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Moi, bête et méchant – Par un lecteur de La Plume à Gratter

27 mai 20142
Moi, bête et méchant – Par un lecteur de La Plume à Gratter 4.91/5 46 votes

Vous trouverez ci-dessous le texte que m’a fait parvenir un jeune lecteur de La Plume, qui nous fait partager son cheminement personnel de jeune homme dans la France de 2014, cette triste France UMPS qui a vu le capitaine de pédalo François Hollande  succéder à l’Elysée au Pinocchio sarkozien. D’évidence patriote, lucide sur son (notre) époque mais malheureusement plutôt désespéré, son témoignage me semble particulièrement intéressant en cela qu’il est sans doute assez représentatif des sentiments d’une grande partie des jeunes français de sa génération. Puisse l’avenir lui redonner rapidement espoir en son pays !

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« Combien de bons amis me regarderont de travers ? Combien je recevrai de coups de revolver ? » Georges Brassens

Issu d’une famille de gens honnêtes et travailleurs, mon enfance, naturellement, a été bercée par les discussions familiales sur la politique et bien entendu les disputes qui en ont systématiquement découlé. Puis le temps a passé. Les mentalités ont évolué, car les gens changent (même mon cher tonton ex-CGT vote à droite aujurd’hui !). Mes parents, qui avaient contribué à placer Mitterrand (dont le nom à lui seul donne la savoureuse contrepèterie « mythe en terre ») au sommet de l’État, avaient réalisé bien avant 1995 qu’ils s’étaient fait flouer. Vint ensuite ce cher Chirac, le Roi Feignant, qu’ils ont assis sur le trône… Puis arriva, clopin-clopant, gros sabots aux pieds, Nicolas Sarkozy.

Jeune adulte, et n’ayant connu que le discours de droite de mes parents, j’ai naturellement voté pour ce même Nicolas en 2007. J’avais 21 ans et d’une certaine manière, comme l’immense majorité des jeunes imbéciles, quel que soit le siècle, quelle que soit la génération, j’ai cru à son beau discours. J’ai bu ses paroles. Comme on boit un champagne qui vous enivre. Il était « grand » (note de La Plume : le discours, pas Nicolas sarkozy !), charismatique, décomplexé. « La France qui travaille », « travailler plus pour gagner plus ». Ça y était. J’y croyais. L’ordre des choses revenait. Celui qui se levait le matin à des horaires pourris allait enfin gagner plus que celui qui ne foutait rien dans son canap’ à part glander devant Canal + Sport. J’allais faire partie de la génération qui pleure, qui sue du sang et de l’eau, mais qui récolte les fruits de son travail. Churchill s’était réincarné en Sarkozy. Le temps supposé des réformes apportait une odeur de cerise. Il était temps d’en finir avec cet idéalisme communiste tous égaux, tous pauvres.

Mais en fait rien n’a changé. En ayant fait l’expérience, j’affirme donc que chômer rapporte toujours plus au foyer que travailler. Je ne peux toujours pas me promener dans les rues à n’importe quelle heure du jour et de la nuit (deux agressions en six mois l’année dernière, quand même !), il y a toujours un âge minimum de départ à la retraite incompatible avec le nombre d’années minimum de cotisations. On essaie toujours désespérément de sauver des systèmes sociaux vieux de plus de soixante ans, moribonds pour ne pas dire déjà morts, au prix de l’avenir de ma génération et de celles qui suivront. Je m’interroge souvent : qui, ayant trente ans aujourd’hui, peut encore penser décemment que, dans plus de trente ans, ce système n’aura pas changé, hormis un imbécile à œillères ? Tant de mensonges, d’hypocrisie m’ont agacé, alors j’ai sévi. De ma petite voix, dans l’urne, je leur ai tendu mon majeur, bien haut, jusqu’à leur chatouiller les amygdales. Puis j’ai regardé, amusé, avec un plaisir enfantin, la tronche des journaleux à la télé qui ne comprenaient pas pourquoi les cons n’avaient pas fait, comme d’habitude, ce qu’on leur avait demandé de faire. Ils avaient oublié que les dits cons ont une caractéristique qui les distingue entre tous : ils osent tout ! Alors pourquoi tant de haine à l’égard du Front National ?

Je ne connais pas tant que ça l’économie, mais j’ai un cerveau et je suis capable de réflexion, ce qui n’est apparemment pas donné à tout le monde. J’ai observé, écouté. Ce que j’ai vu, c’est que Marine Le Pen n’est pas la dernière des attardées. Elle en a dans le ciboulot, la blonde. En plus elle sait s’entourer. Comme disait un ami PDG d’une entreprise, « en tant que directeur, je ne sais pas tout faire, alors je m’entoure des gens qui savent faire ». Le parallèle était immédiat et sans appel ! Le FN n’est pas constitué uniquement de « bouseux », de paysans sortis tout droit du 19 ème siècle ou de beaufs décervelés venus du fin fond de la France. Non, aujourd’hui, le FN est devenu une machine de guerre intellectuelle : cadres, économistes, avocats et Dieu sait quelles autres « têtes » qui en ont justement une, et de bien remplie. Damned, nous voilà en réalité bien loin du cliché de l’adipeux du cervelet, incapable de résoudre l’opération de maternelle « un + un ». Et dans le pré carré de nos chères élites, c’est justement ça le problème. L’alternative proposée par le FN EST réalisable. Et ça, ça les fait flipper. Comme un problème mathématique qui peut être résolu de plusieurs manières différentes, une autre solution a été proposée et elle peut marcher. Mais cela sous-entendrait autre chose : déconstruire tout ou partie de ce qui existe, admettre que des erreurs ont été réalisées, des truandages commis et, surtout, admettre que l’on a bouffé la laine sur le dos des gens au risque de provoquer leur vindicte. Avec toutes les conséquences possibles que cela implique. Je l’admets, ça a bien de quoi leur foutre la trouille !

Ils ne peuvent en réalité pas attaquer sérieusement le programme économique du FN. Et si ils arrivent pourtant à le faire en apparence, c’est grâce à l’ignorance économique abyssale des Français. Le Français moyen (pléonasme) n’a aucune notion de macro-économie, ne sait pas comment fonctionne une entreprise, et encore moins comment fonctionne l’Europe économique. Pourquoi ? Parce que l’école aujourd’hui nous apprend Mandela et l’ANC (je me souviendrai toute ma vie de m’être fait traiter de « asshole » par ma prof d’anglais quand je lui avais dit que je m’en foutais de Mandela), nous apprend 732 avant 622, nous apprend à respecter notre prochain avant de nous respecter nous-mêmes, mais surtout, nous apprend à tout débrancher dès que ça devient trop compliqué et qu’on n’a pas les bases. On nous apprend même à taire notre propre curiosité intellectuelle ! Qui est capable aujourd’hui de suivre un débat économique ou politique de bout en bout, pendant quatre heures, sans décrocher ? Même moi qui tente désespérément de conserver une curiosité pour tout, qui garde un esprit critique sur tout, je n’y arrive pas. Alors le Français moyen qui ne se préoccupe que de Nasri et de Ribéry, l’économie, c’est dire s’il s’en bat les…

Comment faire pour décrédibiliser le FN si on ne peut pas vraiment les attaquer sur le pragmatisme de leurs idées ? Allons, cherchez bien. Quel meilleur épouvantail que celui d’Hitler ? Staline, lui, on n’a pas trop le droit d’y toucher ! On fait donc croire à tous les braves gens que voter Marine, c’est voter pour la réincarnation d’Hitler, c’est donc accorder demain droit de cité aux camps de concentration, aux ratonnades… bref, que c’est basculer « du côté obscur ». Croyez-vous réellement que, dans le monde occidental, verrouillé comme il l’est, ce genre de chose soit encore possible ? Pensez-vous un seul instant que, face à un tel risque, notre « Grande Muette» accepterait le risque de se prendre le reste du monde occidental sur le paletot suite à l’arrivée d’un fasciste au pouvoir en France ? Pensez-vous, honnêtement, qu’après le traumatisme de 39-45, pareille ignominie soit encore possible, sans provoquer une réaction épidermique du monde dit « libre » ? Et si vous croyez cela, est-ce par naïveté ou simplement par renoncement à faire usage de votre intelligence, de votre libre arbitre ? C’est si grotesque, si stupide !

Mais c’est bien connu. Si c’est stupide et que ça marche…et bien c’est que ce n’est pas si stupide ! Et ainsi, on apprend aux gens à avoir honte de leurs idées, à avoir honte de leur libre arbitre, à avoir honte d’être indépendant, à avoir honte d’eux-mêmes. Bref, on leur apprend à se mettre tout seuls une chaîne autour du cou. On leur apprend à penser « bien ». Et le ban, l’ostracisme hystériques sont systématiques pour qui déroge à cette éthique pathétique. Étiquetage « F- Haine » pour qui dévie.

Alors la curiosité m’a malgré tout poussé. J’ai regardé, observé, comparé, encore et encore. Les blagues un peu tendancieuses des Nuls ou des Inconnus, de Desproges, la fronde de Balavoine, la liberté de faire de l’humour sur les religions, sur la couleur de peau, ou sur l’orientation sexuelle… bannis. La liberté de parole… censurée. (Les censeurs du Figaro sur leur site Internet ne semblent par exemple pas trop m’apprécier…). « Les hommes naissent libres et égaux en droit » ? Oui. C’est vrai… dans le texte. Ayant appris à aller au delà du cadre, je conclurai pour ma part cette maxime ainsi : « mais ne le restent pas forcément pour le reste de leur vie ». Je ne me voile pas la face, ma révolution intellectuelle n’est peut-être qu’une façade, car je fais malgré tout partie du système que je dénonce. Mais j’ose espérer que des millions de petites révolutions personnelles se joindront à la mienne, pour se transformer en cours d’eau, puis en fleuve, puis en marée de colère à l’égard de ces gens qui nous méprisent et nous marchent depuis trop longtemps sur la tête.

Quand je les vois… bouffer, ou plutôt s’empiffrer… rire entre eux, comme des cochons qui s’engraissent. Quand je les vois faire semblant de se haïr, et pourtant s’appeler les uns les autres pour se partager le bon gros gâteau français. Quand je les vois exécuter, éradiquer socialement quiconque va à l’encontre de leur fausse bienséance. Quand je vois leurs petits kapos, incarnés par nombre de ces gens que je côtoie tous les jours, je réalise avec désarroi que nos élites sont, malgré ce que j’imaginais, au fond très intelligentes. En fabriquant toujours plus d’imbéciles ou de zélotes, c’est selon le point de vue, elles ont réussi à asseoir une autorité assimilable à une nouvelle monarchie de droit divin. Ce pouvoir est aujourd’hui petit à petit remis en cause, mais les choses ne vont pas assez vite. Comme un départ de feu qu’on éteint, les doléances du peuple qui crève sont étouffées. Oui… quand je vois tout cela, je me dis que ma génération est soit ridiculement patiente, soit d’une stupidité insondable. Enfin, je dois vous confesser quelque chose… Peut-être que, contrairement à vous, je reste, face à un tel constat et hélas, foncièrement pessimiste…

« Parmi les cris des loups, on n’entend pas le mien » (tonton Georges, encore)

Un lecteur de La Plume à Gratter

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2 Responses to Moi, bête et méchant – Par un lecteur de La Plume à Gratter

  1. Pascale le 27 mai 2014 à 20 h 58 min

    Poignant. La détresse est tout-à-fait palpable, et chez un jeune qui devrait se sentir prêt à conquérir le monde, à mener sa vie, à devenir père…
    Ils sont des millions à se taire; des gentils, qui n’en peuvent plus de se faire tout prendre.
    Courage Simon. Il y a encore de l’espoir !

  2. NOURATIN le 27 mai 2014 à 16 h 07 min

    Tout à fait remarquable, il y a encore des jeunes gens qui expriment admirablement leur vue lucide de notre monde en déconfiture. Tout n’est peut être pas perdu, alors, même si la compagnie n’est pas forcément grande.
    Peut être conviendrait il de tempérer un peu l’enthousiasme pour le FN, lequel n’est jamais qu’un conglomérat de politicards démagogues comme les autres et dont le seul mérite consiste à reconnaître, du bout des lèvres, l’existence d’un problème de remplacement de population.
    Mais à part ça, vraiment, bravo, ça fait plaisir.
    Amitiés.

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