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Pourquoi les stratégies électorales des candidats Hollande et Sarkozy étaient les bonnes malgré les nombreuses critiques

15 mai 20120
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Publié le : 08 mai 2012

Source : atlantico.fr

Une analyse de Christophe Guilluy, géographe, chercheur auprès de collectivités locales et d’organismes publics, coauteur avec Christophe Noyé, de L’Atlas des nouvelles fractures sociales en France (Autrement, 2004), auteur de Fractures françaises (Bourin, 2010).

Le candidat PS a visé l’électorat évoqué dans une fameuse note du think-tank Terra Nova. Le candidat UMP a suivi la stratégie élaborée par son conseiller Patrick Buisson. Tous deux ont placé la question identitaire au coeur de leur campagne. A juste titre tant cette thématique trouve un écho profond au sein de la France d’aujourd’hui.

En quoi cette élection présidentielle est-elle « la première du XXIè siècle », selon l’expression de Nicolas Sarkozy ? En quoi raconte-t-elle la France du XXIè siècle ?

Disons qu’il existe désormais un clivage socio-culturel gigantesque au sein de la France : 48,38% des électeurs se sont tout de même positionnés sur une thématique qu’on a dit « fasciste » et identitaire. C’est une nouveauté. L’évolution socio-culturelle du pays évolue vers un clivage de plus en plus marqué.

Surtout, il apparaît que cette dimension est désormais intégrée au discours politique. Si la droite a « cogné » très fort (je pense notamment aux sorties de Claude Guéant..), la gauche a aussi participé à cette  ethnicisation du discours en fascisant Sarkozy. Les attaques d’Axel Kahn qui a déclaré dans l’entre-deux tours que la mobilisation autour de Nicolas Sarkozy au Trocadero c’était Nuremberg ou de Mélenchon qui traite Sarkozy de « petit blanc raciste » en sont une illustration. Si la droite a ciblé l’immigration musulmane, la gauche a fascisé Sarkozy et indirectement son électorat en sous entendant qu’il était xénophobe, blanc, etc.

Aujourd’hui, il existe une immense fracture sociale entre les classes populaires et dominantes, qu’elles soient de droite ou de gauche. Mais il se double d’une fracture culturelle à partir d’une nouvelle géographie sociale. La France périphérique rurale industrielle et périurbaine, celle des petites et moyennes villes, adhère plus volontiers aux thèses « lepeno-sarkozystes » tandis que  la France des grandes agglomérations constitue désormais des bastions de la gauche. Un clivage qui tend à se renforcer à chaque élection.

La France d’après sera travaillée par les questions sociales gigantesques mais aussi par une question identitaire. Le problème, c’est que ni la droite ni la gauche ne répondent à ces considérations sociales. D’ailleurs, dès le lendemain du vote, un sondage Ipsos montrait déjà que seuls 26% des gens pensent que « la situation va s’améliorer avec Hollande » ! Les Français font donc le constat que les questions sociales (chômage, pouvoir d’achat) ne seront pas résolues. Et la question socio-culturelle reste latente.

François Hollande semble prendre en compte cette nouvelle réalité. À ce titre il faut souligner le basculement idéologique en cours au sein du PS sur la question  de l’immigration. Les nouvelles fractures françaises sont ainsi intégrées à la réflexion. On peut s’en rendre compte par exemple à l’occasion de son discours de victoire à Tulle dimanche où il a parlé « des banlieues ET des zones rurales ». C’est une petite révolution au PS, qu’avait déjà initiée Ségolène Royal en 2007.

Vous parlez de « fractures », vous dîtes « l’’évolution socio-culturelle du pays évolue vers un clivage de plus en plus marqué », vous évoquez l’importance croissante de la « question identitaire »… A vous écoutez, la France va vers une guerre civile !

Non, disons que nous sommes plutôt dans une logique séparatiste, donc contraire à l’affrontement. Quand on commence à parler de guerre civile, cela empêche de porter tout diagnostic et de débattre. Nous n’en sommes pas là. Quelque chose est toutefois en place qui dépasse très largement les simples dynamiques de gauche ou de droite. C’est pourquoi l’évocation de mai 1981 à l’occasion de ce mois de mai 2012 me semble particulièrement hors sujet .

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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