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Gouverner, c’est savoir dire non – par Marie-France Garaud

27 septembre 20120
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Publié le : 21 septembre 2012

Source : marianne2.fr

« Mon adversaire, c’est le monde de la finance ! » lançait François Hollande encore candidat. Il conviendrait qu’il s’en souvienne lorsqu’on constate aujourd’hui le rôle politique accordé à des financiers – tous issus d’ailleurs d’un même et célèbre établissement – dans des gouvernements européens. Et force est bien d’admettre que s’est constitué en Europe, sous l’égide tacite de Mme Merkel, qui peut-être le regrettera un jour, un réseau dont le nouveau président de la Banque centrale européenne est le cœur.

Les contraintes financières ne cessent de croître sur les Etats de la zone euro, dans le dos des peuples et pour leur malheur. Faut-il vraiment les aggraver par deux nouveaux traités ?

Le Mécanisme européen de stabilité (MES), ratifié par le Parlement français le 21 février, vise « à mobiliser des ressources financières et à fournir, sous une stricte conditionnalité » un soutien à un pays membre connaissant de graves difficultés financières. Son capital est fixé à 700 milliards d’euros, fournis par les Etats membres qui s’engagent d’une manière irrévocable et inconditionnelle à doter le MES dans les sept jours suivant la réception de la demande ! La France devra mettre la main à la poche pour 142,7 petits milliards d’euros, le MES pouvant en outre décider souverainement de revoir à la hausse les contributions…

Il ne s’agit cependant que de broutilles au regard des impératifs fixés par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans l’Union européenne allant bien au-delà d’une règle d’or près de rejoindre, semble-t-il, les étoiles de la Vierge de l’Apocalypse dans la mythologie européenne.

La règle d’or étant considérée comme respectée si le déficit structurel ne dépasse pas 0,5 % du produit intérieur brut, l’exigence peut paraître anodine, sauf à noter que le déficit de la France, en 2010, étant estimé à 5,2 %, soit 96,55 milliards d’euros, le ramener à 0,5 % aurait imposé 87 milliards d’économies ! Sauf aussi à souligner l’automaticité des sanctions en cas de dépassement des déficits lorsque la Commission déclare un Etat en infraction, le coupable devant alors présenter un programme de réformes structurelles contraignantes.

Le TSCG dispose aussi que lorsque la dette publique dépasse 60 % du PIB, les Etats doivent procéder à sa résorption au rythme d’un vingtième par an ; pour la France, l’exigence serait ainsi d’environ 26 milliards annuels !
Enfin, on s’interroge sur l’encouragement donné à tout Etat soupçonnant un autre signataire du TSCG de désobéissance aux règles de porter plainte devant la Cour de justice de l’Union soit directement, soit après saisine de la Commission. Est-ce une bonne illustration de l’esprit fraternel dans la solidarité européenne ou de la « délation élevée à la hauteur des institutions » ?

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a, le 13 septembre dernier, ouvert la porte à l’adoption du MES et du TSCG, en sorte que des politiques français, tout contents de cette sorte de caution, s’apprêtent à voter l’un après l’autre « le cœur léger » !


« Tête en l’air » serait mieux adapté. Voter ce texte nous embarquera sans doute sur le même bateau que l’Allemagne, mais en négligeant un élément essentiel : si la cour de Karlsruhe ne déclare pas, du point de vue allemand, une limitation inconstitutionnelle de la responsabilité budgétaire nationale par la seule adoption du traité, elle assortit cette approbation de la réserve classique selon laquelle les mesures prises dans l’application dudit traité par Bruxelles ne doivent en aucun cas porter atteinte à l’exercice par le Bundestag de sa capacité essentielle en matière budgétaire et financière. Est-il besoin de préciser que le Parlement français, après avoir ratifié le TSCG, ne bénéficiera pas d’une telle protection ?

Nous savons tous que ce traité a été conçu par Mme Merkel à une double fin : mettre un terme aux appels rémanents faits à l’Allemagne lorsqu’il s’agir de solder les dettes de ses partenaires, en contraignant ceux-là à les réduire drastiquement, et faire en sorte que le peuple allemand soit ainsi rassuré par la barrière de protection que constituent ses députés au Bundestag.

Il s’agit certes d’intérêts importants, mais ce ne sont pas exactement les nôtres. Nous sommes, nous, dans l’absolue nécessité de refuser des mécanismes aggravant inévitablement la spirale dépressive catastrophique dans la crise de compétitivité engendrée en Europe par l’euro.

Le président de la République le sait bien, lui qui disait exiger une renégociation du TSCG. Alors pourquoi céder maintenant ? Il se murmure que François Hollande redouterait d’ouvrir sur ce terrain une crise politique avec l’Allemagne qui le mettrait dans l’incapacité de peser sur la réorientation de l’Europe. Mais c’est oublier que l’on respecte seulement ceux qui vous résistent et que la politique repose sur des rapports de forces, non sur des sentiments… Le général de Gaulle n’a-t-il pas obtenu le « compromis de Luxembourg » en laissant vide la chaise de la France au Conseil des ministres de l’Union européenne de juin 1965 à janvier 1966 ? Mme Thatcher a-t-elle renoncé à son « I want my money back » ? Et Mme Merkel cède-t-elle jamais ? Si l’on prétend gouverner, il faut savoir dire non.

Marie-France Garaud

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