Sport

Marion Bartoli victorieuse à Wimbledon : Cendrillon ou Bécassine du tennis français ?

10 juillet 20133
Marion Bartoli victorieuse à Wimbledon : Cendrillon ou Bécassine du tennis français ? 5.00/5 43 votes

Entendons-nous bien : le sujet de ce petit billet de –presque- mauvaise humeur n’est évidemment pas de regretter la victoire totalement improbable de Marion Bartoli lors du dernier tournoi de Wimbledon.

Bien que souvent assez sensible côté patriotisme sur des sujets qui comptent, je dois tout d’abord bien avouer que mon esprit cocardier est très rarement mis en transe par la victoire d’un sportif français dans quelque discipline sportive que ce soit, sous le seul prétexte qu’il est français, justement.

Le sport étant avant tout un jeu où sont normalement censés s’épanouir des sentiments de loyauté, d’esprit chevaleresque, d’amitié et de respect tout autant que l’esprit de compétition et le goût de la confrontation, il me semble assez dérisoire, et même assez malsain de voir ou d’entendre des excités au QI d’huitre se mettre dans tous leurs états suite à la victoire ou la médaille de tel ou tel crétin milliardaire en short ou même brave type aux revenus nettement plus modestes, à skis ou en maillot de bain, sous le seul prétexte qu’il est français, de famille ou de circonstance, quand ce n’est pas uniquement de papiers.

En matière de sport, j’ai toujours privilégié la performance, le talent, la virtuosité et la classe à la nationalité, préférant me réjouir de la victoire de tel champion d’exception suisse, russe ou -même !- américain, à la victoire d’un français antipathique, besogneux ou con comme un panier. Mon patriotisme ne se niche pas dans les gradins des stades et ne se révèle pas devant un écran de télévision, et je serais pour ma part assez furieusement partisan d’une interdiction pure et simple de ces horripilants tours d’honneur « à drapeaux » enjoignant spectateurs  et compétiteurs  à ovationner une nation qui ne le mérite en l’occurrence pas, tout autant que l’athlète vainqueur, tours d’honneur qui ont envahi de façon aujourd’hui systématique, et même quasi pavlovienne toutes les arènes sportives depuis que cette lamentable mode a été lancée par nos amis ricains lors des Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984.

Le sport n’est donc absolument pas un motif de fierté nationale pour moi, mais il semble bien être le seul aujourd’hui qui soit susceptible de mettre en transe nationale nos journalistes, sportifs ou pas, et même notre classe médiatique et politique dans son ensemble. Il est en effet en général de bon ton dans les rangs de nos chères « zélites » d’avoir honte de la France en général, et en particulier de tout ce qu’elle a pu avoir d’unique, au point de retirer des manuels scolaires presque toutes les heures les plus glorieuses de notre histoire -Saint Louis et les croisades, Louis XIV,  Napoléon 1er, etc.- , ces heures où la France régnait sur l’Europe et inspirait le monde, pour laisser un peu de place à l’enseignement de l’histoire  ô combien essentielle des royaumes du Monomotapa … Mais que tel ou tel sportif remporte donc une breloque plus ou moins prestigieuse, et c’est le concert de louanges, la moulinette à cocorico, la machine à superlatifs qui s’enclenchent et sature jusqu’au ridicule, jusqu’à -pour votre serviteur- la nausée, l’espace médiatique français.

Selon que tu seras victorieuse ou perdante, les jugements de presse te feront blanche ou noire…

Ainsi donc de la victoire presque irrationnelle ce dimanche de Marion Bartoli à Wimbledon… Une Marion Bartoli victorieuse certes, et personne ne pourra désormais le lui retirer (et certainement pas moi), et dès lors subitement devenue du jour au lendemain une « championne d’exception » une « légende du sport français », une «  compétitrice hors normes »,  j’en passe et des meilleures… Le vilain petit canard mué, et par la seule vertu de la victoire, en un majestueux cygne… Voire. Parce que côté majesté sur le court, justement, excusez-moi !

Toute personne ayant déjà vu Bartoli sur un court de tennis et connaissant un peu ce sport, son histoire, sa technique et sachant évaluer un niveau de jeu me comprendra. Avec sa technique frustre et inélégante, son jeu binaire, ses tics gestuels souvent grotesques, ses démonstrations mécaniques et ridicules de volonté à tout bout de champ, véritable méthode Coué du poing serré à chaque échange joué, même lorsque celui-ci a simplement piteusement été perdu sur une faute directe par son adversaire, son service à l’esthétique improbable, son incapacité à « exister seule » sur le terrain sans continuellement chercher du regard les membres de son clan, ses caprices de petite fille butée inféodée totalement au père omniprésent et castrateur qui ont empoisonné sa relation avec à peu près tout le monde depuis des années et jusqu’à ces derniers mois, le spectacle de Bartoli sur un court de tennis relève bien plus (et pour tout amoureux de ce sport) du pensum laborieux et pour tout dire assez horripilant que du ballet aérien de l’artiste inspirée version Justine Hénin ou Martina Navratilova, de la partie d’échec de l’intelligence face à la force du génie version Martina Hingis ou Hana Mandlikova, du combat acharné de monstre de volonté et d’engagement version Monica Seles ou Maria Sharapova, ou même de la performance athlétique exceptionnelle et inexorable de l’athlète hors normes version Serena Williams. Jusqu’à sa victoire donc, qui a pour nos chers médias tout changé !

La victoire, oui, certes…mais dans quelles circonstances en réalité ? Reprenons donc un peu le parcours de notre championne dans ce tournoi totalement irrationnel et qui restera sans doute dans les annales comme le plus improbable de par son déroulement de toute l’histoire du tennis, et que cela soit avant ou après l’avènement du tennis  open et professionnel.

Lors des sept rencontres qui l’ont amenée à brandir le trophée dimanche dernier, Marion Bartoli a en effet triomphé de :

Au 1er tour : Svitolina, 82ème joueuse  mondiale

Au 2ème tour : Mac Hale, 70ème

Au 3ème tour : Giorgi, 93ème

Au 4ème tour : Knapp, 104ème

En quart de finale : Stephens, 17ème

En demi-finale : Flipkens, 20ème

Enfin en finale : Lisicki, 23ème mondiale

Soit et souvent de très loin, pas une seule joueuse mieux classée qu’elle au classement WTA (Bartoli était 15ème  avant Wimbledon) pendant tout le tournoi ! Je suis assidûment le tennis depuis plusieurs décennies… je n’ai jamais vu un titre du grand chelem se jouer à un aussi modeste niveau de performance. Et si Sabine Lisicki, la malheureuse finaliste, avait certes fait un sacré ménage dans le tournoi, éliminant notamment l’incontestable numéro 1 mondiale Serena Williams, mais aussi la numéro 4 Agnieska Radwanska ou la gagnante de l’US Open Samantha Stosur, réalisant un parcours exceptionnel qui pouvait grandement justifier sa présence en finale (où elle a d’ailleurs totalement craqué sous la pression de l’évènement, facilitant encore un peu plus la tâche de notre Cendrillon médiatique), peut-on seulement en dire autant de notre Bartoli désormais « nationale » qui, bien que planquée en Suisse pour des raisons fiscales comme la quasi-totalité de ses petits camarades filles ou garçons (le grand frère Yannick Noah avait su à son époque montrer ce si bon exemple) se verra bientôt, n’en doutons pas, remettre une Légion d’Honneur  aussi improbable que sa victoire sur le gazon londonien… Mais on a sans doute aujourd’hui et décidément bien les héros que l’on mérite…

Marion Bartoli a donc eu le mérite (pas mince tout de même) de savoir saisir une occasion comme il s’en offre une par siècle -et encore- en ne battant que des joueuses plus faibles encore qu’elle, pour inscrire son nom au palmarès du plus prestigieux tournoi de tennis du monde. Bravo Marion ! Profite et savoure, comme un gagnant du loto qui a touché le gros lot. Il est fort peu probable que l’histoire te repasse jamais ce plat là…

Quant aux clowns qui t’ont tressé ces couronnes de lauriers aussi disproportionnées que ta victoire était en réalité presque irrationnelle, il est à souhaiter que comme le dit l’adage, le ridicule ne tue pas… Ou alors, misère… Quelle hécatombe !

 Marc LEROY – La Plume à Gratter

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , ,

3 Responses to Marion Bartoli victorieuse à Wimbledon : Cendrillon ou Bécassine du tennis français ?

  1. christine le 12 juillet 2013 à 23 h 20 min

    Excellent article Marc!
    Je ne suis pas particulièrement « fan » de tennis, pas plus que d’un autre sport d’ailleurs, mais il faut reconnaître que les chroniques sportives sont bien les seules où l’on peut entendre ce concert unanime de cocoricos franchouillards et où l’on voit se redresser une fierté nationale tout à fait « impolitiquement correcte » par ailleurs.
    Merci pour ce brillant retour et bon courage pour la suite.
    J’ai quant à moi bien besoin de lire « La Plume » , car vos articles alertes et mordants m’offrent une vision du monde en général, et de notre pauvre France en particulier, bien plus renseignée et objective que le journal de 20 heures ou tous nos médias autorisés… Pas toujours très rose certes, mais la vie ne l’est pas vraiment non plus !!
    Très amicalement.
    Christine.

  2. Carine005 le 12 juillet 2013 à 0 h 25 min

    Et que dire des cyclistes du Tour de France !
    Il n’y a plus d’équipes nationales, mais tout le monde s’échine à réintroduire les nationalités là où normalement, on ne devrait pas les attendre !
    C’est un cycliste de l’équipe truc qui gagne l’étape, mais on sait qu’il est Allemand, ou Anglais. (Pour les Français, il faudra attendre un peu…). Et mieux, on colle son drapeau devant son nom dans les résultats, à la télé.

    Alors pourquoi ne pas refaire des équipes nationales ?
    Ca fausse le jeu. Si solidarité il y a, elle se fait au sein d’une équipe-marque.
    Donc les nationalités ne devraient même plus être mentionnées, c’est pas cohérent.

  3. NOURATIN le 11 juillet 2013 à 17 h 42 min

    Je confesse voir les choses un peu différemment.
    Le sport étant désormais l’opium du peuple (enfin c’est ce que croyaient les marxistes qui dirigent le Brésil) il est bon que le vulgumm pecus puisse s’identifier un tant soit peu à ces héros des stades, des courts, des bassins ou des tatamis. Or, la plupart des électrices (plus nombreuses, au demeurant, que les électeurs)ressemblent nettement plus à Marion Bartoli qu’à la ravissante petite Allemande qui lui était opposée ce jour fameux.
    La victoire inespérée de la première constitue donc, politiquement parlant, une excellente nouvelle.
    Amitiés.

Répondre à NOURATIN Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*