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Le pacte tacite entre l’UMP et le PS… Par Dominique Jamet

1 décembre 20120
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Publié le : 01 décembre 2012

Source : bvoltaire.fr

Dans un premier temps, les socialistes se sont évidemment amusés et réjouis du divertissement gratuit que leur offrait l’UMP. Réaction bien humaine. S’attendait-on qu’ils pleurassent ? Pour une fois que leur parti n’était pas en cause… Le spectacle, toujours plaisant, de la discorde chez l’ennemi, attestait que la gauche, pas plus que celui du cœur, n’avait le monopole de la triche, des divisions et des coups de pied en vache. De plus, il est vite apparu que le match de catch qui opposait l’aigleton de Meaux au champion sarthois de la formule 1 détournait l’attention du public, non seulement des turpitudes en tous genres du P.S., mais des sottises et des erreurs — et Dieu sait s’il y en a eu ! — qu’a pu accumuler la majorité depuis le 18 novembre. Dirigeants et élus de l’UMP étaient trop occupés à se tirer dans les pattes pour se soucier des affaires du pays et gêner en quoi que ce soit l’action du président de la République, du Premier ministre ou tirer parti des nombreux couacs de l’orchestre gouvernemental et de l’orphéon parlementaire de la gauche. Quinze jours de tranquillité, et surtout en temps de crise, c’est toujours bon à prendre.

La discrétion dont ont fait preuve les socialistes pendant cette bienheureuse mise entre parenthèses du reste de l’actualité n’en est pas moins étonnante au premier abord. S’expliquerait-elle donc par je ne sais quelle élégance, quelle décence, quelle courtoisie qui n’est pas dans les habitudes de la vie politique ? Vous voulez rire ? La vérité est que les bons apôtres de la rue de Solférino n’ont pas tardé à être pris d’inquiétude puis d’une véritable angoisse à l’idée que le visage, la forme et le contenu de l’opposition pourraient ne plus être les mêmes.

D’abord parce que c’est un plaisir, une chance, une bénédiction d’avoir affaire à une opposition aussi ringarde, aussi répulsive, aussi lamentable que celle qu’incarnent un Jean-François Copé, un Christian Jacob, un Jean-Pierre Raffarin, un Jean-Claude Gaudin, une opposition dont la pérennité semble assurer à la gauche, si médiocre qu’elle puisse être, une suite indéfinie de victoires électorales.

Ensuite, et fondamentalement, parce qu’il existe un pacte tacite entre le PS et l’UMP, le scrutin majoritaire aidant, pour verrouiller l’alternance en la limitant aux deux grands partis réputés seuls légitimes à nous gouverner. Le marché du pouvoir, chez nous, depuis trente ans, est détenu par un oligopole à deux partenaires et l’existence du parti unique de la droite justifie par symétrie l’hégémonie du grand parti de gauche.

Ce système bien rodé tient d’autant plus à cœur à ses deux bénéficiaires que, malgré les différences non négligeables de tradition, de références, de sensibilité, de vocabulaire et de clientèle qui permettent à l’électeur moyen, surtout en période électorale, de distinguer sa droite de sa gauche, le vrai clivage, depuis quelque temps déjà, ne passe plus entre socialistes, qui ne le sont pas tant que ça, et gaullistes, qui ne le sont plus du tout. Certes, les uns se réfèrent au Front populaire, à mai 68 et mai 1981, parlent de justice sociale, prétendent parler et agir au nom et en faveur des humbles, des jeunes et des fonctionnaires et cultivent avec amour une haine démagogique des classes les plus aisées, tandis que les autres se réclament du général que l’on sait, défendent les intérêts des plus riches, courtisent les classes moyennes, les retraités et prétendent défendre l’ordre public et l’ordre social. Des divergences réelles opposent les deux camps sur des sujets tels que le droit de vote des étrangers, le mariage gay et la guerre d’Algérie, et leur acharnement à se disputer la victoire est comparable à celui des grands clubs de football ou des champions du tour de France, avec toutes les ententes et tous les trucages que suggère la comparaison. Mais tous les leurres ne peuvent indéfiniment cacher que sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les grandes questions économiques, sociales, nationales et internationales, il n’existe aucune différence de fond entre deux adversaires qui s’entendent comme larrons et lutteurs en foire.

Le vrai clivage aujourd’hui, la vraie séparation ne sont pas entre deux blocs à l’idéologie moribonde mais entre mondialisme et souveraineté, entre libre-échange et protectionnisme, entre capitalisme sans frein et résurrection d’un État garant de l’intérêt général, entre défense de la monnaie et défense des hommes, entre multiculturalisme et défense de l’identité nationale, entre sursaut et abandon. Que le président s’appelle Sarkozy ou Hollande et le parti qui le soutient UMP ou PS, c’est bien la même politique qu’ils mènent, celle de la soumission aux traités européens, à la dictature du marché, aux deux hyperpuissances du moment, celle de la monnaie forte et de l’économie malade, celle de la résignation et du déclin.

Aussi bien, ce que redoutent le plus les socialistes comme leurs adversaires de la « droite républicaine », c’est l’émergence, à droite de la droite et à gauche de la gauche, d’hommes et de mouvements qui refusent le système et la fatalité. Les véritables adversaires de François Hollande ne s’appellent pas François Fillon, Jean-Louis Borloo ou même François Bayrou, sans parler des écologistes et autres meilleurs ennemis avec lesquels on peut toujours s’entendre, avec lesquels on s’entendra, mais Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ou Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon. Voilà pourquoi les socialistes, toutes réflexions faites, craignent un glissement de l’opinion vers l’ultra-gauche qui mettrait fin à leur domination et une recomposition de la droite qui les mettrait face à une véritable opposition de combat. Voilà pourquoi ils font brûler des cierges pour que l’UMP guérisse et prient je ne sais trop qui pour que rien ne bouge, afin que rien ne change.

Dominique Jamet

 

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