragées, des déclenchements de chasse à l’homme, des pétitions de bien-pensants demandant la tête de l’impétrant qui caractérisent notre époque. Autres temps, autres moeurs…

Après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République en mai 1981, et pendant quelque temps, un semblant de souffle de liberté bien que nettement plus politiquement sélectif soufflait aussi parfois durant certaines émissions du Droit de Réponse de Michel Polac.

Orwell,  nous voilà !

Mais c’était déjà le commencement de la fin. Et ce n’est sans doute pas un hasard si la mutation liberticide qui s’enclencha alors suivit presque immédiatement l’arrivée de la gauche au pouvoir : car si la droite a de tout temps ou presque été d’un cynisme social assez écœurant, la gauche a de son côté toujours été d’un sectarisme idéologique en béton armé. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » … La saillie oxymorique de Saint-Just, presque aussi consternante de crétinisme que le « il est interdit d’interdire » de mai 68, fut remise à l’ordre du jour. Sans qu’il soit d’ailleurs en rien nécessaire d’être un « ennemi de la liberté » pour bénéficier de l’attention de nos nouveaux censeurs, bien-entendu.

Pilotée d’une main de maître par un Julien Dray père Joseph en diable et sa clique d’ayatollahs en devenir, l’émergence sur la scène publique du sous-marin socialiste (et plus encore Mitterrandien) SOS Racisme, phagocytant à l’époque une marche des beurs –sans doute sincère et apolitique elle- détourna immédiatement de son vrai but le juste combat contre le racisme réel pour commencer à donner la chasse aux opinions jugées -mais par qui ?- trop divergentes.

Ce fut donc bien à cette époque que naquit « la police de la pensée » qui s’est depuis développée de façon presque exponentielle pour atteindre aujourd’hui des proportions effrayantes, nous étouffant désormais à coup de lois liberticides sous la chape de plomb du politiquement correct.

L’arrivée imminente de l’ex marionnette de Julien Dray, le « cataplasmique » Harlem Désir, au poste de Premier Secrétaire du Parti Socialiste est d’ailleurs le symbole éclatant ou plutôt consternant du chemin -on devrait écrire de la régression abyssale- accompli en à peine quelques décennies !

Tout a donc bien commencé en … 1984 ! Orwell, visionnaire de génie, rattrapé par la réalité française… Et ce n’était qu’un début!

ML _ La Plume à Gratter

(1) « Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : “Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m’avez-vous choisi, moi, et pas d’autres gosses ?” Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même. » Et ailleurs : « J’avais besoin d’être inconditionnellement accepté par eux. Je voulais que les gosses aient envie de moi, et je faisais tout pour qu’ils dépendent de moi. » (Daniel Cohn-Bendit, Le Grand Bazar, Éditions Belfond, 1975)

 

Seconde partie de cet article le lundi 17 septembre

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5 Responses to Affaire Richard Millet : Voltaire, réveille-toi, ils sont devenus fous! (1ère partie)

  1. CT le 17 septembre 2012 à 15 h 17 min

    Il y a beaucoup trop de confusions à mon goût, là-dedans. Par exemple, et c’est ce qui me défrise le plus, mettre sur le même plan la liberté d’expression d’une opinion parfaitement légitime en démocratie et l’aveu cynique d’un crime de droit commun qui risque d’avoir bousillé moralement et peut-être physiquement un être humain innocent… c’est bizarre. Parce que je n’y vois strictement AUCUN rapport.

    Ensuite, bon, Voltaire, Aznavour, Cohn-Bendit et Polac dans le même sac, surtout que les deux derniers ont en commun de s’être vantés de la même chose… finalement, pourquoi pas. Mais à part Voltaire, qui en hypocrite consommé a fait la déclaration qu’on sait sans en penser un mot, qu’est-ce que les autres viennent faire là-dedans? Cohn-Bendit et Polac se sont certes vantés des mêmes « exploits ». C’est un trait qu’ils ont en commun avec Frédéric Mitterrand. Tous trois sont (ou étaient) par ailleurs d’une intolérance rare envers les dissidents de la pensée unique. Comme dit Sollers… le « Ministère de la Censure ». Je me souviens aussi d’Aznavour et de son chiqué de 2002 pour ameuter les « résistants » (!) à voter Chirac contre Le Pen en chantant la Marseillaise qui était sifflée dans le même temps au Stade de France (on rigole!) Non, sérieusement… Cohn-Bendit… Polac… Tout ce monde-là comme représentation de la liberté d’expression??? C’est le monde à l’envers.

    Personnellement, j’aurais préféré des références comme Rousseau, Brassens, Marchais, etc. D’autant que ce n’est pas chanter Aznavour qui vous envoie en tôle en 2012. C’est chanter Brassens. N’est-ce pas?

    • marc le 17 septembre 2012 à 16 h 22 min

      bonjour mon cher CT

      Je peux comprendre votre malaise concernant ce que vous voyez dans mon article comme une mise sur le même plan d’une opinion (parfaitement légitime en démocratie comme vous le notez si bien) et l’aveu d’un comportement dégueulasse. Mais tel n’est absolument pas mon propos, et je suis navré si j’ai pu le laisser croire. Je suis tout comme vous écoeuré par les dires de Cohn-Bendit, et par les aveux littéraires tardifs de Polac (comme par ceux du neveu Mitterrand). Et je n’en fais certes pas des champions de la liberté d’expression!

      Ce que j’ai voulu dire (maladroitement sans doute), c’est que nous sommes passés d’une époque où on pouvait à peu près tout dire sans subir de conséquences, à notre temps où des Torquemadas de la pensée conforme poursuivent de leurs excommunications les gens jugés par eux comme simplement mal-pensants (et n’ayant commis aucun crime, eux, comme vous le relevez).

      Je pense malgré tous les excès que cela peut engendrer qu’excès de liberté (même si des salauds en abusent) vaut encore mieux que police de la pensée… Je préfère que des connards et des ordures puissent s’exprimer dans une société permissive en matière de parole, que cette France d’aujourd’hui où l’on lapide médiatiquement ceux qui n’ont commis qu’un crime : celui de ne pas penser « comme il faut ».

      Quant à Aznavour, seul l’artiste m’intéresse, ses opinions politiques m’indiffèrent totalement. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’elles sont souvent consternantes de bêtise. Simplement la citation de la Bohème me semblait aller très bien pour résumer le contenu de cette première partie.Et c’est tout de même une bien jolie chanson, non?

      J’espère pour finir que la seconde partie de mon article vous plaira davantage. Merci de votre attention et de vos remarques constructives pour moi.

      Amitiés

      ML – La Plume à Gratter

      • CT le 17 septembre 2012 à 17 h 21 min

        J’avais bien compris l’intention, à côté de laquelle j’aurais difficilement pu passer, étant donné la tonalité générale du blog (que je trouve excellent, au demeurant). Mon problème, c’est qu’on mâche le boulot des adversaires de la libre expression en s’amalgamant de soi-même aux criminels.

        Concernant Aznavour, j’aurais facilement la même tendance que toi – allez, je m’autorise ce tutoiement cavalier, mais moins artificiel: après tout, nous sommes tous les deux journalos – à séparer l’homme et l’oeuvre.

        Mais tu remarqueras que cet effort de reconnaître des vertus à l’opposant est toujours à sens unique, ce qui prouve – si besoin était – que chez les nationalistes, on est plus tolérant que chez les impérialistes, ce qui n’est pas particulièrement un hasard, la dictature étant de leur côté. Heureusement pour l’embarras du choix, il est rare qu’il y ait du talent dans ce camp-là, mais ça arrive: Aznavour en est l’illustration.

        Mais c’est faire peu de cas des réalités « sociétales », comme on dit aujourd’hui. Pour eux, qui sont des fanatiques du NOM, l’homme et l’oeuvre sont organiquement liés. Ils exercent donc ce chantage affectif au nom de la raison d’Etat (mondial): entre la France et eux, il faut choisir, et ils seront les premiers à nous interdire (!) de les aimer au motif que nous sommes Français, que nous aimons notre pays, et que nous ne voulons pas assurer à Chirac un score de dictateur (quand je pense que dans le même temps où il était obligatoire de ricaner des 82% de Saddam Hussein, score nécessairement trafiqué, il fallait se féliciter de ceux de Chirac!)

        Alors, Paris vaut-il une chanson d’Aznavour? Attends, je réfléchis un instant par scrupule… Non. Ils ont exigé de moi que je tranche. Je l’ai fait. En faveur de ce qui compte.

        Bravo pour ton excellent blog. Et merci pour ta réponse. ;)

        • marc le 28 septembre 2012 à 16 h 37 min

          @ CT

          « Et ne m’en veux pas si je te tutoie, je dis tu à tous ceux que j’aime » Jacques Prévert ;-)

          avec un peu de retard (le visionnage des vidéos, la recherche des articles et ma propre prose me prennent beaucoup de temps), je viens te remercier de ton dernier message, plein de gentilles choses pour la Plume et de remarques auxquelles je souscris bien volontiers.

          Concernant notre capacité plus restreinte au sectarisme que ceux du camp d’en face, je crois que nous devons nous en féliciter. J’ai en tête depuis un moment deux articles de fond sur la politique qui pourraient se résumer ainsi :

          Peut-on être de droite sans être cynique?

          Peut-on être de gauche sans être sectaire?

          Ne me reconnaissant sincèrement personnellement ni de l’une ni de l’autre, je me tâte encore pour ce qui est de répondre à la première de ces questions, mais il y a hélas bien longtemps que je ne me questionne plus sur la seconde. La certitude d’être dans le « camp du bien » est ce qui m’insupporte le plus chez les donneurs de leçons de « gôche » qui nous polluent ondes radios, écrans de télévision et presse papier.

          Oui aux idées fortes, non aux idées mortes! Il est une phrase de l’architecte Le Corbusier que j’aime beaucoup (et c’est à peu près tout ce que j’aime chez lui, d’ailleurs!) :

          « Je me réveille tous les matins dans la peau d’un imbécile, et j’ai toute la journée pour essayer d’en sortir »…

          Amitiés et au plaisir de te lire sur La Plume.

          ML – La Plume à Gratter

  2. NOURATIN le 16 septembre 2012 à 17 h 29 min

    Il apparaît clairement que la montée en puissance des musulmans jointe à la veulerie insane des
    irresponsables qui nous gouvernent a liquidé, chez nous, le concept même de liberté d’expression.
    Cela ne signifie plus rien.
    Cependant, aux Etats-Unis cette liberté est tellement fondamentale que personne en saurait y toucher. Même pas Obama qui n’arrive pas à obliger Google à retirer « l’innocence des musulmans »
    de You Tube!
    Preuve que si la France est un pays en régression gravissime, l’Occident garde encore un peu de dignité ça et là. Mais pour combien de temps?
    Amitiés.

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