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L’Allemagne envisage d’envoyer son « GIGN fiscal » en Grèce

1 mars 20120
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Publié le : 1er mars 2012

Source : marianne2.fr

Selon le Wirtschaftwoche, un hebdomadaire économique allemand, le ministère des finances allemand a lancé une campagne de recrutements de contrôleurs fiscaux. La mission de cette brigade fiscale très spéciale: apprendre aux Grecs à lever l’impôt. Des retraités pourraient également être du voyage. Une initiative qui porte atteinte encore un peu plus à la souveraineté grecque.

Vous avez aimé la troïka des experts, vous adorerez la « task force » des contrôleurs fiscaux. A première vue, l’information relève de la farce. Selon le très sérieux Wirtschaftwoche, un hebdomadaire économique allemand, Berlin entend « aider » la Grèce en envoyant des experts fiscaux à titre bénévole prêter main forte aux fonctionnaires du fisc grec, incapables de lever l’impôt sur leur territoire.
Déjà 160 bénévoles se seraient portés volontaires pour aider à combattre l’évasion fiscale dont le montant en Grèce serait proche de 60 milliards d’euros selon les estimations de la commission européenne et du FMI. Tous sont anglophones et une douzaine d’entre eux parlent le grec. Ils sont pour la plupart originaires du Land de Rhénanie-Westphalie dont le ministre des finances, Norbert Walter-Borjans a récemment comparé la Grèce avec la situation de l’Allemagne de l’Est avant la réunification.

Ces bénévoles pourraient être déployés sur le territoire grec dans les prochaines semaines pour organiser des ateliers ou pour des «projets à court ou long terme », a déclaré le ministère allemand des Finances.
Pour grossir les bataillons, l’Allemagne envisage même de pouvoir faire appel à son armée de contrôleurs fiscaux de réserve. Les agents du fisc à la retraite qui « possèdent une grande expérience pratique » pourraient être mobilisés.

Après le plan d’austérité, un nouveau coup de baguette magique, donc, pour combler ce  tonneau des danaïdes qu’est devenue la Grèce. L’évasion fiscale coûterait entre 5 et 6 milliards d’euros chaque année.

La Grèce confrontée aux mêmes problèmes que l’ex-RDA

Un projet d’une condescendance absolue qui relève presque du soutien scolaire: « Chers amis grecs, ce matin nous allons vous apprendre à lever l’impôt ».
Comment l’Allemagne a eu cette riche idée : « La Grèce s’est trouvée confrontée aux mêmes problèmes avec l’ex-RDA en 1990 » a déclaré Norbert Borjans Walter.

Après la chute du mur de Berlin, l’Allemagne de l’Ouest a envoyé des milliers de fonctionnaires pour aider à reconstruire des structures administratives dans l’ex-communiste à l’est. Les « Wessies » se trouvèrent alors confrontés à un fort ressentiment : « La méfiance énorme que beaucoup d’Est Allemands avaient envers leurs cousins d’​​Allemagne de l’Ouest ne sont rien en comparaison avec celle que les Grecs auront vers les Allemands » avertit  Walter-Borjans, lucide.

L’arrivée des fonctionnaires allemands à Athènes pourrait bien réveiller le sentiment anti-allemand ravivé il y a un mois par la nomination d’une commission budgétaire chargée de superviser les finances grecques.
« Nous n’avons pas besoin d’aide extérieure, nous avons besoin d’un meilleur système informatique et d’une meilleure coopération avec les autres services du gouvernement » commentait un fonctionnaire des impôts grec.

La levée de l’impôt, un marqueur de la souveraineté nationale

Cet élan si mal déguisé de pseudo-solidarité européenne marque un véritable changement de stratégie. C’est véritablement désormais d’une prise de pouvoir plus que symbolique dont il s’agit, tant la levée des impôts constitue un marqueur historique des accords et des tensions d’une société avec le corps qui la représente et un des outils fondamentaux de l’affirmation des États territoriaux et de la souveraineté nationale.

Sans parler de l’Histoire dont il ne faut jamais sous-estimer le poids, l’initiative allemande présente un certain nombre d’inconnues et de dangers. Outre qu’elle porte atteinte encore un peu plus à la souveraineté du pays en crise dont les fonctionnaires sont directement tenus pour responsables de la situation du pays, rien ne vient déterminer les critères d’intervention de la « task force » fiscale allemande ni les limites de son champ d’action, pas plus qu’il n’est question de la légitimité de Berlin pour juger de la capacité des Grecs à lever l’impôt. Et qui nous dit que les volontaires allemands ne sauteront pas demain sur l’Italie, le Portugal, l’Espagne ou pourquoi pas la France.

Qu’imagineront alors les créanciers de la Grèce ? Un cabinet-fantôme qui viendrait se substituer au gouvernement en cas de nouvelle défaillance ? De plus en plus la crise économique apparaît comme l’alibi idéal d’une dépossession démocratique qui se déroule sous nos yeux.

Régis Soubrouillard, Marianne

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