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Éducation : le coût du mépris – Par Sophie Coignard

1 septembre 20150
Éducation : le coût du mépris – Par Sophie Coignard 5.00/5 2 votes

Publié le : 1er septembre 2015

Source : lepoint.fr

L’exécutif est frappé d’autisme chronique : ni l’Élysée ni le ministère ne répondent aux doléances des professeurs sur l’enseignement du latin.

En mai 2015, les professeurs de lettres classiques avaient adressé au président de la République un appel « pour l’avenir des langues anciennes et de l’école ». Cette missive était signée par de nombreuses personnalités, parmi lesquelles un ancien Premier ministre, un ancien président du Conseil constitutionnel, trois ex-ministres de l’Éducation nationale, auxquels s’étaient jointes les voix respectées de François Cheng, Yves Bonnefoy, Michael Edwards, Marc Fumaroli, Claude Hagège, Régis Debray et bien d’autres. Parmi eux un Prix Nobel, un lauréat de la médaille Fields et une quarantaine de membres de l’Institut. Pas vraiment une poignée de « pseudo-intellectuels » !

Ils n’ont pas été entendus. Le chef de cabinet de François Hollande s’est contenté de répondre que celui-ci était très attaché aux langues anciennes, mais que son agenda ne lui permettait pas de recevoir les demandeurs. Pas plus qu’aucun de ses conseillers. Et que par conséquent, il avait transmis le courrier à la ministre de l’Education nationale. Le problème, c’est que la rue de Grenelle fait depuis le début la sourde oreille aux protestations des professeurs de lettres classiques, d’où, justement, cet appel au chef de l’État.

Lundi 31 août, l’Association des professeurs de lettres (APL) a donc envoyé une nouvelle lettre à l’Élysée, intitulée « Réponse à une non-réponse ». Elle s’indigne d’une quadruple injure faite à la raison, à la vérité, aux professeurs et aux élèves, et enfin aux savants qui se sont levés contre ce qu’ils qualifient de « réforme absurde ». Une adresse très symbolique, tant sont minimes les chances qu’elle soit entendue par des responsables politiques qui ont décidé de ne pas écouter la moindre contradiction.

Dernière année pour les langues anciennes

À partir de la rentrée 2016 en effet, si le gouvernement ne revient pas sur sa position, les langues anciennes cesseront d’être une discipline à part entière pour devenir un enseignement pratique interdisciplinaire, enrichi dans le meilleur des cas par un enseignement complémentaire dont les horaires seront réduits, pour la quatrième et la troisième, de trois à deux heures par semaine. Ce qui n’empêche pas Najat Vallaud-Belkacem de répéter qu’il n’y aura pas moins d’heures consacrées aux langues anciennes que par le passé. C’est l’injure à la vérité évoquée dans le courrier au président.

Lors de leurs rares échanges avec le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, les professeurs de lettres doivent se contenter d’écouter les éléments de langage déroulés sans fin par la ministre dans les médias. Il y aurait un « malentendu » – traduction : ils ne comprennent rien –, puisqu’un nombre plus important d’élèves auront accès aux langues anciennes. Que ces élèves doivent se contenter de les survoler n’a aucune importance, puisqu’il faut privilégier la « mise en contact » sur le degré d’imprégnation. On peine à imaginer à quoi ressemble une simple « mise en contact » avec le latin… Jamais, sous aucun gouvernement, de droite comme de gauche, les professeurs n’ont été traités avec un tel degré de mépris. « On a toujours l’impression qu’ils détiennent une vérité absolue, raconte l’un des participants aux rares rencontres avec l’entourage de la ministre. Il est vrai qu’on ne peut pas négocier avec des missionnaires, persuadés qu’ils incarnent le camp du bien contre l’égoïsme de classe. »

Les parents, eux, ne s’y trompent pas. Ils sont plus nombreux en cette rentrée à inscrire leurs enfants en classe de latin et de grec, comme s’il fallait se dépêcher de bénéficier d’une aubaine qui ne se présentera plus.

Sophie Coignard

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