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Benjamin Biolay et les chiants des partisans – Par Nicolas Ungemuth

15 juin 20140
Benjamin Biolay et les chiants des partisans – Par Nicolas Ungemuth 5.00/5 5 votes

Publié le : 30 mai 2014

Source : lefigaro.fr

Après la relecture du chant des partisans par Benjamin Biolay, Nicolas Ungemuth craint le pire : si le FN est au deuxième tour des élections présidentielles en 2017, il va falloir s’attendre à un déferlement de chansons et d’albums ineptes.

La montée du Front National a des répercussions horribles que peu de gens, jusqu’ici, ont osé pointer: il y a d’abord, dès le lendemain des élections, les statuts indignés et effarouchés sur les réseaux sociaux. Au hasard: « J’ai mal à ma France », « le fachisme (sic) ne passera pas », « ça sent le nauséabond », « tout cela évoque assurément les heures les plus sombres de notre histoire » (un grand classique), « ne réveillons pas la bête immonde », on en passe, et des plus poétiques. Mais les bons scores du FN ont des conséquences pires encore: l’affreuse musique «contestataire» qu’ils engendrent.

Dès les années 80, les épouvantables Béruriers Noirs (communément nommés « lébérus » par les fanatiques du rock « alternatif » -alternatif à quoi, on ne sait toujours pas), mauvaise version des pionniers Métal Urbain, avaient lâché l’hymne enragé: «

Porcherie », dans laquelle ils scandaient « la jeunesse emmerde le Front National ». La chanson contestataire est un style en soi : Bob Dylan, Joan Baez et Woodie Guthrie (qui avait inscrit sur sa guitare le slogan « this machine kills fascists » alors que les fascistes avaient disparu depuis belle lurette) en ont fait un art respectable, mais il semble que le FN ne génère que les plus navrantes chansonnettes. Il y eut, par exemple, « Un jour en France », de Noir Désir, dont le pauvre chanteur était, sans le savoir, mal placé pour donner des leçons de civilité, la suite l’a prouvé. Puis les terribles Zebda qui moquaient Le Pen dans leur épouvantable « La Bête ». Michel Fugain, moins original, y est allé de « La bête immonde » (et son prévisible « ventre encore fécond »). Le terrifiant Damien Saez a sorti quant à lui « Fils de France » en 2002 (« 20 % pour l’horreur, 20% pour la peur. Ivres d’inconscience, tous fils de France »).

Les impayables Tryo, enfumés par les vapeurs de chichon, nous ont offert l’impérissable « Marine est là » et son jeu de mot délicat. Katerine, le fameux chanteur « décalé », a sorti, en toute simplicité « Marine Le Pen », puis récemment, Yannick Noah a pris son stylo et son micro pour chanter le foudroyant « Ma Colère » (« ma colère n’est pas un front, elle n’est pas nationale », dingue!).

Avec les élections européennes, c’est le roi du cheveu gras, Benjamin Biolay en personne, chanteur mannequin pour le Bon Marché (Paris, 75006), qui s’énerve à bloc et y va de sa création inédite. Toujours amateur de vieilleries vintage, après avoir dépoussiéré Henri Salvador et Juliette Gréco, il déterre carrément… Le chant des partisans! Ça ne plaisante pas. Oui, Le chant des partisans. Amis, entendez-vous le vol noir du corbeau sur la plaine, demande-t-il ?

Benjamin Biolay, pour ressortir cet hymne de la Résistance, doit être très inquiet. Il a la conscience civile très développée, et cela a commencé tôt : adolescent, il jouait La Marseillaise tous les 11 novembre devant le monument aux morts de Villefranche-sur-Saône. A 17 ans, il avait sa carte du P.S… Dans quel état de désespoir faut-il être pour s’encarter au PS à 17 ans ? Dieu seul le sait. Aujourd’hui, donc, il chante le Chant des Partisans, imaginant probablement le retour de la Waffen SS, des déportations, du couvre-feu et des cartes de rationnement. Quelqu’un doit le rassurer. Vanessa Paradis, peut-être ? Après tout, c’est son affaire.

D’ailleurs, il y a réellement de quoi s’inquiéter : si le FN est au deuxième tour des élections présidentielles en 2017, il va falloir s’attendre à un déferlement de chansons et d’albums ineptes. Mais d’un autre côté, si le FN l’emportait, ce qui n’arrivera pas, la vraie bonne nouvelle serait que Patrick Bruel refuserait de faire des concerts partout en France.

Nicolas Ungemuth

Nicolas Ungemuth est critique littéraire et critique musical au Figaro Magazine. Il est notamment l’auteur de Garageland (Hoëbeke), d’une biographie de David Bowie (Librio Musique) et du Roman du rock (Le Rocher).

 

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