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Le dernier des François, ou le terminus du prétentieux… Par Eric de Zone Critique

8 mars 20170
Le dernier des François, ou le terminus du prétentieux… Par Eric de Zone Critique 5.00/5 3 votes

Publié le : 07 février 2017

Source : zone-critique.blogspot.fr

Pénélope Fillon et les Deux mondes..

« C’est quand l’furoncle y pue, qu’y faut y presser l’jus »… disait-on autrefois dans certains coins de nos campagnes. A des époques plus rudes ou l’on ne s’embarrassait pas d’états d’âme pour traiter le mal. Mais les temps ont changé. Un tel pragmatisme aurait pourtant du bon aujourd’hui.  Ne serait-ce que pour nous débarrasser de certaines disgracieuses boursouflures monarchiques héritées d’un régime dont on nous disait qu’il ne subsisterait que des dorures et des donjons. Tu parles…

Ce « Pénélope gate », c’est incontestablement le furoncle de trop sur le cul de cette matrone obèse qu’est notre République. L’affaire vient à maturité à un moment crucial, et nous met clairement devant deux choix : soit on badigeonne le bouton de crème Nivéa et on attend le suivant, soit on vide cette saloperie de son contenu purulent jusqu’à la racine, et on s’épargne durablement des récidives.

Bref, vous l’aurez compris, la question est simple : faut-il voir comme une aubaine ce qui arrive à ce pauvre François Fillon et à sa sauterelle ? Grand-Dieu OUI !.. Et trois fois oui. Et j’irais même plus loin: que le Canard ouvre le bec jusqu’à s’en étrangler, et que tous les autres lui emboîtent le pas ! Et tant pis si ça exaspère les éternels pisse-froid. Ceux qui fulminent de voir les mouches passer d’un troupeau d’ânes à leur bourricot de concours, et qui voudraient nous faire gober que le scandale n’est pas dans les turpitudes à 900 000 euros du couple Fillon, mais dans les charognes qui les ont révélées. Ces prétentieux qui brandissent la présomption d’innocence comme une gomme à effacer les magouilles de leurs protégés, à défaut d’autre chose à opposer à l’obscénité de ces fortunes piquées au contribuable.

Leur théorie et leur stratégie sont simples et archi-connues : « Quand le sage montre la lune du doigt, l’idiot regarde le doigt »… ce vieil adage de je ne sait plus quel crétin de philosophe mandarin, et que ce bataillon de grenadiers de la vertu s’est mis en tête de faire sien pour traiter la crise. D’après eux donc, nous serions assez malléables et assez cons pour accepter le rôle de cet idiot qui regarde le doigt. Ça donne une idée précise du mépris qu’ils portent à notre discernement. Alors il vont se surpasser dans l’activisme larmoyant. De Jean Pierre Raffarin a Jérôme Chartier en passant par Gérard Longuet, tous vont faire le boulot pour défendre l’indéfendable soldat Fillon, avec pour consigne de ne pas restreindre leur vocabulaire. Complot, coup d’État, machination, acharnement, terrorisme, officines secrètes, barbouzeries, chasse à l’homme, lynchage, lapidation (!)… Tout y passe. On entendra même Gérard Longuet parler de dignité face à la calomnie, et se féliciter de voir « du Pompidou » chez cet homme meurtri mais toujours debout. Carrément..

Comme on est jamais aussi bien servi que par soi même, l’intéressé s’y colle également. Trémolos, larme à l’œil et grandiloquence sont de rigueur. La ficelle de la victimisation, avec au bout une Pénélope immaculée et passive, sera étirée jusqu’à la rupture. Un cinéma d’une ringardise et d’un ridicule consternant, et qui aboutit finalement à une seule et incontournable conclusion: après avoir utilisé son épouse pour détourner de l’argent public, François Fillon l’instrumentalise pour s’en défendre.

Évidemment, les gardiens du temple fillonniste s’insurgent de cette conclusion. Et en premier les lumineuses sommités qui assurent la communication du candidat. Parmi celles-ci figure en bonne place une certaine Anne Méaux, pointure incontestée de la profession, et qui s’est illustrée pour ses prestations auprès d’Anne Lauvergeon, « l’éminente » pédégère qui a magistralement massacré le fleuron qu’était Areva. La communicante avait déjà apporté ses lumières aux grands éditoriaux tunisiens corrompus jusqu’au larynx et dévolus à la dictature de Ben Ali, avec les résultats que l’on connaît. Des précisions qui du coup, donnent un éclairage particulier sur l’incroyable amateurisme avec lequelle l’équipe de campagne est en train de gérer cette crise.

Bref, et pour résumer, le message est simple : François Fillon et sa femme ont tapé 900 000 euros dans les caisses publiques pendant 30 ans en toute légalité, ce qui leur confère une honnêteté indiscutable, donc une légitimité intacte, et donc l’impérieuse nécessité qu’on leur lâche la grappe définitivement. Fermez la fenêtre, tirez les rideaux…

C’est à ce cours magistral de méthode Coué que s’est livré hier devant la médiasphère l’harcelé le plus célèbre de France. La « contre-offensive » nous dit-on au Q.G de campagne. Incroyable prise de parole qui restera probablement dans les annales de campagne pour son cynisme et son arrogance, et que les français apprécieront dans l’actualité qu’il vivent au présent, autant qu’ils l’apprécieront demain à la lecture des livres d’histoires. Pas besoin d’être analyste politique pour constater avec stupéfaction que François Fillon nous a servi hier une énumération surréaliste de poncifs avec un aplomb invraisemblable. Je m’excuse,  et je ferai plus. Bon, ça, s’est fait… Sinon, pour Pénélope et les mômes, tout est légal. Oui, ils ont travaillé pour moi, et moi seul connais leur emploi du temps. Il n’y a pas de plan B. J’ai 15 comptes au Crédit Agricole. La presse m’a lynché. Les journalistes sont des juges. Le parquet financier n’est pas légitime pour me juger. Point. Maintenant fin de la récrée. Le candidat, c’est moi. Le patron, c’est moi. Pas d’affaire, pas de tentative de putsch, tout est normal. Faites pas chier. Circulez…

De quoi couper les bras d’un serpent… Quant aux mange-merde qui, la veille, se bousculaient devant les micros pour lâcher leur champion en rase-campagne, que faut-il en dire ? Dans quel bac à ordure faut-il jeter un Georges Fenech capable sans sourciller d’appeler à la mutinerie la plus radicale le dimanche, et à la loyauté la plus absolue le lundi ? A moins de les avoir remplacés par des pelles à charbon, on se demande comment ces gens peuvent encore passer devant leurs miroirs et y contempler leur reflet. Un mystère…

Cette malhonnêteté intellectuelle des lieutenants de campagne, aussi nauséabonde soit-elle, peut néanmoins s’expliquer à défaut de s’excuser. A la limite, eux sont là pour faire le job, presque sans états d’âme, et en bons soldats ils s’exécutent. Moins compréhensibles sont les réactions de certains sur les réseaux sociaux, et principalement sur la blogosphère politique.

Pleurnicher, comme le font certains blogueurs, sur les déconvenues d’un élu à qui il n’arrive rien d’autre que le retour de manivelle d’un système monarchique insensé qu’ils dénoncent à longueur de billets, est d’une hypocrisie achevée. Et comme la mauvaise foi n’a de limites que celles qu’on lui a soi-même fixées, ils s’autorisent à penser que la dignité intellectuelle impose l’arrêt immédiat de toute suspicion de malhonnêteté à l’endroit de François Fillon sous prétexte qu’à gauche les casseroles existent aussi, que la présomption d’innocence se respecte, et que sa candidature est l’unique alternative au Macron/FN/PS qui se précise. On peut même lire ça et là que ceux qui participent de cette cabale pourraient avoir sur la conscience les cinq ans supplémentaires d’un purgatoire de gauche, ou les éventuels cinq ans de fascisme bleu-marine qui nous pendent au nez. Dans le genre manipulation des consciences, on peut difficilement faire plus mesquin. Mieux vaut donc un chevalier blanc aux mains sales que n’importe quoi d’autre. La peste ou le choléra quoi. Minable…

Je vais donc faire partie de tous ces cocus qui, dans 80 jours, se retrouveront comme des cons dans l’isoloir, à regarder désespérément le fond de leur enveloppe. Cocufiés non-pas, comme le prétendent ses aficionados, par d’obscurs complotistes dézingueurs de campagne, mais par ce candidat lui-même qui se disait exemplaire et droit comme un « i », et qui n’est rien d’autre qu’un apparatchik hors sol qui fonctionnera quoiqu’il arrive avec les règles d’un système dont il est le produit, et auxquelles il obéira sans restriction.

Alors pour reprendre une sémantique mélenchonienne, que François Fillon dégage ! Mieux, qu’il disparaisse !… D’ailleurs, les proches s’étaient ralliés à cette finalité. Il aura fallu que le capitaine monte sur le pont et rameute les troupes pour faire rentrer dans le rang certains intrépides matelots qui avaient déjà sauté dans les chaloupes, et ramaient vers la côte sans se retourner.  Même une crapule de compétition comme Patrick Balkany avait déserté le rafiot. C’est dire…

Comme un de mes derniers billets le dit sans équivoque, je ne me prive pas de dire tout le mal que je pense d’une certaine presse de connivence qui pollue plus qu’elle n’informe, et qui copine plus qu’elle ne s’émancipe. Je ne serai donc pas suspect d’une quelconque idolâtrie pour un certain journalisme, ou de choisir une ligne éditorialiste plus qu’une autre pour en faire parole d’évangile.

On aura du mal également à trouver chez moi une once de fibre gauchiste, mes écrits la encore, étant sans ambiguïté sur mon positionnement et mes orientations. Mais je ne remercierai jamais assez le Canard Enchaîné d’avoir, encore une fois, soulevé le couvercle d’une marmite ou mijotait une tambouille au fumet âcre, et sur laquelle étaient assise de tout son poids l’opacité de nos pratiques républicaines d’un autre âge. N’en déplaise à ceux qui auraient préféré que le palmipède ferme son bec jusqu’au mois de mai, histoire de nous coller dans les pattes un président dont nous aurions du nous coltiner les tares pendant 5 ans.

Triste fin probable pour un candidat qui avait devant lui un boulevard à quatre voies vers l’Elysée, et qui, enfermé dans sa bulle protectrice, a juste négligé que les passe-droits pharaoniques dont il abuse sans même y penser, sont vécus comme des insultes par ceux qu’il voudrait convaincre de se sacrifier sur l’autel de l’austérité. Il est à l’image de cette vanité crasse qui n’a que trop perduré dans notre paysage politique, et que les français désormais vomissent collectivement. Le Canard Enchaîné n’aura fait que leur donner l’occasion d’exprimer ce ras-le-bol qu’ils répriment et ravalent depuis trop longtemps sans que jamais personne ne prenne la peine d’en évaluer l’ampleur.

François Fillon, lui, en aura fait les frais. Il aura tout le temps de méditer ses errements dans le jardin de son manoir sarthois, durant les barbecues dominicaux du printemps électoral à venir. Nul doute que le magret de canard sera absent du menu…

Eric

 

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