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Contador rattrapé par la patrouille : une goutte d’eau dans la merde du dopage

8 février 20122
Contador rattrapé par la patrouille : une goutte d’eau dans la merde du dopage 4.50/5 8 votes

Contador

Le verdict est donc tombé : après plus d’une année de procédure, et suite à son contrôle positif au clenbutérol de 2010 durant un Tour de France pourtant victorieux, l’espagnol vient d’être officiellement déchu de son titre et suspendu deux ans pour dopage.

La suspension, rétroactive, prenant par ailleurs effet le 25 janvier 2011 (date à laquelle il avait refusé la proposition de sanction émise par la fédération espagnole de cyclisme).

Le clenbutérol, c’est quoi, au fait ? Une substance active bêta-agoniste (Les bêta-agonistes ou bêta-stimulants agissent principalement sur le système nerveux) à l’origine d’usage vétérinaire -sic- que de nombreux sportifs de haut niveau utilisent parce qu’elle permet un gain considérable de masse musculaire et une diminution non moins importante des graisses corporelles.

Ainsi après Floyd Landis, déchu de son titre en 2006, Contador est aujourd’hui le second vainqueur de la Grande Boucle à subir l’humiliation d’un déclassement pour dopage. L’un comme l’autre étant d’ailleurs de toute évidence des arbres qui cachent la forêt : les multiples affaires de dopage dans le cyclisme ayant éclaté ces dernières années (depuis l’affaire Festina-Virenque, jusqu’à l’affaire Fuentes)  prouvant que le phénomène est quasi général dans ce sport. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand on constate avec effarement année après année, et malgré les pseudo efforts de la lutte anti- dopage, l’augmentation continue, presque exponentielle, des moyennes de vitesse sur le Tour de France et sur toutes les autres grandes courses cyclistes ?

L’auteur de ces lignes se rappelle d’avoir assisté dans sa jeunesse, captivé devant son petit écran, à ces arrivées mythiques d’étapes de haute montagne où les coureurs, Bernard Hinault, Laurent Fignon, et autres Lucho Herrera, devaient attendre de longues minutes d’avoir récupéré et repris leur souffle pour parvenir à répondre, toujours avec difficulté, aux questions des journalistes. Aujourd’hui, l’Alpe d’Huez ou le Ventoux à peine avalés à des vitesses de motocyclette, brushing presque impeccable et frais comme des gardons, des champions tout sourire dissertent longuement de leur étape, prêts semble-t-il à remettre le couvert dans les minutes qui suivent ! On constate d’ailleurs le même phénomène dans nombre d’autres sports, comme par exemple le demi-fond en athlétisme : après un 10 000 mètres mené sous un cagnard de feu et à un train d’enfer, on voit régulièrement le vainqueur enchaîner avec deux ou trois tours d’honneur, sourire aux lèvres, quand il y encore vingt ans la plupart des coureurs s’effondraient en quasi apnée sur la piste à peine la ligne d’arrivée franchie…

Le dopage et le cyclisme, c’est bien-sûr une très vieille et très longue histoire… Le grand Anquetil, pas hypocrite pour un sou, n’hésitait pas en son temps à déclarer : « Je me dope parce que tout le monde se dope (…). Bien souvent je me suis fais des piqûres et si, maintenant, on veut m’accuser de me doper, ce n’est pas bien difficile, il suffit de regarder mes fesses et mes cuisses, ce sont de véritables écumoires. »

L’on peut  trouver en suivant le lien proposé ici une liste non exhaustive d’anciens grands noms du vélo ayant reconnu plus ou moins clairement avoir eu recours à cette pratique… Cette seule liste en dit bien plus qu’un long discours.

Pour sa défense, Contador a bien entendu tenté de convaincre qu’il avait été «dopé à l’insu de son plein gré », comme l’avait affirmé Richard Virenque et beaucoup d’autres, incriminant pour l’un une viande avariée, pour l’autre une bouteille malveillante ou un tube dentifrice piégé, bouffonneries que le grand public a souvent été prié de gober par une corporation journalistique en vérité plutôt complice de ces mauvaises histoires -de pots- belges.

A peine le verdict tombé, l’espagnol a bien entendu été défendu et soutenu totalement par son sponsor, son pays tout entier, et son directeur sportif, Bjarne Riis, lui aussi ancien vainqueur sulfureux du Tour (1). Mais plus généralement par la quasi-totalité du monde de la Petite Reine. Le plus grand champion de tous les temps, l’extraordinaire Eddy Merckx a notamment déclaré : « Ca me fait mal ! J’aime trop le vélo… Et je sais aussi quel champion est Contador… On a l’impression que dès qu’il s’agit du vélo, il faut frapper fort !… Je suis dégoûté. » (2)

Il n’est que de voir l’unanimisme compassionnel de ces réactions pour comprendre que loin d’être un cas isolé, le contrôle positif de Contador est donc bien le énième symptôme d’un dopage généralisé.

Mais si c’est le cyclisme qui occupe régulièrement la tête de gondole du rayon dopage dans ce qui est devenu un sordide hypermarché sportif, il n’est bien évidemment pas le seul sport en cause, loin de là, et l’hypocrisie et le cynisme des médias à ce sujet sont d’une profondeur abyssale.

 

Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse !

En athlétisme, et aux jeux de Séoul en 1988, la véritable chasse à l’homme lancée suite à son contrôle positif par des journalistes en meute contre un Ben Johnson balourd et bègue en opposition à un Carl Lewis beau comme un « dieu du stade » et donc forcément « clean », en avait été un pathétique exemple. La bonne blague ! Ce qui n’empêcha pas les mêmes Fouquier Tinville à la petite semaine, quelques années plus tard, de louer les performances d’un Maurice Greene, Pitt Bull bodybuildé aux tics nerveux et aux épaules explosées par un développement musculaire presque anarchique, copie quasi conforme du banni canadien…. Greene, lui, passera toujours entre les gouttes… Les mêmes louèrent aussi à cette époque les exploits du « lapin mécanique » Michael Johnson, à la technique de course pourtant totalement irrationnelle, mais aux temps stratosphériques. Ils se pâment aujourd’hui comme des vierges en rut face aux « exploits »  totalement extra-terrestres d’un Usain Bolt qui ramène les records jugés hier surnaturels de Ben Johnson à un niveau de ringardise presque risible. L’athlétisme étant un sport de force athlétique quasi pure dont la technique est totalement maitrisée depuis longtemps et où les progrès matériels sont dérisoires, on se demande bien ce qui pourrait expliquer en une décennie de telles évolutions chronométriques… Mais peu importe ! L’important n’est-il pas de vibrer au stade ?

 

Quant à l’évolution -et pour citer un autre exemple parmi tant d’autres- du physique de nos rugbymen ces dernières années, là aussi, motus et bouche cousue, on est prié de regarder ailleurs ! On a vu apparaître à une vitesse terrifiante des bras au volume de troncs d’arbres, des cous de taureaux, des cuisses de percheron ? Tel ailier naguère fluet a pris plus de vingt kilos de muscles en à peine un an ? Normal et naturel, on vous dit ! Il n’y a vraiment pas là de quoi se poser la moindre question ! Aujourd’hui, les physiques des champions du ballon ovale n’ont plus rien à envier à ceux des footballeurs américains de la NFL, sportifs parmi les plus chargés au monde, dont l’espérance de vie -et en grande partie aussi pour cette raison- est d’à peine 47 ans (3) ! On constatera sans doute les conséquences dramatiques de cette folie pour nos rugbymen dans une vingtaine d’années. En attendant, chut… Circulez, il n’y a rien à voir!

Cyclisme donc, mais aussi athlétisme, rugby, ski de fond, football, tennis, patinage de vitesse, gymnastique, natation, boxe… La gangrène du dopage saute aux yeux partout, mais « pas vu, pas pris », l’hypocrisie générale est de mise. Du pain et des jeux, comme à l’époque du Cirque Maxime! Nos gladiateurs des temps modernes se bousillent toujours la santé pour un instant de gloire, parfois aussi pour des montagnes d’argent, mais surtout, et c’est ce qui compte le plus pour nous, afin de nous faire vibrer, vautrés devant nos écrans de télévision, oubliant un instant le boulot, la belle-mère, les voisins, les emmerdes qui  constituent l’essentiel nos mornes existences. Le reste après tout n’a que peu d’importance…

Le monde du sport, vérolé par le fric, gangréné par la dope, c’est aujourd’hui et principalement cela…

Et un qui doit bien rigoler en regardant tout ça, bien à l’abri dans sa retraite à jamais dorée et riche de 7 tours de France désormais inoxydables, c’est l’ami Lance Armstrong !

ML – La Plume à Gratter

 

(1)   « J’ai pris des substances prohibées, j’ai pris de l’EPO. (…) Je les ai achetées moi-même et je les ai prises seul. (…) En fin de compte ce sont les cyclistes eux-mêmes qui doivent assumer leurs responsabilités. » Bjarne Riis, conférence de presse du 25 mai 2007

(2)   L’Equipe du 07 février 2012

(3)  20 minutes, mars 2009

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2 Responses to Contador rattrapé par la patrouille : une goutte d’eau dans la merde du dopage

  1. lediazec le 10 février 2012 à 10 h 35 min

    Excellent papier et site magnifique. Bravo et merci !

  2. Bluebair le 10 février 2012 à 6 h 01 min

    Très bon article, la tragédie couverte de lauriers qu’est devenu le sport en ce nouveau siècle me donne des frissons. Je ne regarde plus depuis Ben Johnson… quelle tristesse, et quel gachis… Et Flo-Jo qui en est morte.
    De temps à autres je trouve une photo de vainqueur sportif en première page, un cycliste émacié, un nageur monstrueusement déformé…Contador ne devrait pas être montré du doigt tout seul, c’est horrible.Quant à la dernière phrase de l’article, c’est exactement ce que j’ai pensé dès que la sanction est tombée sur Contador. Merci La Plume de l’avoir si bien amenée.

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