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Ukraine : l’amour à coups de canon – Par Dominique Jamet

21 août 20140
Ukraine : l’amour à coups de canon – Par Dominique Jamet 5.00/5 4 votes

Publié le : 19 août 2014

Source : bvoltaire.fr

Il y a six mois, en février dernier, le cercle de famille occidental applaudissait à grands cris le remplacement d’oligarques plutôt tournés vers l’Est par d’autres oligarques qui regardaient dans la direction opposée. C’était la « révolution de Maïdan » dont les historiens nous diront peut-être un jour ce qu’elle eut de populaire et de spontané et la part qu’y prirent des intérêts et des services spéciaux étrangers. L’une des premières mesures du nouveau pouvoir, rappelons-le, fut d’enlever au russe son statut de deuxième langue officielle d’un pays composite dont l’indépendance était récente et l’unité fragile. La suite l’a assez prouvé.

Cette erreur, ou plutôt cette provocation, accentua la défiance des régions orientales de l’Ukraine envers Kiev et ne fut pas pour rien dans la contre-insurrection puis la sécession de ces régions, notamment autour des grandes villes de Donetsk et de Lougansk. La Russie ne pouvait rester indifférente – et ne le resta pas – au soulèvement de populations qui se sentaient et se disaient proches d’elle par le sang, la langue, la culture, l’histoire et le sentiment. Des volontaires et des spécialistes apparemment en service commandé vinrent du grand pays voisin encadrer les « Républiques populaires » qui bravaient des autorités dont la légitimité n’était et n’est toujours pas indiscutable.

Face à des séparatistes qui ne manquaient ni de détermination ni d’armes ni d’arguments, le gouvernement de Kiev pouvait entamer des négociations politiques, accepter de leur offrir une large autonomie, réorganiser l’État sur une base fédérale, demander un arbitrage international indiscutable, consulter les populations concernées et accepter le verdict populaire d’un référendum. Au lieu de quoi, fort de l’appui de l’Union européenne, de l’OTAN et, bien sûr – et d’abord –, des États-Unis qui, bien loin de la doctrine de Monroe, ne se contentent plus d’être maîtres chez eux, mais entendent l’être chez les autres, il choisit la guerre civile, une guerre qui, commencée piano, tourne désormais à plein régime, accumule comme toute guerre qui se respecte les ravages, les ruines, les morts et les ressentiments et peut, à tout moment, dégénérer en conflit international.

L’énorme absurdité de ce choix semble échapper à ses promoteurs, tout comme ses conséquences déjà constatées et à venir les dépassent. D’un côté, en effet, nous avons des rebelles qui affirment haut et fort, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, leur désir ou leur volonté de rompre le lien qui les attache à l’Ukraine. De l’autre, un gouvernement qui, contre l’évidence, leur réplique qu’ils sont et qu’ils resteront ukrainiens, qu’ils sont et demeureront quoi qu’il arrive ses concitoyens, ses frères, ses administrés et qui prive ces concitoyens, ces frères, ces administrés, d’eau, d’électricité, de ravitaillement, leur interdit de recevoir des secours sous le prétexte très convaincant que les bouteilles d’eau minérale pourraient faire de redoutables cocktails Molotov et que les pains peuvent être en plastic, et qui fait pleuvoir obus, bombes et missiles sur leurs rues, leurs maisons, leurs villes et jusque sur les cortèges de réfugiés qui tentent de fuir l’enfer. C’est une assez étrange et assez insupportable farce que celle qui consiste à vouloir faire entrer dans la tête des gens l’amour de la patrie à coups de canon. Depuis bientôt trois ans, on nous serine que l’abominable Bachar el-Assad n’hésite pas à tirer sur son peuple… Et que fait d’autre le gouvernement de Kiev ? Mais M. Obama et M. Bernard-Henri Lévy qui nous montrent du doigt la paille dans l’œil de Vladimir Poutine ignorent la poutre dans celui de M. Porochenko.

Dominique Jamet

 

 

 

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