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Israël, le jour d’après – Par Gilad Atzmon

19 septembre 20120
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Publié le : 18 septembre 2012

Source : egaliteetreconciliation.fr

La semaine dernière, un article intéressant de Daniel Gordis a été publié sur Tablemag.com. Gordis, un intellectuel sioniste engagé, est préoccupé par l’effondrement inévitable de l’État juif et de son impact sur le monde juif en général et sur les juifs américains en particulier.

Bien qu’il soit rassurant de constater que les intellectuels sionistes se rendent maintenant compte que l’État juif est en voie de disparition, plus important encore, l’article de Gordis nous donne un aperçu de la politique identitaire juive contemporaine, de la culture juive et de la psychose collective sioniste. Et curieusement, Gordis réaffirme chacun des arguments critique que je soulève dans mon dernier livre « Quel juif errant ? ».

Gordis est tourmenté par des sondages qui indiquent que la centralité d’Israël dans la vie des juifs américains est en déclin. Apparemment, une étude récente suggère que 50 % des jeunes juifs américains (35 ans et moins) ne verrait pas la destruction d’Israël comme une « tragédie personnelle ».

Dans sa tentative d’expliquer un tel changement dramatique dans l’attitude de la diaspora juive, Gordis se réfère à ce que Peter Beinart dit à ce sujet : que les jeunes juifs américains se sentent en sécurité, et contrairement à leurs parents, ne craignent pas l’antisémitisme. Beinart a raison. Les juifs occidentaux ne sont plus anxieux. Au contraire, l’arrogance politique juive contemporaine ne connaît pas de limites.

L’AIPAC et les lobbies juifs occidentaux similaires ont ouvertement poussé à des guerres interventionnistes depuis plus d’une décennie et certains juifs influents se sont ouverts à l’exploration de différentes formes et aspects de la domination judéo-centrique des médias, de la banque, de la culture et de la politique. En fait, il semble que beaucoup de juifs ne sont plus du tout troublés par une éventuelle hausse de l’antisémitisme et sont indifférents aux conséquences éventuelles de leurs propres actions.

Dans une certaine mesure, ce sentiment de toute-puissance juive peut être considéré comme un continuum direct de la puissance d’Israël, quand les jeunes juifs américains voient leurs élus politiciens danser sans vergogne au son du Klezmatic (NDLR : groupe jouant de la musique juive) de l’AIPAC, ils sont naturellement remplis d’un sentiment de puissance invincible et c’est celui-ci qui est l’essence de la puissance collective juive contemporaine – un pouvoir qui ne peut être réalisé qu’en connexion avec la force israélienne.

De nouveau un stress pré-traumatique

Gordis est là pour ébranler la confiance de la diaspora juive en réintroduisant la vieille peur collective tribale. Il écrit : « Theodor Herzl a fait ce qu’il a fait et écrit ce qu’il a écrit parce que la vie juive dans la Diaspora était devenue, pour utiliser la phrase de Hobbes : pauvre, désagréable, brutale et courte ». Selon Gordis, les juifs contemporains gardent trop leur sang froid et se sentent trop en sécurité. « Ce qui s’est passé à l’époque, affirment-ils, ne pourrait pas se produire aujourd’hui ». Mais Gordis pense qu’ils se trompent. « La confiance des juifs américains d’aujourd’hui ressemble à celle des juifs de Cordoue qui ont été convertis de force, brûlés vifs sur le bûcher et expulsés sommairement pendant l’Inquisition espagnole ». De même, il affirme que « les juifs de Berlin en 1930 ont également estimé qu’ils avaient trouvé l’ultime maison éclairée et que les jours sombres de l’Europe ne reviendraient jamais. Et en l’espace de seulement quelques années, la communauté juive allemande a été effacée ». Ici, Gordis transmet un message clair – à la lumière d’une possible nouvelle Shoah, « La vie des juifs américains telle qu’elle existe aujourd’hui ne survivrait pas à la perte d’Israël ».

Dans « Quel juif errant ? », j’explore l’impact du syndrome de stress pré-traumatique (SSPT) et je mentionne en particulier cette tendance collective exclusivement juive d’être culturellement, spirituellement et politiquement façonnée par des événements catastrophiques fantasmatiques, imaginaires et futurs. La politique juive est toujours formée par un traumatisme futur. Par conséquent, le message de Gordis à ses compatriotes juifs est clair : ce n’est pas la Shoah du passé qui doit nous unir, c’est en fait la Shoah à venir qui devrait resserrer nos liens sionistes.

Le message de Gordis aux juifs américains est clair. Un Israël puissant ainsi que le contrôle de l’AIPAC sur la politique étrangère américaine est bon pour les Juifs et toute autre alternative est un désastre annoncé. « Quand les quelques 400 rabbins, pour la plupart orthodoxes, ont défilé à Washington en Octobre 1943, le président Roosevelt a tout simplement refusé de les rencontrer et a quitté la Maison Blanche par une porte arrière. Il n’y avait pas de manifestations de masse ni d’autobus à Washington pour réclamer de l’aide à leurs homologues européens ». Aujourd’hui, la situation a radicalement changé. La présidence des États-Unis est un poste démocratiquement élu réservé au candidat qui a acheté la confiance du lobby juif.

« Les Juifs d’aujourd’hui ne se considèrent plus comme un peuple discret », explique Gordis. Et pourquoi devraient-ils ? Merci à Israël et son puissant lobby, ils se considèrent comme le groupe ethnique le plus influent et le plus puissant sur la planète. En Amérique, l’AIPAC domine la politique étrangère, en Grande-Bretagne 80% des députés du principal parti sont des membres du puissant CFI (Amis Conservateurs d’Israël) et en France, le CRIF mène le bal. Voila ce que dit Gordis, un porte-parole officiel des sionistes : « Israël a changé les conditions d’existence des juifs partout, même en Amérique. Sans l’État d’Israël, la confiance en soi et le sentiment d’appartenance que les juifs américains tiennent aujourd’hui pour acquis disparaîtraient rapidement ». En bref, les juifs peuvent mener le bal – mais seulement aussi longtemps qu’Israël est imbattable.

Et il n’a pas tort. Comme beaucoup de sionistes, Gordis est à la fois honnête et cohérent, une qualité que je trouve rarement au sein du discours antisioniste juif. Gordis admet ouvertement que nous avons ici affaire à un paradoxe évident. Ce sentiment d’appartenance et de sécurité qui conduit beaucoup de juifs américains à croire qu’ils n’ont pas besoin de l’État d’Israël est en soi un produit de ce même État d’Israël. Cette arrogance mortelle qui conduit des sionistes comme Bernard Henri-Lévy, ou l’écrivain du « Jewish Chronicle » David Aaronovitch à défendre des guerres mondiales interventionnistes devrait être considérée comme le résultat d’un État juif fort – un État dont les crimes restent impunis.

Identifiant symbolique

Dans « Quel juif errant » je suggère qu’Israël fonctionne comme un identifiant symbolique juif clé afin que les juifs construisent leur identité en référence à leur État juif. Ceci n’est pas seulement vrai pour les juifs sionistes, ça l’est également pour les soi-disant « juifs antisionistes » dont l’identité est intrinsèquement liée à leur opposition au sionisme et à Israël. La disparition d’Israël laisserait leur identité politique complètement nue.

Gordis détecte une tendance similaire chez les juifs américains libéraux. « Bien que beaucoup de juifs américains, en particulier les plus jeunes d’entre eux, croient maintenant que la perte d’Israël ne serait pas tragique, la question d’Israël continue de les dynamiser plus que n’importe quel autre sujet ». Gordis continue : « Israël n’est pas seulement une patrie pour les Israéliens. Il est également un État sur la Diaspora. L’État qui, même de loin, sécurise la vie et instille les passions des juifs partout dans le monde ». Cela n’est pas seulement vrai pour les sionistes, mais aussi pour ces quelques juifs antisionistes qui, par le biais de la négation, s’accrochent « passionnément » à Israël.

Apocalypse Soon

Gordis semble se rendre compte que la partie est terminée pour Israël, mais il s’aperçoit aussi que cela peut également entraîner un effondrement de la puissance juive. « La perte d’Israël modifierait fondamentalement la communauté juive américaine. Cela arrêterait le renouveau de la vie juive qui se révèle peu à peu dans certaines parties de l’Europe. Et la communauté juive israélienne ne serait plus. La fin d’Israël serait en somme, la fin du peuple juif tel que nous le connaissons ».

L’actuelle « époque dorée juive » touche inévitablement à sa fin. Pourtant, la question qui demeure est de savoir si nos dirigeants sionistes et israéliens laisseront notre planète survivre à l’effondrement de leur tout dernier Empire juif ? Suivant les poussées incessantes vers l’Armageddon de Netanyahu, de Barak et de l’AIPAC, ainsi qu’en gardant à l’esprit que les récits de suicides collectifs tels que Samson et Massada sont si précieux au sein du discours sioniste et israélien, nous devrions rester en état d’alerte. Malheureusement, la transformation de notre planète en poussière est pleinement compatible avec la mission israélienne et sioniste.

Il incombe aux responsables du monde de démanteler Israël et ses puissants lobbies juifs avec sagesse et prudence, en acceptant le fait que nous avons affaire à une entité très meurtrière. Mais c’est aussi à chacun d’entre nous d’être pleinement attentif aux échanges de Gordis avec ses compatriotes de la diaspora juive. C’est à nous de s’opposer à toute forme de symptôme de la puissance juive : les sionistes, les antisionistes et les shabbos goyim. C’est à nous de nous sauver et notre univers avec, mais aussi de sauver les juifs qui sont malheureusement, encore une fois, sur le point de déclencher une autre catastrophe sur eux-mêmes ainsi que sur nous tous.

Gilad Atzmon

Traduction E&R

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