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La gauche emmurée – Par Denis Tillinac

3 mai 20130
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Publié le : 02 mai 2013

Source : valleursactuelles

Isolée du monde par sa propre idéologie, elle ne respecte même plus le camp d’en face.

Le “mur des cons” est un révélateur : on sait à présent qu’une fraction des magistrats français conçoit son métier comme un outil idéologique. À vrai dire, on le savait déjà, eu égard au climat intellectuel dans lequel baigne depuis sa création l’École supérieure de la magistrature de Bordeaux. À des nuances près, le même climat sévit dans les écoles de journalisme, les IUFM, les facs de lettres, dans la plupart des instituts d’études politiques et même à l’Ena. Il n’aura été contesté durant plus d’un demi-siècle que dans des marges vouées à la diabolisation. Le fait inédit, c’est l’ampleur, la récurrence et les attendus de la contestation.

L’approche gauchisante des réalités prévaut encore dans l’appareil d’État, ses relais pédagogiques, culturels et médiatiques. Elle continue d’imprégner l’inconscient collectif mais elle a cessé de le façonner. Le pouvoir socialiste peut toujours compter sur la servilité de la caste intello et la docilité de ce « prolétariat de l’intellect », décrit en son temps par Barrès. Le règne des idées dites “soixante-huitardes” n’en est pas moins à son crépuscule. Une bonne moitié de la France vomit ses idoles et ses fantasmes ; on s’en est aperçu avec l’impact des manifs contre le mariage homo, on s’en doutait depuis que la dissidence ose s’exprimer ici et là à ciel ouvert.

Désormais, deux camps se toisent, s’épient, se défient : celui des initiateurs du “mur des cons” et celui que Frigide Barjot a tiré de sa catalepsie. Ils auront cohabité dans un simulacre de concorde aussi longtemps que la prépondérance des idées de la gauche n’était pas menacée par les incrédules de son cléricalisme. La gauche balisait les termes des débats et délivrait à sa convenance des brevets de respectabilité ; la droite politique les avalisait. Si elle veut survivre, cette droite ne pourra plus se cantonner dans une critique superficielle des méfaits (avérés) du socialisme économique, car pour la première fois depuis la fin du gaullisme, c’est dans sa globalité que la doxa socialo-libertaire est récusée.

Une France des profondeurs s’éveille, déroutant la France “officielle” qui se rétracte dans le mépris. Le clivage droite-gauche reflète en l’affadissant une fracture de plus en plus profonde, qui commence à affecter les relations au jour le jour. Beaucoup de couples divorcent quand les protagonistes n’ont plus rien à se dire. Chacun reprend ses billes affectives et va les jouer ailleurs, le dommage est circonscrit au cercle familial. Tandis qu’un pays dont la moitié des citoyens ne peut plus encadrer l’autre s’expose à des tensions aux effets imprévisibles. La France en est presque là : ses deux hémisphères politiques — au sens large — n’ont plus de langage commun, et ne se supportent plus. Nous avons tous des amis à gauche. Nous connaissons les points d’ancrage de leur “culture”, elle imprègne l’air du temps depuis si longtemps. Nous souhaiterions faire valoir nos positions mais ils les néantisent de prime abord en dégainant l’arsenal de leur démonologie : “facho”, “xénophobe”, “impérialiste”, “obscurantiste”, “répressif”, “homophobe”, etc. Aucun raisonnement ne peut atteindre des consciences murées dans la certitude d’incarner le Bien.

Alors, pour éviter des empoignades stériles, on occulte les sujets portant sur l’essentiel : l’homme dans la cité, le sens de sa vie, la finalité de son action, la texture de ses aspirations. Comme tant de couples en instance de divorce, les deux camps n’ont plus rien à se dire. Vraiment plus rien, et c’est triste au bout du compte. L’hypothèse des torts partagés est difficilement soutenable : la France dissidente ne se réfère à aucun corpus idéologique et sa diversité exclut la tentation du manichéisme. Elle sait et elle admet que la mémoire de la gauche est partie prenante de l’histoire de France, et, à ce titre, digne de respect.

Sauf à fourvoyer le pays dans une guerre civile, la gauche contemporaine doit apprendre à respecter d’autres mémoires que la sienne. Celles dont ses adversaires se réclament s’enracinent dans vingt-cinq siècles de civilisation judéo-chrétienne et gréco-romaine, ça mérite mieux que le mépris.

Denis Tillinac

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