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L’angoisse du cadre parisien face à la délocalisation en banlieue

22 janvier 20130
L’angoisse du cadre parisien face à la délocalisation en banlieue 5.00/5 1 votes

Publié le : 19 janvier 2013

Source : marianne.net

C’est l’histoire du moment qui fait beaucoup rire les banlieusards sur les quais (ou dans les wagons, quand ils ont pu y monter) des trains d’Ile-de-France : les cadres de la SNCF seraient paniqués à l’idée de devoir emprunter eux-mêmes le réseau de leur société pour aller travailler !

La SNCF a en effet décidé de déménager plus de 5000 salariés, dont tout son encadrement, dans de nouveaux locaux situés à Saint-Denis, dans le 9-3. Pour cela il leur faudra prendre le RER ! Et, apparemment, les cadres de la SNCF, qui sont bien placés pour savoir comment cela fonctionne, n’en ont guère envie…

Pourtant le président de la société ferroviaire, Guillaume Pépy, avait donné l’exemple en annonçant qu’il ferait partie des premiers à déménager, abandonnant son superbe bureau panoramique qui domine les voies de la gare Montparnasse. Le Figaro croit savoir que devant la fronde de son personnel la direction a un moment évalué le coût d’un dédit avant de renoncer devant la somme.

Et La Vie du Rail a révélé que pour rassurer ses salariés, certains cadres avaient envisagé spécialement pour eux un accès privé depuis les quais de la station Saint-Denis du RER D aux nouveaux locaux de la SNCF. Guillaume Pépy et son équipe, dont on connaît le sens politique et les talents de communication, sembleraient avoir vite chassé cette idée dont la réalisation aurait eu évidemment un effet symbolique catastrophique digne du Canard enchainé : les cadres de la SNCF se mettant à l’abri de ce que vivent quotidiennement les usagers de la SNCF !

Mais il n’est tout de même pas question de livrer brutalement les salariés au sort du banlieusard moyen. Il serait ainsi prévu d’augmenter le passage des rames sur ce tronçon et d’y affecter une équipe de la SUGE (La « Surveillance Générale », la police ferroviaire, composée d’agents SNCF en tenue, assermentés et titulaires d’une autorisation de port d’arme).

Regrettons que cette délocalisation, à seulement une station de Paris, soit trop limitée : une bonne demi-heure de transports dans ces rames – irrégulières, inconfortables et sales, surchargées, obligeant souvent les usagers à voyager debout pendant les heures de pointes, peu sûres en dehors – aurait encore plus sensibilisé le staff de la SNCF à ce qu’il impose à ses « clients » obligés…

C’est une constante des élites que d’éviter ou de fuir les conditions de vie qu’ils organisent pour les « autres ». D’où, chez ces derniers, un sentiment d’abandon lié au fait que leurs expériences et leurs existences sont de moins en moins communes et que le monde politico-médiatique, qui s’en abstrait aussi, n’en parle jamais. Sentiment d’abandon renforcé à chacun de ces épisodes confirmant cette volonté d’évitement.

On se souvient ainsi qu’il y a quelques années la Délégation interministérielle à la Ville, structure technocratique chargée de la « fracture urbaine », que Pierre Bérégovoy avait volontairement et symboliquement installé en 1988 dans la Seine-Saint-Denis, avait été rapatriée dans Paris. Son personnel ne se sentait pas bien en banlieue pour réfléchir à la banlieue, se plaignant d’une « implantation pénalisante », de « locaux mal desservis », de « l’insécurité », des « dégradations » et des « vols répétés ».

On se souvient aussi du faible succès des propositions de certains élus de déplacer en banlieue le siège de la Région Ile-de-France, installé dans un bel hôtel particulier, rue Barbet de Jouy, dans le 7ème arrondissement.

Sans parler de l’effroi – « elle est dingue ! » – qu’avait provoqué Ségolène Royal en promettant, en 2008, si elle était élue Première secrétaire du PS, de vendre le siège de la rue de Solferino pour migrer dans un quartier plus populaire…

Eric Conan

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