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Ces ministres qui ne servent à rien (ou à si peu)…

10 janvier 20130
Ces ministres qui ne servent à rien (ou à si peu)… 5.00/5 1 votes

Publié le : 10 janvier

Source : marianne.net

Voilà au moins une promesse que François Hollande aura tenue. Interrogé début mai 2012 par le Dauphiné libéré, celui qui n’était encore que candidat à la présidence de la République s’était refusé à envisager un gouvernement « restreint » en nombre, estimant que « ce genre de promesse ne dure qu’un jour, la veille de la composition du gouvernement ». Engagement tenu donc !

Ils ne furent pas moins de 34 ministres et ministres délégués à être nommés au lendemain de son accession à l’Elysée et sont même 38, depuis les dernières législatives, à composer le gouvernement Ayrault. Le député René Dosière estime que chaque ministre « coûte 17 millions d’euros par an au budget », soit donc 646 millions au total, et ce, malgré une baisse des salaires de 30 %. Il faut dire qu’à ces 38 ministres s’ajoutent quelque 500 collaborateurs ministériels (!). Autant dire que la consigne initiale – qui était de restreindre à 15 le nombre de collaborateurs pour les ministres dits « principaux » et à 10, grand maximum, pour leurs homologues « délégués » – n’a pas été respectée.

En période de disette budgétaire, de potion fiscale et de serrage de ceinture collectif, la gauche au pouvoir souffre donc d’un petit embonpoint du côté de l’exécutif.

D’autant que, huit mois après son accession au pouvoir, la galaxie ministérielle de François Hollande ne compte pas que de brillantes « étoiles ». Certains ministres semblent comme perdus dans des trous noirs, à tel point, même, qu’on se demande s’ils servent vraiment à quelque chose…

Les ministres SDF (les sans dossier fixe)
Avez-vous déjà entendu parler d’Hélène Conway-Mouret ? Cette blonde dynamique, qui a passé plus de vingt ans de sa vie en Irlande (on comprend qu’elle ne soit jamais apparue sur les radars médiatiques), aujourd’hui ministre des Français de l’étranger (au Quai d’Orsay), fait partie de ces inconnus qui travaillent sur des sujets méconnus. Est-il vraiment utile d’avoir un portefeuille dédié aux seuls ressortissants français à l’étranger, fussent-ils plus de 2 millions ? Les collaborateurs d’Hélène Conway-Mouret, eux, n’en doutent pas.

La ministre travaillant sous les ordres de Laurent Fabius a, arguent-ils, « deux réformes sur le feu ». La première concerne les bourses scolaires et serait « sur le point d’aboutir ». L’autre a trait à… l’Assemblée des Français de l’étranger, une assemblée totalement méconnue et qui ne se réunit à Paris que deux fois par an ! Anecdotique, diront certains.

Sauf qu’il s’agit là d’une réforme très « politique », comme l’explique l’entourage d’Hélène Conway-Mouret, puisque ce sont les membres de cette assemblée qui forme le collège électoral des sénateurs représentants les Français de l’étranger ! On comprend donc mieux pourquoi le gouvernement Ayrault possède un tel ministère, d’ailleurs détaché de celui de la ministre de la Francophonie, Yamina Benguigui, après les législatives. Du coup, cette dernière n’a plus grand-chose à faire, et encore moins à montrer. Depuis son arrivée au Quai d’Orsay, sa contribution telle que rapportée sur le site du gouvernement se limite à une communication sur la diffusion du français dans le monde et à une photo en compagnie des « 52 volontaires internationaux de la francophonie ». Un coup d’éclat tout de même : une pétition réclamant une intervention de l’ONU en faveur des populations du Kivu (Congo), où figurent les signatures de Mohamed Ali, de Jacques Chirac et surtout celle de la first girlfriend Valérie Trierweiler…

Au tranquille ministère des Anciens Combattants, François Hollande a nommé Kader Arif, l’un de ses proches, qui fait les beaux jours du socialisme toulousain. Problème : Arif voulait plutôt la Coopération internationale et n’a que faire de ce monde compliqué des vétérans. Résultat : il ne fait pas grand-chose, quand il n’oublie pas de se rendre aux obsèques d’un héros de la guerre, comme l’aviateur Roland de La Poype (ex de l’escadrille Normandie-Niémen). L’oublieux ne réussit à exister qu’en provoquant une panique chez les historiens lorsqu’il veut mêler, sous sa houlette, les commémorations de 1914 et de 1944.

Dans la citadelle de l’Education nationale, George Pau-Langevin, en charge de la Réussite éducative, a bien du mal à sortir de l’ombre de l’omniprésent Vincent Peillon. La seule activité qu’elle semble avoir eue sans être dans la suite de son ministre de tutelle est l’inauguration récente du Salon européen de l’éducation. Avec un peu de chance, Mme la Ministre – pourtant peu novice en politique – pourra-t-elle peut-être présenter les résultats du brevet des collèges en juillet prochain…

Parfois, la mission de certains ministres n’est pas très claire… Y compris pour eux !

Ainsi l’écologiste Pascal Canfin a-t-il eu bien du mal, en arrivant au Quai d’Orsay, à savoir de quel budget il disposait exactement en tant que ministre du Développement. Mieux : ce député européen – en pointe, à Strasbourg, dans la lutte contre la finance internationale – a même dû vérifier qu’il ne subventionnait pas les centres de rétention des immigrés sans papiers, en héritage de la droite ! Aujourd’hui, il défend un strapontin bien peu visible. « J’ai réorienté l’action de la France vers le développement durable », argumente-t-il. Il a aussi bataillé pour l’attribution de 10 % du produit de la future taxe sur les transactions financières au développement. Grâce à quoi « l’effort de solidarité de la France avec le Sud sera maintenu ». Ouf ! Mais, lorsqu’il s’agit de débloquer 150 millions d’euros pour aider les nouvelles technologies au Maroc, c’est le Premier ministre, en visite à Rabat, qui l’annonce… Dur.

Quant à la jeune ministre déléguée à l’Artisanat, au Commerce et au Tourisme, Sylvia Pinel, elle tente d’exister en se raccrochant à la future loi Hamon-Moscovici sur la consommation qui permettra d’instituer enfin l’action de concert (class action) dans le droit français. Cette politique issue des rangs du Parti radical de gauche compte y introduire un volet permettant d’étendre l’indication géographique protégée aux produits non alimentaires, comme les couteaux Laguiole. Un sujet qu’un simple amendement parlementaire permet normalement de traiter !

Savoir remplir un portefeuille
Inutiles, tous ces ministres ? A écouter leur entourage, certains auraient simplement de gros soucis de com. « C’est parfois difficile de faire savoir notre action avec Matignon qui veut tout maîtriser », confie un collaborateur chargé de la presse auprès d’une ministre déléguée. « Difficile » aussi de rivaliser avec des personnalités qui attirent à eux la lumière comme l’aimant attire le fer, ainsi que le font Montebourg et Valls, et quand les services du Premier ministre vous intiment l’ordre de vous faire discret…

Quand vous héritez d’un portefeuille restreint, qui plus est pas forcément dans vos compétences, le tout sous la houlette d’un ministre de tutelle médiatique, alors c’est la disparition assurée. Prenez Thierry Repentin, pourtant ami notoire de François Hollande : ce grand spécialiste des questions de logement s’est retrouvé en toute logique…délégué à la Formation professionnelle et à l’Apprentissage. Sous la tutelle, en plus, d’un gros bosseur, Michel Sapin, qui occupe tout l’espace. Va comprendre, Charles…

Coincé entre le portefeuille de Marylise Lebranchu (Réforme de l’Etat et Décentralisation) et celui de Cécile Duflot (Egalité des territoires), le fidèle de Martine Aubry et cacique du Parti socialiste François Lamy s’est également fait très discret dans son poste consacré à la Ville… Au point même que, avant le rassemblement du PS à Toulouse fin octobre 2012, l’homme était affublé du sobriquet de « ministre du Congrès », tant il paraissait dépenser toute son énergie à préserver les intérêts de la maire de Lille au sein du parti majoritaire… Une absurdité, pour son entourage, qui fait valoir que  François Lamy se démène sur des dossiers difficiles à Amiens, dans les quartiers nord de Marseille ou bien encore en Guadeloupe. « Ce n’est pas spectaculaire et nous n’avons pas toujours envie d’être accompagnés de journalistes, explique un membre de son cabinet. Et puis annoncer tous les quatre matins un plan Marshall des banlieues comme le faisait Fadela Amara, plus personne n’y croit ! »

Remplir son petit portefeuille n’est pourtant pas hors de portée. Benoît Hamon, le plus humble des ministres de Bercy, confiné dans une niche – l’Economie sociale et solidaire et la Consommation – a su se faire apprécier par ce secteur qui pèse plus de 2,5 millions d’emplois – principalement dans l’action sociale, la santé et la finance –, sans se faire trop avoir par les lobbys. Il a obtenu, en jouant de son poids politique de « leader de l’aile gauche du PS », 500 millions de crédits de la Banque publique d’investissement. Il lui reste, cette année, à imposer un nouveau statut de « Scop naissante » qui démultiplierait les possibilités de reprise d’une entreprise. Un levier innovant à actionner en urgence dans une France minée par le chômage de masse !

Guillaume Garot, lui, a manqué de chance. Nommé ministre délégué à l’Agroalimentaire après les législatives, ce fidèle de Ségolène Royal est arrivé juste après que Charles Doux, fondateur de la multinationale de la volaille en faillite, a déposé le bilan. Sans ce coup de Jarnac destiné à prendre de vitesse les banques et la puissance publique, Guillaume Garot aurait pu – s’il l’avait voulu – s’attaquer à la restructuration de toute une filière quin’attendait que cela : sortir de l’élevage en batterie, réinventer des relations entre producteurs et industriels pour abandonner un mode de production qui au final nuit à tous, aux paysans, aux salariés, à l’environnement et aux consommateurs.

Occasion manquée donc face à un dossier emblématique. Depuis, il se borne à lutter contre le gaspillage. Une campagne utile, certes, mais suggérée par la Commission européenne. Et dire que le candidat François Hollande avait inscrit l’agriculture et l’agroalimentaire en deuxième position des secteurs de relance de l’activité économique, juste après les PME !

Les vieux contre les handicapés…
Parfois, l’organisation ministérielle en Hollandie confine à l’absurde. Ainsi, Rue de Grenelle, une ministre déléguée (Marie-Arlette Carlotti) s’occupe-elle des handicaps avant 60 ans et une autre (Michèle Delaunay), de ceux après 60 ans… En nommant la première au gouvernement, François Hollande l’a, certes, placée sur la rampe de lancement vers la mairie de Marseille (où elle a toutes ses chances en 2014). Mais, au-delà de cette fonction de postulante au trône de Gaudin, que sait-on de son travail accompli dans le cadre de son ministère délégué aux Personnes handicapées et à la Lutte – rien de moins – contre l’exclusion ? Rien. Elle doit d’ailleurs partager ses financements (la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie) avec sa collègue Michèle Delaunay, en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie. Laquelle Michèle Delaunay aurait été nommée pour libérer l’espace en Gironde à un autre socialiste,  Vincent Feltesse.

Elle pratique volontiers l’euphémisme : ainsi propose-t-elle qu’on dise « avancer en âge » plutôt que « vieillir », « parce que ce n’est pas pareil, la vieillesse et l’âge… » La ministre a néanmoins le temps de développer d’autres concepts intéressants, comme la promotion du « secteur vieux » au rang de véritable filière économique. Mais son portefeuille se justifie d’abord et avant tout par la préparation d’une des grandes réformes du quinquennat : celle de l’autonomie. « C’est un sujet populaire et social, il intéresse beaucoup Hollande et Ayrault », assure le cabinet de Michèle Delaunay. Las, lors de ses voeux pour la nouvelle année, le président Hollande a oublié de citer le sujet dans les chantiers prioritaires de 2013. Sans doute parce qu’il faudrait financer l’augmentation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) par une augmentation de la CSG des retraités… En attendant son « créneau » parlementaire, la ministre tweete, se fichant des instructions de Matignon, qui trouve cette assiduité numérique indigne d’un ministre de la République. « On me parle de tutelle ? A mon âge il faudrait envisager une curatelle », plaisante-t-elle.

le vrai danger: les « gros »ministres
A Matignon, on continue de justifier cette multiplication des ministères. « Les gouvernements resserrés, cela fait plus sérieux, plus compact, note un proche de Jean-Marc Ayrault. Mais ça laisse orphelins des champs entiers de l’action publique… » Autrement dit : il faut des ministres pour occuper le terrain, tous les terrains, même s’ils sont quelquefois bien limités.

Mais prenons garde. Si, au bout de sept mois d’existence, le gouvernement Ayrault II apparaît déjà à bout de souffle, ce n’est pas à cause des sans-grade qui peuplent le mercredi matin le salon Murat de l’Elysée pour le Conseil des ministres. Car certains poids lourds sont eux-mêmes en pleine confusion. Un exemple ? Lorsque le chantier naval STX de Saint-Nazaire emporte un contrat historique à la veille de Noël, ce n’est pas Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, qui en recueille les fruits, mais Pierre Moscovici et Nicole Bricq, pour des raisons obscures de périmètre. A l’inverse, le même Montebourg apparaît aux yeux du public comme le ministre des plans sociaux, alors que le portefeuille du Travail appartient à Michel Sapin, lui-même embourbé dans une négociation sociale sur la « sécurisation de l’emploi » avec les partenaires sociaux. Si la très médiatique Aurélie Filippetti se débrouille à la Culture,elle paraît se noyer dès qu’il s’agit de la Communication.

Elle a notamment renoncé à la seule réforme importante dans ce secteur, la fusion du CSA (qui régente la télé) et de l’Arcep (le régulateur d’Internet). Pierre Moscovici, qui n’a plus d’yeux que pour la présidence de la zone euro, a échoué à porter le combat contre la finance. Le Premier ministre lui-même a bien du mal à asseoir son autorité. On l’a vu dans l’affaire de Florange, bien sûr, mais aussi dans le débarquement du directeur de cabinet de Marisol Touraine. Matignon aurait reproché à Jean-Luc Nevache de ne pas avoir « borduré » suffisamment sa trop indépendante ministre…

Depuis début décembre, la probabilité d’un remaniement est devenue davantage qu’une rumeur et chacun tente de peser ses chances. Les problèmes de Jérôme Cahuzac, accusé d’être un fraudeur fiscal installé à Bercy, pourraient précipiter le mouvement. Selon une hypothèse bien intentionnée, Nicole Bricq, à l’origine spécialiste des questions budgétaires, pourrait le remplacer au Budget, le Commerce extérieur (dont elle s’occupe pour l’instant) revenant sous la coupe d’un Montebourg conforté politiquement. Un scénario peut-être trop simple pour un champion de la complexité comme François Hollande.

Gérald Andrieu & Hervé Nathan
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