Europe

Et si la Grèce quittait l’Union Européenne ? Par Yvan Blot

20 février 20150
Et si la Grèce quittait l’Union Européenne ? Par Yvan Blot 5.00/5 3 votes

Publié le : 18 février 2015

Source : fr.sputniknews.com

Cette hypothèse ne semble plus exclue par les dirigeants Allemands (madame Merkel, chancelière, monsieur Schäuble, ministre des finances) ni français (déclaration du président Hollande disant que la Grèce est maitre de son destin).

Si cela se fait, ce sera pour des raisons économiques. La politique d’austérité imposée à la Grèce hyper endettée a produit une récession qui a accru encore le poids de la dette. Le produit intérieur brut de la Grèce est passé de 294,2 milliards de dollars en 2010 à 241,7 milliards de dollars en 2014 selon les chiffres de la Banque mondiale.Face à ce désastre, les économistes sont divisés: faut-il que la Grèce quitte l’euro, moyennant quoi elle devra aussi quitter l’Union européenne ? Selon, par exemple le professeur David Cayla de l’Université d’Angers, l’euro n’est pas adapté à un pays périphérique. Les voisins de la Grèce comme la Turquie n’ont pas l’euro. L’euro n’est pas adapté à l’économie grecque qui représente 2,3% du PIB de la zone euro, donc pas grand-chose. Si la Grèce quitte l’Europe, la répercussion sur le reste de l’Europe sera mécaniquement très faible. Sur le moment, cela coutera cher aux Grecs car la nouvelle monnaie grecque dévaluera tout de suite de 30%. Mais le tourisme et l’industrie grecque redeviendront compétitifs.

L’Argentine a connu des déboires avec les changes flottants (dévaluation de fait) en 1998 mais après quelques années difficiles a connu une croissance de 8% par an à partir de 2003. L’exemple argentin peut faire réfléchir les Grecs.Pour l’Europe, une telle option n’aurait rien de dramatique mais il faudrait négocier cette sortie de l’euro au mieux (rééchelonnement de la dette grecque notamment). La Russie pourrait alors jouer une carte essentielle en offrant à la Grèce une aide financière ou de l’énergie (dont la Grèce manque cruellement) à bas prix.

Toutefois, les conséquences politiques d’une sortie de la Grèce inquiètent beaucoup la classe politique qui dirige l’Europe occidentale. Ce serait un précédent qui pourrait convaincre les nombreux électeurs britanniques qui veulent quitter l’Europe. Le premier ministre britannique a promis un référendum sur ce sujet explosif ! La livre sterling est solide donc c’est plus facile de sortir de l’Europe pour le Royaume Uni (qui a toujours refusé l’euro) que pour la Grèce. Le paradoxe est que dans ce cas, cela donnerait raison a posteriori au Général de Gaulle qui ne voulait pas que le Royaume Uni soit dans l’Europe! Il trouvait que ce pays était « un porte-avions américain » et qu’il ne serait jamais solidaire des intérêts de l’Europe continentale. Si le peuple britannique l’admet lui-même, comment lui donner tort ?

Autre conséquence imprévue: cela montrerait à l’Ukraine qu’adhérer à l’Europe serait pour elle économiquement suicidaire : ce serait une Grèce multipliée par quatre (l’Ukraine a 42 millions d’habitants et la Grèce a 10,8 millions d’habitants). Et l’Europe ne viendrait sûrement pas à son secours financièrement. La solution serait nécessairement de redevenir réalistes et de rapprocher les économies russes et ukrainiennes historiquement et géographiquement complémentaires.La sortie de la Grèce de l’Union européenne pourrait par ailleurs l’inciter à se rapprocher de la Russie. Or, plusieurs pays d’Europe centrale et orientale souhaitent déjà la fin des sanctions antirusses : la République tchèque et la Slovaquie, l’Autriche et la Hongrie, la Serbie notamment. Un bloc du sud-est européen favorable au rapprochement avec la Russie pourrait alors se constituer, ce qui serait un retour à une constante historique.

En Europe occidentale, beaucoup d’hommes politiques notamment français comme Nicolas Sarkozy (déclaration du 8 novembre 2011) ou François Fillon (déclaration du 22 mai 2014) souhaitent une Europe à deux vitesses, un noyau dur centré autour du couple franco-allemand où l’intégration serait renforcée et une Europe périphérique avec une coopération à la carte. On aurait ainsi deux pôles renforcés en Europe, un pôle occidental qui serait conforme à l’ancienne Europe de Charlemagne qui comprendrait le Benelux, la France, l’Allemagne et sans doute l’Italie et un pôle oriental comprenant la Russie, les Balkans voire une partie de l’Europe centrale (Prague et Budapest) !

Entre ces deux futurs pôles, on pourrait envisager une coopération renforcée dans le cadre de la grande Europe que le général de Gaulle appelait de ses vœux.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une telle configuration renforcerait la paix et réduirait les tensions. Elle serait conforme à la nature de la géographie et éviterait de forcer toutes les nations à entrer dans un même carcan, ce qui suscite des réactions « populistes » de plus en plus fortes.Il serait alors loisible à la Scandinavie, hostile à l’euro sauf la Finlande, voire même à l’UE comme la Norvège, de jouer son propre jeu, soit par un rapprochement avec le Royaume Uni, ce qui est déjà le cas, soit avec l’Europe « carolingienne » plus cohérente que l’Europe actuelle. Les Pays qui ont des tentations agressives antirusses comme la Pologne ou certains pays baltes se retrouveraient isolés et donc amenés à avoir une vue plus réaliste des choses.

On le voit : la sortie de la Grèce de l’euro et de l’Union européenne n’aurait pas les accents dramatiques qu’on veut parfois lui donner. Le dogme d’un Europe s’étendant à l’infini (pourquoi pas étendue au Maroc ou à la Turquie comme certains rêveurs l’ont évoqué) serait brisé. On reviendrait au réalisme fondé sur l’histoire, la géographie, notamment culturelle et religieuse.

Il resterait comme témoin de l’ancienne organisation de l’Europe, l’OTAN, l’organisation militaire transatlantique. Mais justement, ce serait l’occasion de revoir son format et sa mission dans un esprit réaliste et apaisé, sujet pour l’instant parfaitement tabou.Il faut réfléchir: la sortie de la Grèce de l’Union européenne est un sujet à aborder avec lucidité. Ce qui semble à court terme un danger pourrait se révéler un facteur de paix et de stabilité dans un continent qui en a désormais bien besoin !

Ivan Blot
EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , , , , , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*