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Obama devrait publier un rapport concernant les renseignements sur le crash du vol MH-17 – Par le VIPS

30 août 20150
Obama devrait publier un rapport concernant les renseignements sur le crash du vol MH-17 – Par le VIPS 5.00/5 2 votes

Publié le : 24 août 2015

Source : horizons-et-debats.ch

Mémorandum à l’attention du Président

Rédigé par l’association VIPS : Veteran Intelligence Professionnals for Sanity (Anciens professionnels du renseignement pour un comportement raisonnable)

Il y a un an, le gouvernement américain a publié un maigre rapport sur le crash du vol MH-17 de Malaysia Airlines en citant des médias sociaux et d’autres informations peu fiables impliquant les rebelles d’Ukraine orientale ainsi que la Russie. Lorsque, après un certain temps, des renseignements sérieux furent disponibles, on n’entendit plus rien. Maintenant, d’anciens collaborateurs des services de renseignements américains exigent la publication de ces détails.

Une année s’est écoulée depuis que vol MH-17 des Malaysia Airlines fut abattu au-dessus de l’Ukraine, entraînant la mort de 298 passagers et membres d’équipage. La réaction initiale du gouvernement américain a soutenu la thèse selon laquelle les auteurs potentiels étaient des forces anti-gouvernementales dans le sud-est de l’Ukraine (le terme coutumier utilisé par les médias est «séparatistes») et qu’ils avaient éventuellement le soutien directe de Moscou.

Le 29 juillet 2014, nous, les Anciens professionnels du renseignement pour un comportement raisonnable (VIPS), avons suggéré que le gouvernement américain publie les renseignements, dont il dispose réellement, sur les raisons du crash, afin d’éviter un nouveau paroxysme de crise politique blâmant la Russie sans raison. Nous attendons toujours ce rapport. Une des raisons majeures pour l’opinion publique négative des Américains face à Moscou est le crash du vol MH-17 de l’année dernière.

Les tensions entre les Etats-Unis et la Russie au sujet de l’Ukraine risquent d’atteindre rapidement un point de culmination dangereux.

Un rapport public détaillant l’enquête sur cet évènement par le bureau de sécurité néerlandais est attendu pour octobre, mais le projet est, semblerait-il, déjà entre les mains du gouvernement américain. Il existe cependant des spéculations que ce rapport doive encore être coordonné avec les médias et les détails déjà divulguées par les sources gouvernementales, qui ont placé le blâme principal sur les Ukrainiens d’appartenance ethnique russe vivant dans le sud-est de l’Ukraine et opposés au gouvernement mis en place après le coup d’Etat fomenté par les Occidentaux à Kiev le 22 février 2014.

Etant donné que les relations avec Moscou sont d’une importance cruciale – ne serait-ce que par la puissance militaire russe pouvant détruire les Etats-Unis – un calibrage minutieux de ces relations est essentiel. Si le gouvernement américain soutient des conclusions hâtives qui mettent en cause la Russie, sans aucune preuve solide, il va encore davantage nuire aux relations bilatérales déjà instables et tendues, et cela tout à fait inutilement. Nous sommes d’avis qu’une enquête soigneuse concernant ce tir impliquerait d’explorer toutes les possibilités afin de déterminer si ces preuves tiennent la route.

Actuellement, la seule chose que le public américain et les lecteurs à travers le monde savent avec assurance est que l’avion a été abattu. Mais ce tir pourrait avoir été accidentel et réalisé par tout un éventail de personnes. Il pourrait avoir été orchestré par les forces anti-gouvernementales, soit en connivence avec Moscou ou non. Il est également possible que l’attentat ait été délibérément mené par le gouvernement de Kiev ou de l’un des puissants oligarques ukrainiens pour mettre en cause les forces anti-gouvernementales et la Russie dans ce meurtre de masse. Et enfin, bien que moins probable, il se pourrait même que sur la base des renseignements disponibles, il soit impossible de déterminer qui sont les responsables.

A la lumière de l’importance des enjeux, à la fois en termes de notre relation extrêmement importante avec la Russie ainsi que dans l’établissement d’un récit digne de confiance donnant du crédit à la Maison Blanche, l’échec de l’administration de délivrer un rapport de renseignement coordonné, résumant les preuves pour déterminer les responsables, est assez déroutant. Si le gouvernement américain sait qui a commis l’attentat contre cet avion de ligne, il devrait en montrer les preuves. S’il ne le sait pas, il doit le dire.

Dans ce qui suit, nous, anciens spécialistes du renseignement avec un total cumulé de près de 360 ans dans diverses domaines des services de renseignement américains, fournissons notre point de vue sur la question et demandons une deuxième fois que les renseignements sur l’attentat soient rendus publics pour contrer les preuves floues et fragiles qui, durant l’année passée, nous ont été livrées – certaines d’entre elles reprises des «médias sociaux».

La dimension russe

Ce ne serait pas la première fois qu’un évènement tragique soit exploité pour des raisons de propagande avec des conséquences potentiellement graves. Nous nous référons au comportement de l’administration Reagan immédiatement après que le vol KAL-007 des Korean Airlines fut abattu au-dessus de la Sibérie le 1er septembre 1983 (1)

Quelques heures après cette attaque tragique, l’administration Reagan a usé de son appareil de propagande pour livrer un récit mettant l’accent sur la culpabilité des Russes dans l’assassinat délibéré des 269 personnes à bord du KAL-007 qui auraient pertinemment su qu’il s’agissait d’un avion civil. En réalité, l’avion de ligne avait été abattu après s’être écarté des centaines de miles du chemin de son itinéraire et après avoir violé l’espace aérien de la Russie au-dessus d’installations militaires sensibles au Kamtchatka et sur l’île de Sakhaline. Le pilote militaire soviétique a tenté de signaler à l’avion d’atterrir, mais les pilotes du vol KAL-007 n’ont pas répondu aux avertissements répétés. Au milieu de la confusion sur l’identité de l’avion – un avion espion américain fut repéré dans les environs dans les heures précédentes – le contrôle au sol soviétique a ordonné au pilote de tirer.

Les Soviétiques ont vite compris qu’ils avaient fait une erreur épouvantable. Les services de renseignement américains savaient aussi grâce à des interceptions d’informations sensibles que la tragédie avait résulté d’une erreur et non pas d’un acte délibéré d’assassinat (cf.: le 3 juillet 1988, le USS Vincennes abattit un avion civil iranien au dessus du golfe Persique, tuant 290 personnes, un acte que le président Ronald Reagan caractérisa dédaigneusement d’«accident compréhensible»).

Il est nécessaire de se remémorer l’histoire du KAL-007 en considérant le sort du MH-17. Il existe peut-être des raisons légitimes pour s’opposer au gouvernement de plus en plus autoritaire du président Vladimir Poutine, mais le fait d’exploiter une tragédie ne correspond pas à une attitude constructive de l’art politique face à un adversaire.

Il est certain que la Maison Blanche et le Département d’Etat avaient affiché une hâte inconvenante, il y a un an, en décidant d’être les premiers sur la grille de départ avec un récit impliquant la Russie, au moins indirectement – avec un récit qui ne semble pas être fondé sur des faits. Il est inacceptable que douze mois se sont écoulés et qu’aucun effort n’ait été entrepris pour corriger ou compléter ce dossier!

Quelqu’un ment

Tant la Russie que l’Ukraine nient tout rôle actif dans le crash du vol MH-17. Les forces anti-putschistes dans le sud-est de l’Ukraine en font de même. Quelqu’un sait quelque chose et ment pour dissimuler un rôle actif dans l’évènement du crash. Du point de vue des Etats-Unis, ce qui est arrivé doit être clarifié et devenir affaire publique. Aucune autre nation n’a les ressources qu’ont les Etats-Unis pour trouver une réponse fondée concernant ces preuves. La collecte et l’analyse des renseignements sont les outils qui doivent être utilisés. Les informations publiées jusqu’à ce jour ne sont pas minutieuses; elles ne permettent pas de jugement éclairé quant à savoir qui ment sur le tir contre le vol MH-17.

Il y a un an aujourd’hui, le directeur des services de renseignement nationaux James Clapper a autorisé une séance d’information au sujet de points de discussions peu précis dans la forme d’une très courte «évaluation gouvernementale» pour un petit choix de journalistes alignés. Ce n’était que cinq jours après le crash et deux jours après que le secrétaire d’Etat Kerry ait pointé du doigt et blâmé les militants d’Ukraine orientale, opposés au coup d’Etat de Kiev, et la Russie. Naturellement, la corroboration était attendue.

Cependant, selon les dires de Kerry dans les talk-shows dominicaux du 20 juillet 2014, une grande partie de l’«évaluation gouvernementale» a été obtenue grâce à des articles parus dans les «médias sociaux.» Le briefing du 22 juillet 2014 a abordé, sans apporter de preuves, la question-clé de qui a tiré le missile sol-air de type BUK soupçonné d’avoir abattu l’avion de ligne le 17 juillet 2014.
Aucune nouvelle information n’a été livrée au cours de l’année depuis l’«évaluation gouvernementale» ayant eu lieu cinq jours après l’évènement.

Veut-on nous faire croire qu’après un an, la communauté du renseignement ne peut toujours pas présenter de preuves allant au-delà de l’insinuation concernant le missile BUK?

Le briefing du 22 juillet 2014 a également suggéré que le missile aurait pu être tiré par un Ukrainien transfuge. N’y a-t-il pas eu de précisions sur ce point? Il est franchement très difficile pour nous de croire que la communauté du renseignement américain ait été incapable d’élargir ses connaissances sur ces questions-clés au cours de l’année écoulée.

Assurément, il existe une longue tradition à Washington pour «adapter les renseignements à la politique» – pour citer le mémo de Downing Street concernant le démarrage peu glorieux de la guerre en Irak. Plus récemment, nous avons noté la déclaration du secrétaire d’Etat John Kerry du 30 août 2013, répétée à plusieurs reprises, que «nous savons» que le régime de Bachar al-Assad était responsable des attaques chimiques près de Damas ayant eu lieu neuf jours auparavant.

Dans ce cas également, Kerry avait cité une «évaluation gouvernementale» pour étayer ses accusations. Nous avons reconnu dans l’introduction de ce genre unique d’«évaluations» – remplaçant les «évaluations des services de renseignement» normalement requis – la preuve que les analystes honnêtes refusaient de soutenir le récit préféré du gouvernement. Finalement, il s’est avéré que les accusations de Kerry étaient fondées sur des renseignements erronés ou même truqués, livrés par des opposants au gouvernement syrien.

Choisir de révéler la vérité

Si la Maison Blanche détient des renseignements concrets et probants concernant le vol MH-17, nous soutenons fortement l’idée que le moment est venu de permettre leur publication avant que le «blâme de la Russie» ne devienne complètement dominant. Les Américains sont parfaitement capables de juger par eux-mêmes ce qui s’est passé, mais ils ont besoin d’avoir toutes les informations présentées, sans parti pris et sans aucune tentative de se soustraire à des conclusions désagréables. Et cela devrait être fait même au vu du risque de compromettre les «sources et méthodes», étant donné que le sujet plus large de la guerre ou de la paix avec la Russie devrait être une préoccupation primordiale pour tous les Américains.

Ce qui est nécessaire, c’est une évaluation commune de tous les services de renseignement américains («Interagency Intelligence Assessment») – le mécanisme utilisé dans le passé pour présenter des résultats de grande importance. Nous entendons indirectement de certains de nos anciens collègues que le projet de rapport néerlandais contredit partiellement les informations réelles ayant été collectées. Le recours à une autre «évaluation du gouvernement» (et non: des services de renseignement) pour contourner la question de la responsabilité n’est pas approprié et représente une insulte à l’intégrité et au professionnalisme de la communauté du renseignement.

Monsieur le Président, nous croyons qu’à présent, vous devez vous tourner vers les analystes du renseignement honnêtes et les écouter, surtout s’ils s’opposent ou ont des positions contradictoires envers le récit dominant. Ils pourraient bien vous convaincre de prendre des mesures pour traiter avec plus de sincérité le crash du MH-17 et ainsi minimiser le risque d’une dégradation des relations avec la Russie qui pourrait se transformer en une nouvelle guerre froide avec la menace d’une escalade allant jusqu’au conflit thermonucléaire. En toute franchise, nous soupçonnons qu’au moins certains de vos conseillers ne se rendent pas compte de l’énormité de ce danger.

La courtoisie d’une réponse est demandée

William Binney, ancien directeur technique de la NSA, responsable du département «World Geopolitical and Military Analysis», co-fondateur du SIGINT Automation Research Center (retraité)
Thomas Drake, ancien cadre dirigeant de la National Security Agency (NSA)
Daniel Ellsberg, ancien fonctionnaire au Départements d’Etat et de la Défense des Etats-Unis (collaborateur du VIPS)
Philip Giraldi, CIA, Operations Officer (retraité)
Matthew Hoh, ancien capitaine des United States Marine Corps (USMC) en Irak et Foreign Service Officer en Afghanistan (collaborateur du VIPS)
Larry Johnson, ancien collaborateur de la CIA et du Département d’Etat (retraité)
John Kiriakou, ancien spécialiste de la lutte contre le terrorisme de la CIA
Karen Kwiatkowski, ancien lieutenant-colonel de l’US-Air Force, (retraitée), collaboratrice au Département de la Défense, témoin de la fabrication des mensonges sur l’Irak entre 2001 et 2003
Edward Loomis, NSA, Informaticien pour la cryptologie appliquée (retraité)
David MacMichael, National Intelligence Council (retraité)
Ray McGovern, ancien officier de l’armée et des services secrets et analyste auprès de la CIA (retraité)
Elizabeth Murray, responsable adjointe pour le Proche-Orient au National Intelligence Council (retraitée)
Todd E. Pierce, major du US Army Judge Advocate General’s Corps, instance judiciaire de l’armée américaine (retraité)
Coleen Rowley, conseillère dirigeante pour les questions juridiques et agent spécial du FBI (retraitée)
Peter Van Buren, ancien collaborateur au Département d’Etat, Foreign Service Officer (retraité) (collaborateur du VIPS)
Kirk Wiebe, ancien analyste dirigeant de SIGINT Automation Research Center, NSA
Ann Wright, colonel de l’armée américaine (retraitée), Foreign Service Officer au Département d’Etat (démissionné)

Source originelle : https://consortiumnews.com/2015/07/22/obama-should-release-mh-17-intel/

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1) Le texte original (mentionnant le 30 août) se rapporte visiblement à l’heure du décollage à New York du vol KAL-007, donc à l’heure locale.

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