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Pourquoi le FN ne parvient pas à tuer l’UMP – Par Julien Rochedy

10 avril 20150
Pourquoi le FN ne parvient pas à tuer l’UMP – Par Julien Rochedy 5.00/5 2 votes

Publié le : 09 avril 2015

Source : valeursactuelles.com

Julien Rochedy est entrepreneur et ancien président du Front National de la jeunesse. Pour lui, « Le FN a sous-estimé la permanence du clivage droite-gauche et les inquiétudes identitaires ».

Au FN, on va encore incriminer le “droitard”. On va encore pester sur le petit-bourgeois de droite qui, malgré les cent cocuferies dont il a l’habitude, a préféré voter pour un candidat UMP-UDI lors des départementales, comme il votera sûrement pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle. À l’évidence, les dernières élections ont démontré que le “bloc de droite” reste à un niveau particulièrement haut, bien plus en tout cas que ne l’est le socle frontiste. Pendant un temps, aujourd’hui révolu, les observateurs attendaient que le parti de Marine Le Pen, dans le contexte favorable d’une présidence socialiste honnie et d’une droite en morceaux, prenne tout naturellement la place électorale de l’opposition, en “chipant”, notamment, tous les électeurs de la droite traditionnelle. Le constat est sans appel : en l’état, le FN n’a finalement pas beaucoup “mordu” sur l’électorat UMP, ou du moins pas autant qu’on aurait pu l’attendre. L’UMP, par conséquent et miraculeusement, reste en vie.

Comment l’expliquer ? Ce que les observateurs n’attendaient pas, c’est que le FN dédaigne à ce point d’envoyer ne serait-ce que des “signaux” à cet électorat. Fort de son programme antimondialiste cohérent à défaut d’être parfaitement audible, le FN a dogmatisé ses positions en comptant sur une recomposition radicale des desiderata électoraux. Il a tout misé sur le clivage patriote-mondialiste en sous-estimant la constante droite-gauche du pays. Qu’importe qu’il ait raison ou non dans le fond, car en politique — et je tiens cette maxime de Marine Le Pen elle-même — « n’existe que ce qui paraît exister ». Lorsqu’on fait si peu de clins d’oeil à un électorat, il n’est pas étonnant qu’il ne s’amourache pas.

Or, cette absence de messages est patente : en économie d’abord, domaine dans lequel le FN s’est évertué à prodiguer un discours macro économique (euro, protectionnisme, État stratège) de manière quasi exclusive, là où, justement, l’électorat dit petit-bourgeois (artisans, commerçants, entrepreneurs, etc.) ne comprend bien souvent qu’un discours microéconomique (fiscalité, économies, droit du travail, etc.), celui-ci touchant précisément à la vie de tous les jours. Pour un mouvement qui se gargarise d’être celui « de la vie des Français », proche de la « réalité », c’est assez étonnant. Alors certes, la macro détermine la micro (du cadre économique général dépend le fonctionnement des entreprises), mais tout de même : l’absence de toute communication sur le sujet, pour ne privilégier que les grandes solutions “macromiraculeuses”, limite sérieusement les percées du FN dans la sociologie du monde du travail indépendant.

De même, en parlant toujours de « l’État stratège », tout en se gardant bien d’expliquer que celui-ci serait l’inverse de l’État socialiste, bureaucratique et omnipotent, le FN a prêté le flanc à l’accusation d’être, au moins économiquement, d’extrême gauche. Enfin, en évoquant trop souvent l’immigration du point de vue économique, tandis que cet électorat a plutôt des craintes d’ordre identitaire, et en étant assez économe de discours sur l’insécurité, il s’est volontairement privé d’aimants naturels et puissants pour attirer le peuple de droite. Et je n’aurais pas la cruauté de rappeler ici l’épisode Manif pour tous. Et pourtant ! C’eût été tellement facile pour Marine Le Pen que ça en devient presque suspect.

Avec quasi le même programme et le même positionnement, elle aurait pu toutefois se fendre de quelques signaux bien envoyés à tout un monde qui, pendant presque trois ans, fut totalement orphelin, turbide, et sans doute prêt à changer de chapelle. Au lieu de cela, il n’y eut presque que des appels du pied à la gauche. Or, ces clins d’oeil droitiers n’auraient pas fait peur à l’électorat populaire, lequel se détermine essentiellement sur la force du politique et sur l’insécurité. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler le Sarkozy de 2007 qui, malgré un caractère libéral affiché, avait attiré à lui cet électorat à l’aide d’un discours bien senti sur la capacité du politique à « changer les choses » et sur la sécurité. En conséquence de ces erreurs — qui ne sont peut-être que passagères —, la droite a survécu et peut s’attendre à gagner toutes les élections jusqu’en 2017.

Julien Rochedy

 

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