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Droite identitaire / gauche « diversitaire » : mêmes armes, même combat ?

15 juin 20121
Droite identitaire / gauche « diversitaire » : mêmes armes, même combat ? 5.00/5 1 votes

Publié le : 12 juin 2012

Source : l-arene-nue.blogspot.fr

Il y a une dizaine de jours se sont produits, dans l’univers médiatique, deux évènements que tout semblait opposer, si ce n’est leur capacité à « faire du buzz » : d’une part, la chronique d’Eric Zemmour sur RTL contre Christiane Taubira. D’autre part, la une du Libération du 31 mai vilipendant les « cabinets blancs de la République« .

A bien y regarder, s’ils sont le fait d’un éditorialiste de droite pour l’un, d’un journal de gauche pour l’autre, ces deux événements se complètent à merveille. Une photographie n’allant jamais sans son négatif, ils sont le yin et le yang de cette « interprétation identitaire », devenue la grille de lecture favorite de nombreux commentateurs. Il n’est qu’à lire, de part et d’autre, le vocabulaire utilisé. Si l’objectif diverge, il est frappant de constater que les mots de Zemmour et de ceux de Libération, finalement, sont les mêmes.

S’en prenant à la garde des sceaux le 27 mai sur RTL, Eric Zemmour clamait : « en quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux. Les femmes, les jeunes des banlieues sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais ». Quelques jours plus tard, Libération prétendait passer au crible les cabinets ministériels récemment constitués pour pointer du doigt leur absence de « diversité ». Et le quotidien d’affirmer : « les 140 premières nominations dans les cabinets ministériels projettent une image en réduction d’une tare nationale : le mâle blanc passé sous la toise des « grandes écoles » triomphe à tous les étages ».

 

Poussant son habituel Sanglot de l’homme blanc, Eric Zemmour décrit ce dernier comme le martyr d’une « diversité » vécue comme triomphante. De l’autre côté du miroir, dans un accès de zemmourisme inversé, Libération pointe l’arrogance du « mâle blanc », coupable désigné de l’incapacité de la France à faire coïncider l’apparence de ses élites à un supposé « pays réel ». L’expression «  pays réel  », que Charles Maurras opposait au « pays légal » est d’ailleurs reproduite telle quelle par Libération, comme si l’utilisation des concepts mêmes de la droite radicale était devenue légitime pour la gauche « diversitaire ».
Voici donc, se faisant face, les « identitaires de droite et de gauche », ainsi que Laurent Bouvet nomme ces deux faces d’une même médaille : le défenseur « réactionnaire » de « l’homme blanc » côté pile, les thuriféraires « progressistes » de la « France métissée » côté face. Et l’on s’interroge : si finalement les uns et les autres, loin d’être les ennemis irréductibles que l’on croit, étaient au contraire des alliés de circonstance se renforçant mutuellement ?
C’est plausible, tant il est vrai que ces frères ennemis envisagent la société sous un même angle, exclusif : celui de l’appartenance identitaire. Comme s’ils portaient le même vêtement, les uns à l’endroit, les autres à l’envers, leur tenue reste identique. D’ailleurs, ils affichent le même but : protéger la « victime » qu’ils ont choisie, celle dont « l’identité » leur paraît en danger. Pour Eric Zemmour, cette victime est le pauvre « mâle blanc », menacé d’extinction par une déferlante immigrée largement fantasmée. Pour Libération, à l’inverse, la victime à soutenir est l’individu « issu de la diversité », menacé par le racisme, la xénophobie, et frappé par toutes sortes de « discriminations ».

 

Paradoxalement, s’ils sont complices de fait, c’est aussi parce que droite identitaire et gauche multiculturelle se considèrent mutuellement comme l’ennemi absolu. Les deux camps s’entre-dénoncent, se mettent à l’index, s’accusent et s’excommunient à grand bruit, chacun assurant ainsi à l’adversaire une surexposition médiatique dont il bénéficie lui-même en retour. Dans la bouche d’une certaine droite on entendra donc en boucle le procès de « la gôche », de sa « bien-pensance » et de son « angélisme ». En écho, dans les rangs d’une certaine gauche, retentira matin, midi et soir l’hallali sonné contre les «  réacs  » et de leurs idées « nauséabondes ».
Droite et gauche identitaire se nourrissent donc l’une de l’autre. Elles se donnent de l’importance et s’offrent en permanence de nouveaux arguments. Puis, peu à peu, elles se durcissent, se radicalisent. Et l’on a tôt fait de passer de l’opposition Zemmour/Libération au match « Front national«  contre « Indigènes de la République ». Comme l’observe Jean-Loup Amselle, « il y a une symétrie parfaite entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche multiculturelle et post-coloniale : d’un côté le Front National utilise la notion de « Français de souche » ; de l’autre côté, vous avez les « souchiens » des Indigènes de la République (…) il y a une espèce de connivence ». Effet miroir, donc, renforcé là encore par le choix des mots : « de souche » et « souchiens ». Presque les mêmes….

 

Ainsi peut-on émettre l’hypothèse suivante : en agissant comme son double inversé, la gauche « diversitaire » utilise les mêmes armes que la droite identitaire. Dès lors, la différence entre les deux n’est plus qu’une différence d’intention. Ces mêmes – bonnes – intentions dont l’enfer est pavé. Car en pointant la qualité de « Blanc » ou de « Noir » de tel ou tel individu, en ethnicisant chaque problème, en validant l’utilisation du critère racial, la gauche multiculturelle se comporte comme « l’idiote utile » d’une droite qu’elle abhorre.
La notion même de « diversité » louée à gauche comme une richesse, est éminemment pernicieuse, parce qu’elle divise le monde en deux. Elle entretient l’idée qu’il existe d’une part une « normalité » et d’autre part une « diversité » constituée tout à la fois des Arabes, des Noirs, des femmes, des gays, bref du mélange indistinct de tout ce qui est « non-normal ». Elle pose « l’homme blanc » comme étant le point de départ, tout ce qui n’est pas lui étant une sorte d’accident de parcours, qu’on qualifie de « divers » pour n’avoir pas à le qualifier de « déviant ». Or cette dichotomie normal/divers a tôt fait d’être investie par une droite qui la reformule d’une manière servant ses propres objectifs : c’est le relativisme culturel et la mise à contribution de la thèse du « choc des civilisations », qui conduisent un Claude Guéant, par exemple, à affirmer que « toutes les civilisations ne se valent pas ».
Avec le concept mouvant de « diversité », la gauche identitaire, comme son alter-ego de droite, cautionne la mise en exergue de ce qui sépare : la race, la couleur de peau, l’origine, la religion voire la préférence sexuelle. Toute chose que la République connaît, mais en aucun cas ne reconnaît. Ce faisant, toutes deux laissent de côté tout ce qui rassemble : la qualité de citoyen, la nationalité française, la communauté de destin.
Lorsqu’il fut écrit dans la Constitution que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », ce n’était pas pour nier qu’il y eût des différences. Au contraire même, c’était l’admettre. Mais c’était refuser qu’on en fasse un critère.

Faire des différences une « richesse » et voir dans la diversité un « bien », c’est immédiatement permettre à d’autres d’en faire un fléau et d’un voir un « mal ». Il est décidemment grand temps que la gauche, au moins, cesse d’être multiculturaliste pour redevenir républicaine et universaliste.

Coralie Delaume
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Une réponse pour Droite identitaire / gauche « diversitaire » : mêmes armes, même combat ?

  1. Bluebair le 16 juillet 2012 à 2 h 31 min

    Dans le meilleur des mondes republicains, il serait souhaitable que les personnes les plus qualifiees (pas necessairement les plus diplomees d’ailleurs) pour une position de responsabilite se trouvent placees en situation, pour le bien commun. Le fait qu’elle soit femme ou homme, blanc ou non, et de quelle origine (sauf sociale, pour s’assurer que le plus de « classes » soient representees), ne devrait meme pas venir a l’esprit. Un gouvernement n’est pas un casting. Il s’agit de gerer un pays, de proteger la paix, d’offrir des perspectives. Nos elites europeistes ont perdu tout sens de proximite.Le multi-culturalisme a l’americaine ne peut s’epanouir en France. Sauf si la France oublie completement ce qu’elle est. L’Education Nationale s’y emploie, mais la Resistance s’organise….

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