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Gorée Business, petite note sur la fausse « Maison des esclaves de Gorée » – Par Jean-Luc Angrand

24 février 20130
Gorée Business, petite note sur la fausse « Maison des esclaves de Gorée » – Par Jean-Luc Angrand 5.00/5 2 votes

Publié le : 16 novembre 2012

Source : jeanlucangrand.blogspot.fr


Cette histoire de maison des esclaves de Gorée a été inventée par Pierre André Cariou, médecin chef breton de la marine française dans les années 1950. Il n’a pas cherché à la falsifier, mais a émis des suppositions, qu’il a intégrées dans un roman historique non édité « Promenade à Gorée » (manuscrit disponible à la BNF Mitterrand) et dans le circuit touristique qu’il proposait aux rares touristes de l’île de Gorée, souvent des amis et familles qui venaient visiter les marins militaires français hospitalisés à l’hôpital de la Marine.

À l’origine de ce qui allait devenir la plus importante escroquerie mémorielle de l’histoire, un petit garçon qui servait de « boy » à Cariou, l’adolescent Joseph N’Diaye.

Joseph N’Diaye devenu adulte prit la suite de Cariou dans les années 1970. Dans les années 1980 sorti le film « Racine » avec la figure inoubliable de « Kounta Kinté » l’africain; les américains noirs, qui vivaient souvent une sorte d’amnésie volontaire quant à leurs souffrances passées, furent pris d’une envie légitime de retourner voir mama africa.

Le seul pays qui disposait d’un véritable ministère de la Culture à l’époque, fabuleux héritage de l’ère Senghor, était le Sénégal. Les fonctionnaires orientèrent naturellement les « Tour Operator black » vers Gorée, où une personne qui n’était pas fonctionnaire faisait visiter une maison aux rares touristes… Joseph N’Diaye.

Rapidement, ce business devint une affaire juteuse pour les réceptifs sénégalais, les TO américains (souvent créés par des sénégalais des USA) et le gouvernement qui prit peu à peu conscience de l’importance économique de cette affaire.

D’autres aussi, les enseignants sénégalais de l’université de Dakar, furent de grands bénéficiaires du « Gorée Business » comme je l’ai nommé.

En effet, ils obtinrent de nombreux stages, invitations à des conférences aux Amériques rémunérées grâce aux inventions racontées par tonton Joseph. Certains obtinrent des emplois dans les universités américaines (Colombia University), d’autres à la direction du patrimoine dépendant du ministère de la Culture en profitèrent notamment en détournant les nombreux dons financiers offerts pour la sauvegarde de Gorée… Au point que l’Unesco, agacée par ces détournements, ne cautionna plus aucune campagne de sauvegarde du patrimoine bâti.

Cela ne pouvait pas durer.

Dans les années 1980, un historien américain, Philipp Curtin, intrigué par les soi-disants 20 millions de victimes parties de Gorée, publia une étude statistique rappelant que ce chiffre était celui de l’ensemble de la traite partie de toute la côte d’Afrique, de la Mauritanie à l’Angola. Curtin indiqua aussi que de Gorée partirent entre 900 à 1500 personne et que le Sénégal représentait 5% de la traite.

Panique à Dakar et chez leurs complices sénégalais des USA ; heureusement pour eux, la presse, non informée, ne diffusa pas l’information…

Dans les années 2000, ce fut le tour d’Abdoulaye Camara, enseignant en histoire à l’Université de Dakar, de dénoncer l’affaire à un journaliste du Monde, qui la publia alors. Mais l’article fut étouffé car la bande du Gorée Business comptait alors de puissantes relations amicales en France, Laurence Attali (sœur de Jacques), Catherine Clément (romancière) et la Fondation Danièle Mitterrand. Malgré tout Ki Zerbo philosophe béninois protesta contre l’arnaque dans un article de presse.

En 2006 finalement sortit la seule étude scientifique démontrant à partir d’archives qu’il s’agissait bel et bien d’une arnaque: la mienne. Cette études indiquait qu’il y avait non pas une mais deux captiveries; toutes deux démolies mais parfaitement repérables grâce aux plans de cadastres du XVIIIe siècle conservés aux archives BNF Richelieux à Paris. Cette étude démontre aussi que les principaux points de départs des victimes furent Saint Louis au Sénégal et la Gambie. Cette étude obligea Wikipedia à rectifier le tir, malgré le sabotage permanent de mes contributions pendant plus de trois ans organisé par les membres de ce qu’il est convenu d’appeler le « lGorée Business ».

Ironie du sort, la population « créole » du XVIIIe siècle, comme démontré par cette étude, constitua le principal frein à la traite des esclaves avec celle de Dakar; cela explique le faible nombre de victimes parties de Gorée.

Encore plus « amusant » la femme métisse/créole qui a construit cette maison, Anna Colas Pépin, fut une résistante à la traite comme ses « consœurs » qui dirigeaient l’île de Gorée du XVIIIe au XIXe siècle, car ils s’agissait d’une micro-civilisation matriarcale métisse/créole…

L’étude dont je suis l’auteur fut intégrée dans mon livre « Céleste ou le temps des signares« , seul livre certifié qui puisse servir en université car primé par une académie dépendant de l’éducation nationale française: l’Académie des Science d’Outre-mer.

Voilà donc pourquoi je propose désormais « la certification des lieux de mémoires », c’est-à-dire que tous les lieux de mémoires en Afrique soient désormais certifiés par plusieurs universités, des Amériques (Caraïbes, Etats-Unis), d’Europe et d’Afrique. Avec cette méthode, on éviterait que ne se reproduise des arnaques comme la fausse « maison des esclaves de Gorée ».

Jean-Luc Angrand

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