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Marioupol : le régime ukrainien se lance dans une vaste opération d’intoxication – Par Guillaume Borel

28 janvier 20150
Marioupol : le régime ukrainien se lance dans une vaste opération d’intoxication – Par Guillaume Borel 5.00/5 3 votes

Publié le : 26 janvier 2015

Source : arretsurinfo.ch

Les Forces Armées de Novorossia ont repoussé l’assaut de l’armée ukrainienne sur l’aéroport de Donetsk le 18 janvier et sont passées à une contre-offensive de grande envergure sur toute la ligne de front. Le gouvernement ukrainien a réagi comme à l’accoutumée à ce nouvel échec militaire en accusant les troupes russes d’être intervenues directement dans le conflit. Depuis le forum économique de Davos, le président Porochenko affabulait sur la présence de 9 000 soldats russes soutenus par 500 tanks et pièces d’artilleries, faisant suite à une longue liste d’invasion armées russes fantômes jamais confirmées par les centaines d’observateurs de l’OSCE chargés de contrôler la ligne de front. A ce sujet, le président de l’assemblée parlementaire de l’OSCE affirmait « qu’avant de faire des déclarations retentissantes, il fallait tenir compte de la guerre de l’information en cours », ce qui sonnait comme une accusation ouverte de mythomanie à l’encontre du gouvernement ukrainien.

Le 23 janvier, le gouverneur de Donetsk Pavel Goubarev, commentait la progression de la contre-offensive générale des Forces Armées de Novorossia : « Les FAN sont passées à l’offensive sur pratiquement toute la ligne de front. Nos forces attaquent Avdeïevka, Marioupol, Debaltsevo, Mariinka. Les FAU retirent leurs troupes de Dzerjinsk. Nous menons une offensive sur Krymskoïe, Popasnaïa et Troitskoïe. Un chaudron est en train de se former. En même temps nous effectuons des pilonnages intensifs des positions des FAU sur toute la ligne de front, hormis Stanitsa (des mortiers y travaillent). »

Le premier ministre Zakarchenko déclarait également :

« La RPD n’engagera plus de négociations avec Kiev pour mettre en place une quelconque trêve. Maintenant, on observera comment Kiev va réagir. Kiev n’a pas encore réalisé que nous sommes capables d’engager une offensive sur 3 axes simultanément. Plus aucune trêve, aucune rotation. Il n’y aura que des échanges de prisonniers puisque nous devons sortir nos gars de la captivité. Nous allons combattre les punitifs jusqu’à ce que nous arrivions sur les frontières de la région de Donetsk. Si je vois des menaces pour la terre de Donetsk depuis n’importe quelle agglomération, j’éliminerai cette menace là-bas aussi”.

Cette décision d’une offensive destinée à repousser les forces armées ukrainiennes sur les frontières administratives des anciennes oblasts de Donetsk et Lougansk fait suite à une longue série de pilonnages meurtriers des quartiers résidentiels civils par l’armée ukrainienne et plus particulièrement les bataillons de la garde nationale. Elle répond à un objectif de sécurisation des populations civiles qui sont victimes de bombardements systématiques et gratuits de la part de certaines unités ukrainiennes, composées en grande partie de volontaires de la mouvance néo-nazie.

La ville de Donetsk a été bombardée quasiment chaque semaine depuis la signature des accords de Minsk qui interdisaient précisément les bombardements des zones résidentielles.

La porte-parole de la diplomatie américaine Jennifer Paski, estimait début novembre que le nombre de morts depuis la signature du mémorandum de Minsk était supérieur à 200 et l’OSCE relevait plus de 2 400 violations du cessez-le-feu.

Le 18 janvier, 30 civils, dont des enfants, étaient tués par des bombardements aériens sur la ville de Gorlovka. Selon le chef adjoint de l’état-major, les avions, des SU-24 : « n’ont visé aucune cible militaire. Ils larguaient tout simplement les bombes sur la ville. »

Le 22 janvier, un tir d’obus de l’armée ukrainienne sur un arrêt de trolley à Donetsk a fait 13 nouvelles victimes civiles…

Suite à la contre-offensive des FAN, l’armée ukrainienne se trouve en très fâcheuse posture et a reculé sur l’ensemble de la ligne de front. En ce moment même, 8000 soldats ukrainiens sont encerclés dans un « chaudron » près de la ville de Debaltsevo.

Dans ce contexte de déroute militaire, les bombardements sur Marioupol ayant tué 30 civils et attribués au Forces Armées de Novorossia, tombent comme une aubaine pour un gouvernement aux abois. L’armée ukrainienne a ainsi immédiatement déclarée qu’il s’agissait de « « tirs rebelles au lance-roquettes multiples Grad sur le faubourg Est de Marioupol » en enchaînant sur le fait que : «  Les rebelles n’ont pas besoin de la paix, ils exécutent les ordres du Kremlin pour une escalade de la situation dans le Donbass ».

Ces affirmations, qu’aucune action du même type des Forces Armées de Novorossia par le passé ne peut confirmer, ont immédiatement été reprises par la presse européenne et ont donné lieu à une offensive sur le terrain diplomatique. Le président ukrainien a immédiatement convoqué une réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies afin d’accentuer la pression sur Moscou et d’obtenir un engagement plus poussé de l’OTAN dans le conflit.

Le ministre de la défense Stepan Poltorak a ainsi déclaré : « De la région de Louhansk jusqu’à Marioupol, partout des groupes armés illégaux, épaulés par des unités russes, sont passés à l’offensive » tentant une fois de plus de faire porter la responsabilité de l’échec de l’armée ukrainienne à un engagement russe direct sur le terrain.

Ironie de l’histoire, le Conseil de sécurité nationale et de défense ukrainien a chargé le gouvernement de saisir la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité perpétrés dans le Donbass. Selon la radio La Voix de la Russie, les autorités ukrainiennes demanderont également à la CPI de reconnaître les « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk comme des organisations terroristes…

Pour mémoire, les bombardements au phosphore, et les charniers découverts par les Forces Armées de Novorossia dans les territoire repris à l’armée ukrainienne en septembre n’ont fait l’objet jusqu’à présent d’aucune enquête internationale et n’ont suscité en occident qu’un silence médiatique assourdissant…

Les condamnations diplomatiques internationales se sont déchaînées alors que jusque-là les bombardements de civils à répétition de la part des forces armées ukrainiennes n’avaient pas éveillé le moindre intérêt ni la plus petite protestation. La représentante de la diplomatie de l’Union Européenne, Federica Mogherini, a immédiatement réagi en affirmant : « Cette escalade va inévitablement provoquer une grave détérioration des relations entre l’UE et la Russie » ce qui laisse augurer une aggravation du régime de sanctions contre la Russie, malgré l’absence de preuve d’une quelconque présence militaire russe dans le Donbass depuis le début du conflit.

A cet effet, les ministres des affaires étrangères de l’UE doivent se réunir lundi 26 janvier en urgence, afin de « coordonner les démarches ultérieures destinées à assurer la sécurité de l’Ukraine et à intensifier la pression sur la Russie » selon le président Ukrainien.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a également condamné l’attaque et accusé les insurgés de violer les accords de Minsk alors qu’il s’était jusque-là abstenu de condamner les innombrables violations du cessez-le-feu et les bombardements de civils de la part de l’armée ukrainienne. Le communiqué publié par le service de presse de l’ONU stipule que : « Le secrétaire général reproche aux leaders des insurgés d’avoir renoncé à respecter le régime de cessez-le-feu et d’avoir fait des déclarations provocatrices revendiquant de nouveaux territoires. »

Le président américain Barack Obama s’est également exprimé, en reportant encore une fois la responsabilité sur la Russie, dans une rhétorique de diabolisation maintenant bien rodée qui montre une fois encore quelle est la véritable cible de ce conflit initié par les Etats-Unis avec le coup d’état du Maïdan. Le président américain s’est donc déclaré « vivement préoccupés par la dernière rupture en date du cessez-le-feu et l’agression que mènent les séparatistes avec le soutien russe, du matériel russe, un financement russe, un entraînement russe et des soldats russes ». On remarquera que le mot « russe » est répété cinq fois, au cas où des simples d’esprits auraient des difficultés à comprendre le message…

Cette offensive diplomatique a trouvé dans les déclarations des observateurs de l’OSCE présents sur place une formidable caution morale et un gage supplémentaire de crédibilité. L’organisation a en effet a en effet rédigé une note dans laquelle elle conclut que « les tirs avaient été effectués depuis des positions contrôlées par les rebelles. Les roquettes sont tombées à 400 mètres d’un check-point de l’armée ukrainienne. »

Si l’éventualité d’une responsabilité des Forces Armées de Novorossia ne peut pas être écartée par principe et reste plausible, les déclarations de différents responsables de l’état-major indépendantiste remettent cependant en cause les déclarations des observateurs de l’OSCE.

Selon le premier ministre de la RPD Alexandre  Zakhartchenko les accusations suite au bombardement de Marioupol constituent une tentative de l’armée ukrainienne de « faire porter le chapeau » aux forces indépendantistes: « Jusqu’aujourd’hui nous n’avons pas mené de combats activement aux alentours de Marioupol. Nous ménageons nos forces. Mais maintenant que Kiev a voulu nous faire porter le chapeau pour le tir erroné de ses “Grads” depuis Berdianskoïe sur les habitations, j’ai donné l’ordre de submerger les positions de l’armée ukrainienne situées à l’est de Marioupol ».

Selon le vice-commandant des forces de la RPD Edouard Bassourine, le drame de Marioupol est imputable à une bavure de l’armée ukrainienne et « a été le résultat d’un mauvais alignement sur l’objectif. »

De plus, les Forces Armées de Novorossia n’auraient selon lui pas de système Grad déployé dans cette zone. Il relate très précisément les événements ayant conduit à cette bavure de l’armée ukrainienne : « Les forces du régime ont intensifié les tirs de leur artillerie sur les positions des forces républicains sans procéder au préalable à la reconnaissance des objectifs. Aujourd’hui, aux alentours de 14h15, après avoir pris la colonne du 18e bataillon de la 28e brigade ukrainienne mécanisée qui effectuait un mouvement dans la zone du bourg de Vinogradovo sur la périphérie est de Marioupol pour les forces républicaines, l’ennemi a ouvert le feu sur elle. D’après les données provenant de nos services de renseignement, 15 personnes ont été tuées ou blessées du côté de l’armée ukrainienne. Une BMP et un camion ont été détruits. En plus, suite à un alignement erroné sur l’objectif des obus explosifs brisants ont atteint un quartier résidentiel de Marioupol faisant plus de 10 morts parmi les civils (par la suite, le bilans s’est alourdi jusqu’à 27 victimes selon RT) Le pilonnage a été réalisé du côté du bourg Berdianskoïe sur la périphérie ouest de Marioupol, où un important dispositif de l’artillerie ennemie est concentré en zone de l’aéroport de Marioupol, notamment des divisions des MLRS Grad ».

Les explications d’Edouard Bassourine cadrent malheureusement avec l’incompétence dont à fait preuve jusqu’à présent l’armée ukrainienne et qui explique également le fait que bien que très supérieure en nombre et en équipement par rapport aux forces indépendantistes, elle se soit avérée incapable de leur reprendre l’aéroport de Donetsk et se trouve maintenant obligée d’abandonner un grand nombre de ses positions…

La presse occidentale, cependant, s’est empressée de se faire l’écho des accusations du gouvernement ukrainien et de relayer ce qui s’apparente une fois encore dans ce conflit à de la propagande de guerre. Pour la chaîne internationale francophone France 24, les séparatistes sont ainsi des « meurtriers », qualificatif que vous aurez beaucoup de mal à retrouver à propos des bombardements de Donetsk qui ont du reste été largement passés sous silence :

 

novo 1

 

En bon élève, Euronews associe directement la Russie au « bain de sang » de Marioupol, autant gagner du temps et ne pas s’embarrasser de subtilités inutiles :

 

novo 2

 

Ne doutons pas que les médias suivent en cela les consignes diffusées par l’OTAN par le biais d’un document informel circulant dans les chancelleries européennes et visant à contrer « la campagne médiatique russe » dont l’objectif serait de « discréditer les narratives européennes, éroder le support aux gouvernements légitimes, désorienter les populations et les hommes politiques »  et révélé il y a quelques semaines par le site UEobserver… Le document appelait notamment à « influencer la compréhension et les attitudes des auditoires clefs. Et pas seulement à augmenter notre visibilité. »

Effectuons maintenant une rapide étude comparative sur Google actualités. La requête « bombardements Marioupol » renvoie 119 000 résultats.

 

novo 3

 

Comparons avec Donetsk, le 22 janvier, un tir d’obus de l’armée ukrainienne sur un arrêt de trolley avait fait 13 morts : 42 700 résultats, soit à peu près trois fois moins. Vous noterez que cette fois-ci France 24 ne mentionne pas l’origine des tirs…

 

novo 4

 

Le 18 janvier, 30 civils, dont des enfants, étaient tués par des bombardements aériens  sur la ville « séparatiste » de Gorlovka (qui ne peuvent donc qu’être le fait de l’armée ukrainienne, les Forces Armées de Novorossia ne possédant de plus pas d’aviation), les médias y ont-ils porté autant d’attention ? Malgré 13600 résultats, on s’aperçoit à la lecture détaillée que ces derniers ne sont pas pertinents et que les mots clefs ne sont pas reliés sémantiquement. Seul le lien, qui renvoie à un blog hébergé par Mediapart, parle effectivement des bombardements aériens ayant eu lieu sur Gorlovka…

 

novo 5

 

On voit effectivement très nettement toute l’ampleur de la « campagne médiatique pro-Russe » qui inquiète tant les têtes pensantes de l’OTAN…

Guillaume Borel

 

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