Publié le : 07 janvier 2015
Source : bvoltaire.fr
Manuel Valls a toujours redouté comme la peste les petites dames bien comme il faut de la Manif pour tous. Il fallait voir le nombre de CRS casqués qu’il envoyait pour les contenir. Et il avait raison de s’en méfier. Car c’est une mère de famille qui vient, l’air de rien, de le faire choir. Dans une lettre datée du 24 décembre, le Défenseur des droits Jacques Toubon réclame, sous deux mois, des explications au ministre de l’Intérieur (désormais Bernard Cazeneuve).
Une jeune mère qui, le 14 juillet 2013, chargée d’une poussette et d’un bébé (l’équipement tout à fait ad hoc pour aller faire la révolution), avait fait l’objet d’une fouille brutale et s’était vue confisquer un fanion de la Manif pour tous plié dans ses affaires, a saisi le Défenseur des droits, et la conclusion rendue par celui-ci est sans ambiguïté : « L’interdiction générale faite au public de détenir tout autre support portant une revendication qui ne représente pas une menace avérée et sérieuse pour la sécurité du public n’est pas admissible. »
Evidemment, les esprits ronchons diront qu’avec le Défenseur des droits, mieux vaut ne pas être pressé. Dix-huit mois pour réagir, c’est un peu longuet. « Vous êtes victime d’une injustice ? Attendez-moi là, je reviens dans un an et demi. » Disons que Jacques Toubon n’est pas du genre hyperactif. Ou alors qu’il marche sur des œufs. Qu’il craint de tirer le fil d’une bobine dont il n’a aucune idée de la longueur. Car disons-le tout de go : si tous les militants LMPT traités de façon « pas admissible » s’avisaient d’aller se plaindre auprès de ses services, c’est qu’il faudrait, mon bon monsieur, installer un distributeurs de tickets et faire une queue interminable comme à la Sécurité sociale.
Et tout ce temps perdu, ces moyens gaspillés, ces forces de police et de renseignement dispersées par un ministère de l’Intérieur traquant absurdement une France paisible, bien élevée, et sans histoire, quand – on en prend toute la tragique mesure aujourd’hui – se mettaient au même moment en place, dans une autre France, une contre-France, des réseaux islamistes recrutant pour le djihad, c’est admissible ?
La préfecture de police de Paris, drapée dans sa dignité, affirme préparer « les éléments de réponse » pour le Défenseur des droits. Pour démontrer que la mère de famille « représentait une menace avérée et sérieuse pour la sécurité du public », il va quand même falloir se creuser les méninges : les talons pointus, peut-être, sortes d’armes contondantes sournoisement fixées aux talons ? Le bébé qui regardait de travers les flics avec ses petites dents de lait luisantes ? La poussette qui, sur son passage, écrasait douloureusement les cors et durillons des touristes japonais ? On attend cela avec impatience…
Gabrielle Cluzel