La Plume parcourt le Net

Militarisation accrue du Sahel et déstabilisation de l’Algérie – Par Laid Seraghni

20 avril 20140
Militarisation accrue du Sahel et déstabilisation de l’Algérie – Par Laid Seraghni 5.00/5 4 votes

Publié le : 04 avril 2014

Source : La Plumeagratter.fr

 

 

L’Occident et principalement la France cherchent toujours à avoir une mainmise sur les anciennes colonies africaines, notamment celles riches en ressources minières, telle l’Algérie qui, contrairement à certains pays arabes, n’a pas été traversée par les prétendus « printemps arabes ». Est-ce d’ailleurs pour des raisons de bonne gouvernance depuis 1999, ou plus simplement à cause de la maturité et la sagesse du peuple Algérien, désireux de ne plus revenir aux années de braises qui ont ensanglanté son histoire ? Le probable 4ème  mandat de Bouteflika serait-il une possible source de divergence et d’affrontement national, susceptible de faire glisser le pays vers l’instabilité que certaines forces occultes souhaitent, tandis qu’elles préparent dans l’ombre tous les éléments nécessaires à une future déstabilisation du pays ?

Géostratégie des prédateurs occidentaux mise en œuvre en Afrique du Nord

Sous un prétexte fallacieux de la lutte contre Al Qaida au Sahel, de nombreuses bases militaires américaines et françaises ont été installées tout autour de l’Algérie. Par ailleurs, de sérieuses questions se posent concernant l’attaque de Benghazi du 11 septembre 2012 (attaque qui aurait pu être évitée selon un rapport du Sénat américain en date du 15 janvier 2013) et celle du site gazier de Tingentourine dans la localité d’In Amena, près de la frontière libyenne, le 16 janvier 2013. Ont-elles réellement été fortuites, et non téléguidées ? Le New York Times du 22 janvier 2013 révélait qu’il y a un lien entre ces deux attaques. Il affirmait notamment que trois des terroristes égyptiens tués dans la seconde attaque avaient aussi participé à la première. Et il est du coup particulièrement légitime de se demander pourquoi les USA cherchent de toute évidence à déstabiliser l’Algérie, qui pourtant collabore parfaitement avec eux depuis plus d’une dizaine d’années. En 2003, un accord était par exemple signé par le Président Bouteflika lors de sa visite à Washington. Selon cet accord, les militaires américains sont ainsi autorisés à utiliser les bases aériennes de Tamanrasset dans le Sud du pays.

Quand l’Oncle Sam convoite le sud algérien

Depuis le début de l’année, des analystes Américains, sans doute en vue de préparer une opinion Américaine de plus en plus hostile à toute intervention des GI à l’étranger, multiplient la diffusion de rapports alarmistes sur la situation politique, sociale ou sécuritaire qui prévalent aujourd’hui en l’Algérie. Je vous propose, ci-dessous, un résumé des principaux rapports qui nous éclairent sur la perception stratégique des analystes influençant la politique extérieure américaine au sahel et en Afrique du Nord, et tout particulièrement en Algérie, et qui sont particulièrement éclairants concernant les visées impériales des Etats-Unis et des Occidentaux.

a) Le Combating Terrorism Center (2) de l’Académie militaire américaine West Point a produit le 24 février 2014 une analyse sur le sud algérien et les événements qui s’y déroulent intitulée « l’attaque d’In Amenas et les contestations sociales dans sud algérien » signée par Hannah Armstrong (3). Ne se limitant pas au contexte économique et social des mouvements des jeunes chômeurs du sud, elle rappelle à l’Administration Américaine l’importance de cette région riche en ressources et donc objet de bien des convoitises.Cette chercheuse, à travers ce qui se passe au sud de l’Algérie, croit voir dans cette région névralgique le début d’un éclatement populaire qui risque de s’étendre à tout le pays à cause de la marginalisation des minorités par le pouvoir algérien. Pour elle, la politique suivie encourage la radicalisation  de ces mouvements, même lorsqu’ils sont à l’origine pacifistes. Pour ce faire, elle n’hésite pas en un  raccourci flagrant à lier ces contestations à  l’attaque du complexe gazier de Tingentourine. Selon cette analyste, Amine Bencheneb, originaire d’Illizi, qui fut tué lors de cette attaque, est ainsi passé du militantisme pacifiste (pour un meilleur accès à l’emploi des minorités de sud) au terrorisme en vue de l’instauration d’un émirat islamique,  à cause du mépris du régime algérien pour les demandes sociales des population du sud du pays. Elle met en garde les autorités américaines concernant les conséquences négatives que les contestations en question pourraient avoir, conséquences qui selon elles mettraient en péril les intérêts US dans toute la région du Sahel et de l’Afrique du Nord. On peut facilement y voir un appel à peine voilé en faveur d’une intervention américaine dans cette zone où de nombreuses sociétés pétrolières américaines ont effectivement d’importants intérêts.

b) Pour beaucoup d’analystes américains, l’Afrique du Nord et notamment le Sahel seront les futures zones d’activités de nombreux djihadistes étrangers, après leur retour des zones de conflit de Syrie et de Libye. Concernant l’Algérie, Joshua Bergess (4) considère que le 4ème  mandat de Bouteflika (malade) sera « une source de divergences à venir qui semble inévitable, ce qui pourrait être la cause de graves perturbations au lendemain du 17 avril » (5). Après avoir souligné qu’une grande instabilité pourrait dès lors devenir la principale caractéristique de cette région, il estime que la situation qui en découlerait menacerait gravement les intérêts des Occidentaux, insiste sur l’urgence d’une implication militaire des États-Unis et de l’OTAN (notamment de la France) et recommande la mise sur pied unilatérale d’une structure occidentale pour superviser la lutte antiterroriste dans les Etats concernés, comme si les gouvernements de ces pays (dont l’Algérie) n’existaient pas. Il en tire également le constat que l’instabilité politique conditionnera dans les dits pays tous les aspects liés à la sécurité, aux libertés ou aux « droits de l’homme »,  thèmes comme l’on sait systématiquement mis en avant par les pays occidentaux pour déstabiliser les états qui ne leur sont pas inféodés.

c) Dans son rapport annuel pour 2013 sur les libertés dans le monde, le Département d’État Américain  accable l’Algérie en ce qu’il pointe « une généralisation de la corruption, du manque de transparence dans la gestion du gouvernement, l’indépendance de la justice et les restrictions des libertés publiques et académiques » (6). Il met particulièrement en avant la soi-disant persécution d’un millier de Juifs en Algérie, et recommande aux Autorités Algériennes l’instauration d’une loi condamnant sévèrement l’antisémitisme, similaire à celle qui existe en France sous le nom de Loi Gayssot.

Le rêve français d’un grand Etat saharien

Afin de régulièrement intervenir en Afrique, tantôt pour « rétablir l’ordre constitutionnel », tantôt pour des « raisons humanitaires », la France de son côté attise régulièrement les tensions entre groupes interethniques. Bafouant pour cela sans cesse le Droit international, piétinant la souveraineté des Etats, elle rêve d’un grand Etat au Sahara qui lui serait entièrement soumis économiquement et politiquement. Dans ce but, toutes les initiatives locales pour un règlement des conflits par le dialogue sont régulièrement annihilées par une France de plus en plus néocolonialiste.

Sarkozy n’avait-il pas ainsi torpillé l’accord signé à Tamanrasset le 6 janvier 1991 (sous l’égide de l’Algérie) entre le gouvernement malien et le Mouvement National de Libération des Azawade, en vertu duquel une autonomie devait être accordée aux  trois régions du nord du Mali, appelées à gérer « leurs affaires régionales et locales par le bais de leurs représentants selon un statut particulier consacré par la loi » (7), en affirmant unilatéralement vouloir « travailler avec les Touaregs pour voir comment ils peuvent avoir un minimum d’autonomie »? (8) Pour la  France, cet accord torpillait en effet le rêve de création d’une Organisation Commune des Régions Sahariennes (9) cette chose étrange qui s’appelait OCRS, un machin juridico-politique à travers lequel la France avait espéré en réalité maintenir une forme de souveraineté coloniale sur tout le Sahara (10).

La stratégie d’encerclement de l’Algérie

La fragilisation de l’Algérie passe donc par une double action : son encerclement par des bases militaires US et Françaises d’une part, et la déstabilisation des pays limitrophes d’autre part. L’Algérie se trouve dans la ligne de mire des prédateurs occidentaux qui pensent qu’une maitrise géopolitique de la région du grand Sahara passera inévitablement par ce pays, de plus particulièrement riche en matières premières. La menace est très perceptible pour les Algériens, mais la situation politique du pays est marquée par une lutte pour le pouvoir entre deux factions, lutte qui pourrait être la cause de la mollesse de la riposte algérienne face à ce péril, sinon comment expliquer la phrase « les deux parties sont pour un partenariat d’exception » (11) lancée le 5 décembre 2013 par Abdelmalek Sellal après sa réception par François Hollande, alors que celui-ci projetait déjà de compléter le plan Serval par l’installation d’une base militaire au Mali.

Présence américaine dans le Sahel 

La considérant en cette matière incontournable, le Pentagone a qualifié officiellement l’Algérie comme étant un partenaire privilégié en matière de lutte antiterroriste contre AQMI au Maghreb et dans la Sahel. Par l’annonce de ce partenariat, il vise un double objectif : lui faire intégrer l’AFRICOM et installer par la suite des bases militaires américaines sur le territoire algérien. Le paradoxe dans la stratégie étasunienne est que malgré donc la complète collaboration de l’Algérie avec les USA dans la lutte antiterroriste, ceux-ci la placent sur la liste noire des 14 pays à haut risque. L’Algérie est donc bien dans le collimateur des Etats-Unis, malgré les déclarations de bonnes intentions et facilités accordées à l’armée américaine déjà évoquées plus haut.

La doctrine impériale américaine dans le monde et notamment en Afrique du Nord est en réalité fondée sur un accès illimité pour l’Oncle Sam aux marchés africains, aux énergies et autres ressources stratégiques, et sur la sécurisation des filières d’approvisionnement des matières premières vers les USA. Cette doctrine est bien entendu soutenue « officiellement » et militairement sous l’habituel prétexte de la « lutte contre le terrorisme ». Pour ce faire, les Etats-Unis tissent depuis des années une toile militaire pour occuper toute l’Afrique « utile ». Cette volonté et cette stratégie impériales sont d’ailleurs très clairement exposées dans cette déclaration sans ambiguïté de Barack Obama  «  l’Afrique est plus importante que jamais pour la sécurité et la prospérité de la communauté internationale et pour les Etats-Unis en particulier » (12). Ainsi, outre une forte présence de navires de guerre en Méditerranée, des bases américaines plus ou moins discrètes ont été installées un peu partout en Afrique au titre de l’opération «  Creek Sand  ». Les principales sont :

a) La base d’Ouagadougou (Burkina Fasso) d’où décollent les U 28A pour surveiller le Sahel et le Sud Algérien.

b) Les camps d’entrainement de mercenaires étrangers en Libye. Voulus par les Américains, ces camps sont financés par l’Arabie Saoudite et supervisés, selon Stratégika 51 du 7 octobre 2012, par… une société privée israélienne d’Haïfa (il est à noter par ailleurs que les Saoudiens apprécient fort peu les bonnes relations de l’Algérie avec l’Iran, et leurs idéologues wahhabites voient l’armée algérienne comme étant « mécréante » et « oppressant des musulmans »).

c) Une base de drones de surveillance de l’Afrique du Nord et du Sud Algérien à Niamey (Niger). (13)

d) Pas directement située en Afrique, mais à même d’y intervenir très rapidement, la base militaire de Moron en Espagne. Au moins 8 avions militaires et 500 éléments des forces spéciales de l’US Navy des marines américains y stationnent actuellement. Cette force d’intervention rapide est supposée « assurer la sécurité et éventuellement l’évacuation des ressortissants américains en Algérie ainsi que le personnel US ». Cette opération a été envisagée par les américains en cas de « chute du régime en Algérie » (14)

e) Des bases militaires américaines sont également présentes en Italie, en Espagne et pour l’Afrique en Tunisie, officiellement toujours pour lutter contre le terrorisme au sahel. Les forces armées américaines disposent également de facilités au Maroc et en Mauritanie.

Par ailleurs, le journal israélien Yediot Aharanot a publié un article un document portant sur la signature entre le Conseil National de Transition Libyen et l’entité sioniste pour l’installation d’une base au Mont Vert près de la frontière algérienne.

Présence française dans le Sahel

La France dispose également dans la région en question, en plus des points d’appui stationnés plus au nord au Mali et au Tchad, de quatre bases militaires principales, où 3 000 militaires français sont déployés en permanence au Sud de l’Algérie :

a) Au Tchad, à N’djamena. Des avions de combat Mirage 2000 et Rafale appuyés par des ravitailleurs et des forces terrestres y stationnent sous le commandement de l’état-major qui dirige les opérations au Sahel.

b) Au Niger, à Niamey. Avec des moyens de renseignements, notamment deux drones Reaper achetés aux Etats-Unis. Cette base peut aussi accueillir des avions de combat et des patrouilleurs maritimes pour la surveillance de l’Atlantique et du Grand Sahara.

c) Au Mali, à Gao et à Tessalit. En plus d’un important détachement d’hélicoptères à Gao, La France va installer une base au nord du mali à Tessalit près de la frontière algérienne (15). Il est à noter que l’Algérie n’a pas été consultée lors de cette prise de décision française, et qu’elle ne peut donc le refuser. La France justifie l’implantation de cette base, selon le journal malien Mali Actu, en raison des marchés obtenus par les entreprises françaises dans le pays, et souhaite  « compléter de manière significative ses capacités de renseignements sur ce vaste territoire africain » selon le communiqué de son Ministère de la Défense.

d) Au Burkina Fasso, à Ouagadougou. Le groupement des forces spéciales Sabre opère dans toute la zone à  partir de cette base.

Y aura-t-il donc une coordination américano-française concernant une probable intervention en Algérie après les élections présidentielles d’avril 2014 ? Le Ministre russe des affaires Etrangères Sergei Lavrov, en visite à Tunis, a récemment laissé entendre que l’Algérie était bien sur l’agenda des principaux chefs d’Etat de l’empire occidental, en vue de la faire sombrer à son tour dans l’un de ces « printemps arabes » ou fausse révolution qui ont dramatiquement déstabilisé  la Tunisie, l’Egypte ou la Libye. Que font nos dirigeants face aux terribles dangers qui menacent  notre pays ?

Laid Seraghni

_____

(1) Mémoire online. Redéploiement militaire Américain en Afrique par Rachid Oufkir voir aussi le Site et le forum de Sétif et sa région. Cette base a été utilisée pour le déploiement des avions P3 Orion pour la surveillance aérienne et la collecte des renseignements sur le GSCP.

(2) Le Combating Terrorism Center : Le Centre de lutte contre le terrorisme comble les domaines opérationnels et universitaires offrant les dirigeants actuels et futurs avec les outils intellectuels nécessaires pour vaincre et prévenir des menaces terroristes à la nation américaine.

(3) Hannah Armstrong : chercheuse spécialisée dans les questions politiques et sécuritaires de l’Afrique du Nord). Pour elle, le Sahara occidental est occupé par le Maroc à l’ouest et l’Algérie à l’est.

(4) Joshua Bergess : le Lieutenant – colonel des Forces aériennes américaines Chercheur visiteur à l’Institut de  Washington.

(5) Washington Institute for Near East Policy du 10 février 2014.

(6) Maghreb Info du 3 mars 2014.

(7) Le Monde du 13 avril 2012.

(8) Alter Info du 8 décembre 2012.

(9) Cette organisation consistait à rassembler les régions sahariennes d’Algérie, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. En 1962, l’Algérie a empêché la réalisation de ce projet et le contrôle de la bande saharo-sahélienne riche en minerais stratégiques pour l’Occident.

(10) Terrain N° 38 mars 1997 – Miroir du colonialisme « Charles de Foucault rencontres et malentendus ».

(11) Tout sur l’Algérie du 5 décembre 2013.

(12) Le Parisien du 14 juin 2012.

(13) Maghreb Observateur du 6 mars 2014.

(14) Maghreb Observateur du 6 mars 2014.

(15) Expression du 17 mars 2014.

 

EmailPrintFriendlyBookmark/FavoritesFacebookShare

Mots clés : , , , , , , , , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*