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Affaire DSK, ou l’indécence collective – Par Eloïse Gloria

2 février 20150
Affaire DSK, ou l’indécence collective – Par Eloïse Gloria 5.00/5 4 votes

Publié le :

Source : bvoltaire.fr

Près de quatre ans que les tribulations érotiques de Dominique Strauss-Kahn reviennent polluer périodiquement les gros titres des magazines les plus sérieux – ou perçus comme tels. Aujourd’hui s’ouvre le procès du Carlton de Lille, où il comparaîtra pour « proxénétisme aggravé en réunion ».

Au-delà des révélations sur le côté obscur de celui qui était censé gagner les présidentielles de 2012, cette sordide histoire nous en aura beaucoup appris sur la mentalité du microcosme politico-médiatique. Chacun connaissait les pratiques du personnage, nul ne pipait mot. Au pire le disait-on « libertin ». Puis, au fil des investigations, les langues se délièrent. Les journalistes durent admettre être au courant depuis belle lurette de sa boulimie sexuelle, voire de son comportement brutal vis-à-vis de ses conquêtes (devrait-on écrire « proies » ?).

L’omerta se mua en racolage sur papier glacé : des éclaboussures séminales sur la chemise de Nafissatou Diallo à New York au coup tiré vite fait dans les toilettes d’un restaurant parisien, en passant par les partouzes ou les bars à putes, aucune de ses acrobaties ne nous fut épargnée. L’affaire DSK a défoncé à la hussarde la porte entrebâillée de la « peoplelitique » décomplexée, au détriment d’un traitement de l’information plus digne et distancié ; énième symptôme d’une société en perte de repères et en quête de sensationnalisme, de promiscuité, de vulgarité. Un autre socialiste en scooter en ferait plus tard les frais. Ces mêmes journalistes ont, maintenant, le culot de nous brandir un sondage arguant que « 79 % des Français estiment que DSK aurait été meilleur président que François Hollande ». On leur rétorquera que, primo, n’importe quel tocard ferait mieux qu’Hollande, et deuxio, que DSK est quand même à l’origine du plan de sauvetage foireux de 2010 qui a précipité la Grèce un peu plus dans l’abîme.

L’attitude des hommes politiques ne fut guère plus reluisante ; feignant la surprise, l’indignation, se réfugiant dans le mutisme, fuyant les soirées où ils étaient susceptibles de croiser le pestiféré dont ils louaient la veille les talents de directeur du FMI. Aujourd’hui, une enquête de Vanina Kanban pour Canal+ dévoile que Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient eu vent dès mars-avril 2011, par le biais d’écoutes téléphoniques, de l’implication de DSK dans le scandale du Carlton, soit six mois avant que la presse s’en fasse l’écho. Une clé USB contenant des informations sur « DSK » et des « prostituées » aurait même circulé à Matignon. Autant dire qu’une sacrée portion de la sphère politique devait être au parfum.

À présent, la justice doit déterminer s’il était un simple client ou un véritable pivot de l’organisation d’orgies avec des professionnelles. Il risque jusqu’à dix ans de réclusion et un million et demi d’euros d’amende. Souhaitons qu’une décision équitable pourra être rendue, au vu de l’hystérie médiatique qui a parasité le dossier. Qu’il soit ou non condamné, on sera tenté de supposer que son statut social a pesé dans la balance. Quels que soient l’écœurement, le rejet, le mépris que puisse inspirer Dominique Strauss-Kahn, l’indécence de sa conduite n’a d’égale que celle avec laquelle les meutes de chiens le déchiquetèrent goulûment, à grands coups de crocs.

Eloïse Gloria

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