La Plume parcourt le Net

De Leonarda à Lucette : Hollande ou le président BFM – Par Maxime Tandonnnet

2 novembre 20150
De Leonarda à Lucette : Hollande ou le président BFM – Par Maxime Tandonnnet 5.00/5 3 votes

Publié le : 02 novembre 2015

Source : lefigaro.fr

La mise en scène de la visite du président Hollande chez Lucette Brochet, infirmière retraitée de 69 ans, jeudi dernier à Vandoeuvre-les-Nancy, donne le sentiment qu’un nouveau palier a été franchi dans la désintégration de la vie politique française. Médiatisé, présenté comme spontané, cet épisode avait été minutieusement concocté, jusque dans les moindres détails, par les responsables de la communication du chef de l’Etat, comme l’a révélé BFM. Il a été comparé aux dîners chez les Français du président Valéry Giscard d’Estaing. L’analogie ne tient pas la route: l’ex-chef de l’Etat dans les années 1974-1981 avait annoncé à l’avance cette initiative controversée qui était dépourvue de toute manipulation. Le scénario de Vandœuvre-les-Nancy rappelle plutôt le montage raté d’Edouard Balladur pendant la campagne présidentielle de 1995, qui avait simulé de A à Z une panne de voiture et un recours à l’autostop pour tenter de donner une image de proximité du peuple. Cependant, il n’était alors que candidat, et non chef de l’Etat en fonction. Ce geste ressenti comme hypocrite avait miné la suite de sa campagne et sans doute contribué à son échec.

L’opération de Vandœuvre-les-Nancy fait apparaître la politique française comme un champ de ruine. La politique au sens noble du terme, le gouvernement de la cité, semble en voie de décomposition accélérée. Les responsables politiques dans leur ensemble paraissent avoir totalement renoncé à agir sur le monde réel, et s’être détourné de toute notion du bien commun. Ils donnent le sentiment d’une fuite éperdue dans la communication sous toutes ses formes : postures, annonces, petites phrases, polémiques stériles, scandales. Gouverner n’est plus choisir, comme le disait Pierre Mendès-France en 1954. Désormais, gouverner, c’est frimer. L’opposition ne semble pas mieux se porter, ivre de ses ambitions personnelles, incapable de faire abstraction de ses conflits de narcissisme pour se pencher sur l’avenir du pays. La vie politique française, à l’approche d’une période électorale intense, apparaît comme une simple course à la conquête ou à la préservation des privilèges matériels ou de vanités qui s’attachent aux mandats et aux fonctions.

Un sondage CEVIPOF sur la confiance des Français, paru en février 2015, souligne que 40% d’entre eux éprouvent de la méfiance envers la politique, 25% du dégoût et 11% de l’ennui. Par ses contradictions et ses volte-face, son renoncement à toute cohérence, la vie politique semble sombrer dans un immense mépris pour les Français. Tantôt le parti socialiste appelle à une mobilisation contre le « bloc réactionnaire » composé de « la droite et de l’extrême droite ». Tantôt, il dit exactement le contraire, prônant un « front républicain » contre l’extrême droite. « Je regarde, je lis, j’écoute et je trouve que l’on se moque du monde à l’excès. On s’en moque à droite, on s’en moque à gauche. On s’en moque partout », écrivait André Tardieu, dépité, au lendemain de son retrait de la vie politique (La note de la semaine, Flammarion, 1936).

Ensuite, les politiques bien-pensants s’indignent de la montée de l’abstentionnisme, accusant les électeurs d’incivisme, et de la vertigineuse poussée du vote dit « populiste », qui ne suscite aucun véritable espoir ni aucune sympathie dans les profondeurs de la nation, bien au contraire, mais cristallise aujourd’hui le profond malaise d’une société face à sa classe politique. Pourtant, les dirigeants politiques, ceux au pouvoir qui se complaisent dans la communication, comme ceux de l’opposition qui n’offrent pas d’alternative autres que leur nombril, sont à l’évidence responsables de cette situation, pas seulement par leurs échecs, notamment face à un chômage qui touche 5,5 millions de personnes, mais aussi par leur comportement face aux Français, ressenti comme méprisant.

La France est confrontée à des défis gigantesques, à la dimension du siècle qui n’en est encore qu’à ses débuts et s’annonce aussi tourmenté, aussi tragique, voire plus, que le siècle précédent. Un ouvrage vient de paraître aux éditions Fayard, intitulé Africanistan, dans une relative indifférence. Il décrit l’éventualité de la déstabilisation d’une partie de l’Afrique, en particulier du Sahel, par la démographie galopante, l’aggravation vertigineuse de la misère, les guerres et le triomphe des mouvements jihadistes. Dans cette hypothèse, Serges Michailof, chercheur au CIRI, qui n’a strictement rien d’un extrémiste ni d’un prophète de malheur, s’interroge sur la perspective de mouvements considérables de populations vers la France – comparables à celui que subit en ce moment l’Europe centrale – et sur leur impact pour les équilibres sociaux et politique de notre pays. Le devoir fondamental de dirigeants politiques dignes de ce nom devrait être de préparer le pays à l’éventualité d’une crise dramatique de ce type plutôt que de sombrer dans le vertige de la communication et de l’électoralisme.

Maxime Tandonnet

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*