Politique France

François Fillon pris les mains dans le pot de confiture de Pénélope !

26 janvier 20171
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Il peut bien nous avoir dit dans un premier temps qu’il ne commenterait pas « parce qu’il n’y a rien à commenter », puis avoir fait mine de balayer avec mépris une « boule puante »… j’aurais pour ma part bien plus envie de parler de véritable bombe, et  si j’ose dire, « à la probité (très) appauvrie ».

Alors certes, il est toujours désagréable d’avoir à se retrouver ainsi, et même pour une vraie et bonne raison, à hurler avec les chiens médiatiques. Bien entendu, ce genre de pratique népotique est très loin d’être une exception dans le microcosme politicien français. Evidemment, Il y aurait certainement des cas semblables, et malheureusement sans doute à la pelle, à relever à gauche, comme à droite ou au centre (1). D’ailleurs, il y a fort à parier, que La Plume aura l’occasion de faire très prochainement un autre papier de ce genre, cette fois tout au déshonneur d’Emmanuel Macron, apparemment lui aussi gaulé par la patrouille, pour avoir pris le même train « En Marche ! » et, comme Fillon, ses aises ploutocratiques, en puisant allègrement dans la caisse des frais de fonctionnement de son ministère à des fins électorales, et donc purement personnelles. Dès que l’on y verra un peu plus clair de ce côté là, nous y reviendrons  sans doute ici. En attendant, concernant François et Pénélope…

Oui, cet article (d’autant plus qu’il concerne une femme censée ne pas avoir de vie publique) n’est pas forcément plaisant à écrire, mais pourtant nécessaire… faudrait-il s’habituer à de telles pratiques, afficher un désintérêt blasé ou affirmer un déni buté parce qu’ils sont « tous pourris », ou que les journaleux sont « tous de gauche » ? Certainement pas ici, en tout cas : un fait est vrai ou il est faux, un emploi est réel ou il est fictif, et donc, lorsqu’il est népotique et financé par l’argent public, fortement problématique ou carrément scandaleux. Alors faisons le point sur cette lamentable affaire…

Le Canard enchaîné a donc hier révélé que Pénélope Fillon a été la « collaboratrice parlementaire » de son mari de 1998 à 2002, puis de son suppléant Marc Joulaud, de 2002 à 2007, et de nouveau de son mari en 2012, pendant au moins six mois. D’après les chiffres révélés par le journal satirique, c’est lorsqu’elle « travaillait » pour Joulaud qu’elle a été rémunérée le plus, avec un salaire allant de 6 900 à 7 900 euros mensuels (soit l’intégralité de la somme allouée à chaque député pour payer… trois à quatre attachés parlementaires !). Il faut dire que son mari n’avait – lui – pas la possibilité de la payer aussi grassement : la Loi interdisait de lui allouer plus de 4 500 euros mensuels (quelle misère !), du fait de son lien marital. Durant huit ans au total, « Pénélope aura perçu environ 500 000 euros brut sur les caisses parlementaires » sans « laisser des traces de son passage », affirme Le Canard. En parallèle parfois, l’épouse de François Fillon a aussi été rémunérée 5 000 euros par mois pendant presque de deux ans par La Revue des deux mondes, pour près de 100 000 euros supplémentaires, et pour un « travail » que nous évoquerons plus bas. Depuis ces révélations, et suite au buzz médiatique qui s’est immédiatement enclenché, le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire sur des faits présumés de « détournement de fonds publics, d’abus de biens sociaux et de recel ».

« quand on monte au cocotier (présidentiel), il faut avoir les fesses propres » (proverbe africain)

Si l’affaire frappe et – osons d’ores et déjà l’écrire – choque autant, c’est pour deux raisons qui me semblent immédiatement évidentes :

- Le népotisme politicard (et pour des emplois très souvent totalement fictifs) est en soi détestable voire carrément odieux, mais il est encore plus condamnable quand il concerne un responsable politique qui prétend accéder à la magistrature suprême. Cette ambition exige à l’évidence un surcroît d’exemplarité, et c’est d’ailleurs… François Fillon lui-même qui nous le dit :

 tweet 01

- Ensuite, et le tweet ci-dessus en est un simple exemple, parce que François Fillon prétend depuis toujours et à titre personnel incarner l’image même de la rectitude et de l’honnêteté politique, se présentant comme un adversaire farouche de la gabegie budgétaire, comme un comptable scrupuleux et même inflexible de l’usage des deniers publics :

tweet 02

Et, cerise sur le gâteau, il n’a pas de mots assez forts pour nous faire part de son dégoût de ceux qui touchent de l’argent public sans pouvoir justifier d’un quelconque travail :

tweet 03

Oui, je suis d’accord, ça commence déjà à faire sérieusement désordre… et pourtant, vous n’avez rien lu !

Dans un premier temps, la ligne de défense du Sarthois a été consternante d’inconscience civique ou de dédain oligarchique (et je ne suis pas sûr qu’il faille rayer une mention inutile). Il s’est en effet contenté d’afficher un mépris noir de colère en affirmant : « Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte. Je ne ferai pas de commentaires parce qu’il n’y a rien à commenter. Je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article. Parce que c’est mon épouse, elle n’aurait pas le droit de travailler ? » Et le bougre de conclure même sa diatribe par une sidérante affirmation que l’article du Canard, en questionnant la réalité du travail parlementaire de Pénélope Fillon, prétendrait que celle-ci « ne sait faire que des confitures » (c’est ici).

Ah ! Non ! C’est un peu court, bonhomme ! Car on peut dire ! Dieu ! … bien des choses en somme… et La Plume, sans se prendre pour Rostand, ne va d’ailleurs pas se gêner pour le faire !

Attention François : « la confiture, ça dégouline, ça coule sur les mains, ça passe par les trous de la tartine ! »

Pénélope Fillon aurait donc exercé le travail d’assistante parlementaire de son mari, puis de Marc Joulaud pendant huit ans…  Or, comme l’affirme ici Emilie, assistante parlementaire depuis dix ans, ce travail (quand il est réellement exercé) est particulièrement exigeant, avec des horaires élastiques débordant très largement des cadres habituels. Et surtout, comme le fait malicieusement mais fort judicieusement remarquer le député PS Olivier Faure, il laisse une quantité presque exponentielle de traces, génère une foultitude de contacts professionnels : « Ça veut dire des milliers de gens rencontrés (…), de mails échangés (…), de courrier ». Je le confirme totalement :  je connais personnellement un attaché parlementaire européen qui fait presque les trois huit depuis sa prise de fonction. Or, à cette heure, pas un seul de ses « collègues » n’a pu témoigner avoir seulement croisé Pénélope Fillon dans les couloirs de l’Assemblée, ou avoir échangé le moindre coup de téléphone, ni reçu d’elle le moindre courriel… Mieux, pas un seul membre de l’équipe rapprochée de l’ancien Premier ministre n’a pu étayer la réalité de sa fonction, la plupart affirmant même ignorer tout d’une quelconque implication de Pénélope dans l’organigramme professionnel de son époux (jusqu’à Valérie Pécresse, pourtant longtemps très proche de François Fillon). Auteur d’une biographie du désormais candidat LR à la Présidentielle parue en 2007, et ayant pour ce faire rencontré et interrogé en de multiples occasions les époux Fillon, l’ancienne journaliste de LCI Christine Kelly a de son côté confié au Canard n’avoir  « jamais entendu dire que Mme Fillon travaillait ».

Plus fort encore : en de maintes occasions, et jusque durant l’émission Ambition intime de Karine Le Marchand sur M6 en octobre 2016, François Fillon en personne a affirmé que sa femme s’était intégralement consacrée à son foyer et à l’éducation de ses cinq enfants dans sa « maison » de la Sarthe (lire le château de Beaucé, un splendide manoir du XVème siècle de 14 chambres, avec 3 000 m2 de dépendances, une chapelle et une ferme, sur plus de treize hectares de terres, acheté en 1993) pendant que lui travaillait « sept jours sur sept à Paris ». Tout juste concédait-il alors qu’en certaines occasions, « elle distribuait les tracts, elle m’accompagnait dans les réunions »… on est très, très loin du travail d’un assistant parlementaire !

Mais en réalité, le pire des témoins à charge pour Pénélope Fillon, celui qui est le plus à même de démasquer son emploi politique imaginaire (et particulièrement lucratif) n’est autre que … Fillon Pénélope ! Car celle-ci a en effet souvent affirmé personnellement, et comme son mari l’a dit, ne tenir aucune place dans la carrière politique de celui-ci, déclarant par exemple : « Je n’ai pas de rôle. Je l’accompagne de temps en temps, comme ça, ça se limite à ça », ou encore en octobre 2016, dans une entrevue au Bien Public : « Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari ». En somme, Pénélope a fait maintes fois l’aveu qu’elle s’était toujours contentée de faire tapisserie… (je sais elle est facile, mais comment passer à côté ?)

Oui, vraiment : la confiture, « quand on tente de passer l’éponge, on en met plein ses vêtements » (présidentiels), même « quand on est bien en place » et « qu’on mène la vie de château »…

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De La Revue des Deux Mondes au revenu des deux poids… et deux mesures

Pour charger encore un peu plus la barque des emplois fictifs de Pénélope, quelques mots sur son second « travail » à la Revue des Deux MondesLe Canard enchaîné n’a trouvé trace que « de brèves critiques littéraires » (d’une demi-page chacune) sur deux ouvrages, Le Tombeau d’Œdipe, de William Marx, et Trois excentriques anglais, de Lucien d’Azay. Pénélope Fillon a donc été embauchée un temps en parallèle de ses « fonctions » parlementaires, pendant un an et demi, à 5 000 euros par mois et alors qu’elle n’avait absolument aucune référence professionnelle à faire valoir en la matière (ni en aucune autre d’ailleurs : avocate de formation, elle n’a jamais exercé) dans une revue dirigée par… un grand ami de son mari, Marc Ladreit de Lacharrière, pour pondre deux demi-pages de compte-rendu de lecture… et pour un salaire total supplémentaire de près de 100 000 euros, soit un total de plus de 600 000 euros sur la période des huit ans (ça tombe formidablement bien : c’est presque exactement la valeur estimée du château de Beaucé, la « maison  » des Fillon) et un salaire mensuel moyen cumulé de  6250 euros pour, à ce jour , deux demi-pages de « travail » à peu près avéré… je ne sais pas pour vous, mais moi, un boulot comme ça, je signe tout de suite ! En cerise sur ce gâteau particulièrement indigeste, Michel Crépu, à cette époque patron de la revue, est formel et déclare « n’avoir jamais rencontré Pénélope Fillon ». Mieux, il ajoute : « J’ai découvert comme vous l’existence de son poste » ou encore n’avoir jamais eu connaissance d’une mission de « réflexion stratégique informelle » (sic) confiée à Mme Fillon en 2012-2013, mission jugée par lui « totalement extravagante » et « pas plausible », bien qu’évoquée dans Le Monde par Ladreit de Lacharrière, le propriétaire de la revue.Voilà qui fait en vérité furieusement penser au scandale de l’« affaire Xavière Tiberi » en 1994 (3),  affaire pour laquelle un des plus implacables procureurs en probité politique de la donzelle, elle aussi « femme de », fut à l’époque un certain… François Fillon !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’histoire sait se montrer particulièrement taquine voire cruelle, et repasse parfois savoureusement les plats (de lentilles en l’occurrence), nous rejouant une fois de plus le gag jamais totalement éculé de l’arroseur arrosé !

Mais où est donc passé Pénélope ?

Enfin, entre nous, et puisque François Fillon a osé parler dans un premier temps de misogynie…ne trouvez-vous pas totalement invraisemblable, hallucinant même, que Pénélope Fillon n’ait pas encore trouvé le temps de prendre elle-même la parole pour dégonfler le prétendu soufflé médiatique, pour défendre son honneur et son « métier », pour justifier son salaire, en prenant sous le bras pour cela et si nécessaire (et c’est le cas) une pile conséquente de documents, mémos, discours, enquêtes et autres preuves de son travail, en jetant à la figure des méchants journalistes misogynes ses agendas, carnets de rendez-vous, carnets d’adresses, etc., autant de  matériel professionnel qui a dû s’accumuler en montagnes durant ses huit années d’assistanat fillonesque ou Joulauniste ? Ou bien madame Fillon serait-elle interdite de parole parce que femme, par un mari tyrannique et, pour le coup, par un véritable « Farid Fillon » ? Serait-elle  trop stupide pour se défendre elle-même, au point de devoir l’être par un Benoist Apparu, ou un Bernard Accoyer, c’est à dire à peu près ce qui se fait de plus nul de chez nul parmi Les Républicains ?

Hier comme aujourd’hui pas vue, mais argent bien pris donc, et on l’a dit plutôt deux fois qu’une ! Durant la fameuse émission de Karine Le Marchand évoquée plus haut, Roselyne Bachelot affirmait que « Pénélope Fillon, c’est une personne qui gagne à être connue ». Il semble bien plutôt qu’elle ait surtout gagné à être méconnue ! Non mais vraiment, quelle époque ! Quelle décadence citoyenne… quelle dégénérescence politique ! « Qui imagine un instant le général De Gaulle », dont ose à tout bout de champ se réclamer François Fillon, notamment pour flinguer Sarkozy durant la campagne des primaires (2), salarier tante Yvonne aux frais de la République française, qui plus est pour un emploi bidon, lui qui payait de sa poche ses factures d’électricité, de gaz ou ses frais de table personnels à l’Elysée ?

Pour finir, parce tout comme vous je m’en doute, je fatigue, une dernière citation pour – je l’espère désormais sincèrement – la déroute finale et présidentielle de ce cuistre : « avoir une haute idée de la politique signifie que ceux qui briguent la confiance des Français doivent en être dignes. Ceux qui ne respectent pas les lois de la République ne devraient pas pouvoir se présenter devant les électeurs »… signé François Fillon. Tu l’as dit, bouffon !

Marc LEROY – La Plume à Gratter

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1) Il suffit pour s’en convaincre définitivement de lire Pilleurs d’Etat, de Philippe Pascot (éditions Max Milo).

2) Notamment avec cette phrase en forme de scud, dans une allusion évidente aux ennuis judiciaires de l’ex-Président de la République : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » (Le Figaro, août 2016).

3) Xavière Tiberi avait à l’époque touché 200 000 euros du conseil général de l’Essonne pour un rapport d’une trentaine de pages truffé de fautes d’orthographe. Mise en examen puis jugée (et condamnée) pour emploi fictif, « recel de détournement de fonds publics » et « recel d’abus de confiance », Xavière Tiberi avait finalement bénéficié d’un non-lieu en 2001 pour… vice de forme devant le tribunal correctionnel d’Evry, échappant ainsi à sa condamnation initiale. Elle n’avait pas pour autant été relaxée, les juges n’ayant pu examiner son dossier sur le fond.

 

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10 Responses to François Fillon pris les mains dans le pot de confiture de Pénélope !

  1. Christophe le 27 janvier 2017 à 13 h 56 min

    Bonjour Marc,

    Eh oui … Encore deux politiques pris la main dans le sac ! Je pense que cela va continuer et dans les deux camps … Pourquoi ? ! Parce que le parti socialiste est en phase terminale … Comme l’explique M. Rougeyron, il ne s’agit pas ici de « victoire ou non » du PS, mais d’échapper à un collapse définitif et de sauver ses fesses …Sale temps pour tous en Socialie ! Après : « le changement c’est maintenant », le grand remplacement (des stipendiés) c’est pour demain matin ! Avec un changement de pouvoir, il est clair que cette immense machine à truster les places et les distribuer aux copains, comme on commerçait les charges sous l’ancien régime, va devoir passer la main.

    Dès lors, et n’ayant plus rien à perdre, tout est bon ! On déterre les secrets enfouis, on sort les squelettes des placards … De toutes les façons, après « l’alternance », on s’attend à une Saint-Barthélemy chez les socialistes … L’heure est donc à la délation ! D’autres prendront la place et ne seront probablement pas plus vertueux, mais il est cependant plaisant de contempler le spectacle réjouissant de ce radeau de la méduse solférinesque, où tous essaient de monter à bord et ou la multitude barbotent sans beaucoup d’espoir d’éviter la noyade. Ne boudons pas notre plaisir !

    • marc le 27 janvier 2017 à 19 h 34 min

      Salut Christophe !

      Je n’ai pas un mot à retrancher à votre commentaire ! Revenez souvent partager votre lucidité politique dans les colonnes de La Plume !

      Amitiés

  2. Labolisbiotifool le 27 janvier 2017 à 7 h 46 min

     » deux demi-pages de compte-rendu de lecture… et pour un solaire total supplémentaire de près de 100 000 euros,  » : la somme , pour être solaire  » n ‘en reste pas moins un sAlaire : )
    Très bon article , vrai et mesuré !
    Par contre que Ladreit de Lacharièrre salarie Pénéloppe  » à vide  » pour faire plaisir à F . Fillon
    m ‘ en touche une sans faire bouger l ‘ autre : c ‘ est son pognon ! C ‘ est plus gênant si on
    apprend qu ‘ il s ‘ agit d ‘ un retour d ‘ ascenseur pour services rendus … autrement dit de la
    corruption hein ?
    Bon , je suis plutôt satisfait : j ‘ ai toute ma famille – vraiment toute – contre moi pour avoir
    dit que le bougre emanoiré n ‘ était pas meilleur que les autres : j ‘ avais raison : )

    Bonne journée et merci !

    Labolisbiotifool

    • Axa le 27 janvier 2017 à 18 h 05 min

      Lu dans le blog de Maxime Tandonnet :
      Précisions de M. Julien Aubert, député
      Publié le 27 janvier 2017 par maximetandonnet

      julien_aubert_deputeEDITO : Petites précisions sur les assistants parlementaires, avant que vous ne jetiez la première pierre…
      Je lis ici et là des réactions vives sur les révélations du Canard enchaîné concernant l’épouse de François Fillon. Dans le contexte abrasif de notre époque, marquée par la méfiance généralisée, cela se comprend parfaitement et je pense d’ailleurs que c’était exactement l’effet recherché par les informateurs du Canard. Je tiens cependant à préciser quelques points, pour ceux qui n’ont pas lu mon livre « Salaud d’Elu » (#salaudelu)
      – L’enveloppe collaborateur du député, qui lui sert pour fonctionner, a une origine publique mais cela n’est pas pour autant de « l’argent public ». Ce n’est pas l’origine des fonds qui lui donne son origine publique mais l’organe qui le distribue… Sinon le traitement d’un fonctionnaire ou la pension qu’on verse à un retraité seraient considérés comme de l’argent public, même après avoir été déposés sur leur compte en banque !! Je comprends bien pourquoi ceci peut paraitre discutable pour les citoyens mais je l’affirme. Preuve en est : la Cour des comptes ne contrôle pas l’usage de ces sommes, alors qu’elle est compétente pour tout usage de deniers publics – Elysée compris. En effet, si l’Assemblée est une institution publique, le député est considéré en revanche comme un employeur privé, avec des contrats de droit privé, et il est dans la même situation qu’un indépendant qui choisit – à son avantage ou à ses dépens – de travailler avec tel ou tel. Aussi choquant que cela puisse sembler – car les Français n’aiment pas le népotisme – si le député choisit de travailler avec son fils et que celui-ci est un incapable c’est tant pis pour lui. Au moment de l’élection, il risquera la faillite…41icro9a6kl-_sx308_bo1204203200_
      – Il est difficile d’évaluer le rôle de l’assistant parlementaire car chaque député a des besoins différents. J’ai des collègues qui ont des assistants qui répondent essentiellement au téléphone ou aux courriers ; d’autres ont des plumes ; d’autres des attachés de presse ou des conseillers politiques. En d’autres termes, tous ne produisent pas du papier…
      – Sur le caractère présumé fictif de l’emploi occupé, normalement vous y avez recours lorsqu’il s’agit d’augmenter sans le dire le revenu de quelqu’un, à moindres frais. Dans le cas de François Fillon, je vois mal pourquoi il se serait donné cette peine. A l’époque des faits, la non-consommation de l’enveloppe collaborateurs revenait de droit au deputé employeur. Dès lors si l’idée était d’augmenter son revenu, nul besoin de passer par sa femme : il suffisait de n’employer personne ! C’était tout aussi légal, et encore plus simple – il économisait au passage le cout des cotisations sociales prélevées sur la même enveloppe. En revanche, vu les horaires et la vie particulière que les députés mènent, certains salarient des membres de leur famille tout simplement pour pouvoir les voir.
      Voilà pourquoi avant de foncer tête baissée dans le beau scandale sorti à point nommé avant une élection capitale pour discréditer un candidat, il convient de réfléchir posément, d’attendre les éléments de justification de François Fillon sur le travail fait par sa femme et de bien comprendre toutes les implications de l’usage du crédit collaborateur. Je le dis d’autant plus sereinement que je n’ai jamais employé un membre de ma famille et que je milite pour une modification des règles d’emploi pour exclure les membres de la famille du député, afin d’éviter ce genre de polémique sans fin (j’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi sur les collaborateurs de collectivités territoriales). A l’ère du soupçon, un député qui emploie sa femme est forcément coupable, alors que celui qui vous donne un coup de pouce pour placer la vôtre est un mec bien.
      En parlant de soupçon, une dernière question pour alimenter la réflexion commune : qui pouvait avoir accès aux archives des contrat passés à l’Assemblée nationale par François Fillon, en dehors de son cercle, de manière à fournir au Canard des informations chiffrées très précises et des dates ? Et qui y avait intérêt ?

      Julien AUBERT

      • marc le 27 janvier 2017 à 19 h 25 min

        Chère Axa, cet argumentaire de Julien Aubert relayé par l’ami Tandonnet (bonne année, Maxime, si tu lis ces lignes !) ne me convainc absolument pas. J’y vois une accumulation de sophismes pour justifier l’injustifiable. Je viens d’entendre Elizabeth Lévy dire sur RTL que tout ça au fond n’est pas si grave… ce relativisme, ce cynisme me rendent personnellement malade. jusqu’où allons nous descendre ? Désolé, mais je le crois dur comme fer : quand on prétend représenter le pays en postulant à la magistrature suprême, quand par dessus le marché on donne des leçons de droiture à tout le monde, on doit être irréprochable. Je n’ai pas le moindre doute sur le caractère totalement bidon des deux emplois de madame Fillon. C’est du népotisme de la pire espèce, et ce qui est encore plus grave, c’est qu’apparemment Fillon ne se rend même pas compte de l’obscénité de son numéro de vierge outragée. Dans la plupart des démocraties dignes de ce nom, sa carrière politique sera d’ores et déjà terminée. Lui va sans doute finir à l’Elysée. C’est écoeurant…

        Amitiés

    • marc le 27 janvier 2017 à 19 h 40 min

      Bonjour Labolisbiotifool (La Baule ?)

      « solaire »… la coquille est corrigée :-)

      Vous avez le moindre doute sur le côté « renvoi d’ascenseur » de ce boulot de complaisance aux Deux Mondes ? Moi, pas une seconde !

      Concernant le salaire qui va avec, non, justement, ce n’est pas « son pognon » ! C’est un abus de bien social, comme le fait très justement remarquer l’avocat Régis de Castelnau dans le papier de Causeur que je vais tout à l’heure relayer sur La Plume :

      « La mention par le parquet financier de l’infraction « d’abus de biens sociaux » quant à elle, vise la « collaboration » de Madame Fillon à la Revue des Deux Mondes. Sur la réalité de laquelle pèse un très lourd scepticisme. J’ai beaucoup entendu qu’après tout M. de Lacharrière faisait ce qu’il voulait de son argent, privé par nature, et que si ça le chantait il pouvait payer la femme de l’ancien Premier ministre à ne rien faire. C’est faux et ça pose un sacré problème. Ce n’est pas l’argent de M. de Lacharrière, c’est celui de la société éditrice personne morale distincte de son patron personne physique. Et dont les dépenses doivent être conformes à l’intérêt et l’objet de l’entreprise tels qu’ils sont définis dans les statuts. Et la loi a donné au juge pénal le pouvoir de l’apprécier. Un salaire versé sans contrepartie de travail effectif est bien un abus de bien social. Surtout que le salaire d’un emploi fictif est une charge déductible aux conséquences fiscales, ce qui fait que non seulement les actionnaires sont lésés, mais le fisc aussi. »

      Amitiés

  3. Bluebair le 26 janvier 2017 à 20 h 08 min

    Article devastateur et magistral. Je partage.

    • marc le 26 janvier 2017 à 22 h 10 min

      Merci ma chère Bluebair ! Et quel plaisir de vous revoir ici !

      Bises

  4. Midred le 26 janvier 2017 à 19 h 44 min

    Ce pénélopegate me laisse de marbre car j’avais déjà presque renoncé à voter pour Fillon à la présidentielle. Je peux même dire qu’il me conforte dans ce renoncement. Cependant il y a une chose qui me gène, c’est la sortie de cette affaire précisément pendant la campagne présidentielle alors que des tas de gens devaient être parfaitement au courant, et ce depuis longtemps, sans oser le dire. Pourquoi ? Pour ménager l’ancien premier ministre, ou le futur président ? Qu’est-ce qui les a fait changer d’avis ? Ont-ils décidé brutalement de remplacer leur candidat naturel par le fringant Macron ? Tout cela me semble bizarre.

    • marc le 26 janvier 2017 à 22 h 09 min

      Chère Mildred,

      la date de sortie de cette affaire n’est évidemment pas un hasard : il s’agit bien entendu d’une peau de banane jetée sous les pieds du candidat de LR à la Présidentielle, mais c’est un grand classique du genre : les exemples de ce type de « choix fort opportun de calendrier » foisonnent dans notre histoire politique, et pour ce qui est simplement de la prochaine campagne de 2017, tout le monde savait que la « gôche » avait dans ses tiroirs judiciaires une campagne anti-Sarkozy pas piquée des hannetons, que Sarko en avait (sur des sujets toutefois nettement moins judiciaires) tout autant dans les poches à propos de Hollande, et qu’il avait de plus fait censurer en presse il y a très peu temps des infos sur la vie personnelle de Macron, façon « coming out » par la bande (si j’ose dire) pour pouvoir si besoin les laisser ressortir au meilleur moment pour lui. Il a pris la porte électorale, reste à savoir si cette dernière « bombe » explosera finalement bien (ou non) en pleine campagne à la tête du chouchou des médias… sans oublier les persécutions judiciaires lancées à l’échelon européen cette fois contre MLP et le Front National, dont il y a fort à parier qu’elles feront finalement pschitt comme d’habitude, mais dont nous n’avons pas fini d’entendre parler d’ici l’élection présidentielle !

      Mais tout cela ne me semble pas être l’essentiel dans cette pathétique histoire : non, l’important est de savoir si les soupçons d’emploi(s) fictif(s) de Pénélope Fillon sont avérés, ou non… personnellement, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet et je suis curieux de voir comme notre autoproclamé père La Vertu estampillé LR va se sortir de ce guêpier ! Pour Macron, j’espère que l’histoire de ses détournements de fonds ministériels aura le même effet sur sa candidature. On devrait assez vite le savoir !

      Bises et merci de votre (patiente) fidélité !

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