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Ce qu’Assad a dit à nos députés – Par André Bercoff

20 novembre 20150
Ce qu’Assad a dit à nos députés – Par André Bercoff 5.00/5 5 votes

Publié le : 19 novembre 2015

Source : Valeurs Actuelles

La rédaction de Valeurs actuelles était présente lors de la rencontre entre le président syrien et les parlementaires français. Récit.

De Gaulle avait bien de la chance : vers cet Orient compliqué, plus question de voler avec des idées simples. Du 11 au 14 novembre, une délégation, comprenant des membres de l’Assemblée nationale, des entrepreneurs, des intellectuels et des journalistes, s’est rendue à Damas, à l’initiative de l’association SOS Chrétiens d’Orient qui fait un remarquable travail d’aide et de solidarité avec les minorités persécutées par les islamistes de Dae’ch, notamment en Syrie et en Irak, ainsi qu’une action prolongée auprès des réfugiés syriens au Liban et en Jordanie. Le samedi 14, nous étions reçus en audience particulière par le président syrien, Bachar al-Assad. Les journalistes de Valeurs actuelles étaient les seuls à assister à une conversation avec les parlementaires, emmenés par Thierry Mariani.

Comment celui que l’on donnait pour mort et enterré il y a trois ans est-il devenu aujourd’hui un partenaire incontournable de la gigantesque partie d’échecs qui se joue entre les États-Unis, la Russie, l’Iran, la Turquie et l’Europe ? Il a essayé de nous l’expliquer. Soyons clairs : tout le monde sait que Bachar al-Assad n’est pas un petit saint, tant s’en faut, et qu’il a recouru, plus souvent qu’à son tour, à des méthodes expéditives contre ses ennemis et surtout contre les éléments de son propre peuple. Mais les plus résolus des adversaires du numéro un syrien sont aujourd’hui convaincus que, dans les circonstances présentes, son départ signifierait à court terme la “dae’chisation” ou la partition de la Syrie. L’on doit écouter Bachar sans forcément l’approuver.

Ce qu’il a dit en substance à la délégation française, c’est qu’il ne comprenait pas les deux poids deux mesures de notre gouvernement. Pourquoi décréter sanctions et embargo total envers son pays alors que l’on commerce et fraternise avec l’Arabie Saoudite, pays où l’on décapite deux fois par semaine et où l’on flagelle plus souvent qu’à son tour, pays qui empêche les femmes de conduire et autres joyeusetés du même acabit ? Chacun sait qu’en 1982 son père, Hafez al-Assad, avait éradiqué les islamistes de Hama, faisant plusieurs milliers de morts. Ce qui n’avait pas empêché, deux ans plus tard, François Mitterrand de venir en visite officielle en Syrie. « Je ne demande pas à François Hollande de m’aimer. L’amour, c’est ce qui se passe entre un homme et une femme. Cela n’a rien à voir avec les relations d’État à État, ajoute-t-il, je lui demande simplement de considérer les intérêts de la France. Entre Dae’ch et le régime syrien, il faut choisir. »

Je pense à Manuel Valls qui vient de déclarer que les attentats en France s’organisaient, se préparaient et s’initiaient en Syrie. À la question de savoir s’il pouvait y avoir coopération entre notre pays et le sien concernant le renseignement et l’échange d’informations, il répond :

« Comment voulez-vous qu’il y ait coopération à partir du moment où vous refusez tout autre contact, où il n’est pas question de rouvrir votre ambassade et encore moins de faire une déclaration reconnaissant l’actuel régime syrien comme légitime ? À partir du moment où Hollande et Fabius font de mon élimination une condition sine qua non, ils ne peuvent pas me demander d’échanger avec eux. En fait, leur contradiction profonde, c’est qu’ils combattent le terrorisme d’une main et le soutiennent d’une autre, en fournissant armes et matériel à une opposition qui n’a strictement rien de modéré et encore moins de laïc. Nous avons actuellement en Syrie 20 000 djihadistes étrangers qui combattent au sein de Dae’ch, d’Al-Nosra ou autre, et vous savez parfaitement bien qui les finance. »

Et Bachar al-Assad d’enchaîner sur la question de la laïcité: « Les deux piliers du Moyen-Orient sont l’arabisme et l’islam. Comme des millions de mes compatriotes, je suis nationaliste arabe et laïc. Je vous le dis franchement : je me sentirai toujours plus proche d’un chrétien syrien que d’un musulman indonésien. L’Occident a combattu de toutes ses forces la nation arabe : aujourd’hui, elle a en face d’elle l’islamisme wahhabite et nous en payons tous le prix

André Bercoff

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