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Petits et grands requins de la télé : 1ère partie – Par E&R

14 mars 20150
Petits et grands requins de la télé : 1ère partie – Par E&R 5.00/5 4 votes

Publié le : 11 mars 2015

Source : egaliteetreconciliation.fr

Partie 1 : Achtung, Fogiel revient !

Tous aux abris ! Le donneur de leçons d’antiracisme condamné pour injure à caractère raciste revient après avoir échoué à la télé, puis à la radio. La question que peut se poser un esprit malveillant guidé par la jalousie serait : comment fait-il pour revenir sur le service public là où il a échoué et où il a été condamné, alors que d’autres n’ont jamais eu de troisième chance, sans même parler de seconde ?

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 Bonne question de Paul, éleveur de chiens du côté de la Bretagne. Paul n’a pas droit à l’erreur : si Paul vend à une petite fille un chiot mal élevé, mal nourri, et maltraité, il va se faire tailler en pièces. Au Fogieland, c’est différent : on a le droit de se planter dans tout ce qu’on fait, on a même un permis pour ça, le « permis de se planter ». Comme James Bond a un permis de tuer. Au Fogieland, si tu foires ici, on ne te dégrade pas, on te replace là, et tout est oublié, effacé. Pardonné. On est chrétien, au Fogieland, mais sans l’être vraiment. On prend le bon côté du christianisme – le pardon – juste pour effacer son ardoise. Et ceux qui ne sont pas contents, qu’ils aillent se faire voir au Dieudoland !

Pour étayer un peu cette présentation mi-ironique, mi-sociologique, sachez que Marc-O, son surnom dans le milieu, a obtenu un chèque de 130 000 euros pour chaque émission et ce, pour une demi-saison (février-juin), soit 20 numéros pré-achetés. Ceux qui connaissent un peu la télé savent qu’un tel budget correspond à une émission de flux lourde, de type Grand Journal à ses débuts. Avec de gros invités, un gros plateau, un gros travail journalistique derrière (même si c’est pour pondre des banalités bobo-socialistes), de gros chroniqueurs, et un énorme animateur (Denisot à l’époque). Là, dans Le Divan version Fogiel, aussi crédible en psy que Dany Boon en philosophe talmudique, normalement, pour 70 minutes avec quelques archives, 20 000 euros suffiraient largement. Et encore, en comptant large. Une petite chaîne un peu radine comme France 3 ferait la même chose pour 15 000, soit un dixième du prix. Justement, on est sur France 3. Donc il y a un os. Ou autre chose.

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L’émission est produite par Rachel Kahn, madame JFK à la ville, grande manitou des magazines pour la chaîne publique. Après avoir dirigé les magazines et le divertissement en interne, elle travaille désormais en indépendante. Rachel dispose d’un nez certain pour les programmes – c’est elle qui a proposé Ce Soir ou jamais, malgré l’amitié que Taddeï voue à Nabe – et visiblement, son avis pèse. Sur le site de Etlasuite, le nom de la boite de Rachel, qui a déjà produit ONPP en 2005-2008, on apprend que « France 3 enrichit l’offre de ses soirées axées sur la culture populaire et renoue avec un rendez-vous original, offrant à ses téléspectateurs un moment de confidences avec de grandes personnalités ». Or les confidences d’une « star » sur un divan rouge à 23h15 le mardi soir, ce n’est pas ce qu’on peut appeler un format populaire. Plus belle la vie est un feuilleton populaire : léger, digeste, inepte, parfait pour la ménagère le soir à 20h20. Ça lui vide la tête, ça l’évade (pas bien loin et pas bien haut, mais ça a l’air de suffire, vu les scores de la série et sa longévité, puisqu’on en est au 2700ème épisode). Populaire pour Fogiel n’est dont pas un argument, surtout que l’animateur n’a jamais figuré parmi les Français les plus populaires. Alors, pourquoi ce chèque disproportionné ?

Réponse de Dana Hastier, la directrice de France 3, invitée le 28 février sur Le Tube, l’émission média de Daphné Bürki sur Canal+ :

« Marc-Olivier Fogiel s’intègre très bien dans notre ligne éditoriale : nous sommes la chaîne de la culture populaire et de l’Histoire… Et pour mieux exposer ce nouveau programme, j’ai demandé de réduire la durée du Grand Soir 3 de dix minutes le mardi. De plus, avec Marc-Olivier Fogiel, nous réfléchissons à la déclinaison de quelques prime-time dans l’année avec des invités prestigieux. Je compte sur lui pour rajeunir en partie notre public. »

Va pour le rajeunissement. Mais alors, pourquoi ne pas choisir un jeune animateur qui monte, plutôt qu’un animateur condamné pour racisme qui descend ? C’est là que Dana précise les raisons de ce coûteux transfert :

« Je pense que c’est avec des passeurs comme Marc-Olivier Fogiel qu’on peut avoir des invités politiques et des grands comédiens et bientôt aussi des intellectuels des écrivains donc, voilà, mais des gens qui sont quand même connus du grand public et que le grand public a envie de découvrir. »

Des gens déjà connus que le grand public à envie de découvrir ? En vérité, au lieu de raconter des salades sur une émission inutile, Fogiel est acheté comme un David Beckham au PSG, même si Fogiel n’a pas marqué de buts – comprendre points d’audience – depuis longtemps. À l’instar de Lapix sur France 5, qui reçoit des invités prestigieux chaque fin de journée, la chaîne a besoin d’un « passeur », autrement dit d’un « public relation », qui valorise la chaîne qui l’emploie. Dit comme ça, c’est moins prendre les téléspectateurs pour des enfants, c’est aussi entrer dans la machinerie de la télévision, qui fait avant tout de l’image, et de l’image sur l’image.

Jean-Marc Morandini :

« Mais pourquoi aller chercher Marc-Olivier Fogiel pour une troisième partie de soirée ? C’est une des priorités ? Vous dites que vous avez des problèmes d’argent, c’est étonnant d’aller investir dans une troisième partie de soirée ? »

Dana Hastier :

« Parce que je pense qu’il faut donner des signaux, que la chaîne bouge, qu’elle ne, euh, elle souhaite garder son socle d’audience, qui est celui de, que l’on sait, plutôt âgé, mais que Plus belle la vie, Ludo, euh, le documentaire, montrent qu’un autre public peut venir sur cette chaîne, plus jeune, plus CSP+, plus urbain et donc c’est de montrer que cette chaîne s’adresse à tous et pas seulement aux plus de 70 ans. » (Le grand direct des médias, Europe 1, le 10 septembre 2014)

On a l’air de critiquer, comme ça, mais la décision de faire venir un vieux buteur à France 3 a du sens, d’un point de vue industriel : la chaîne achète de l’image, de la reconnaissance, de la couverture média (le reportage du Tube nous informe que « l’émission a été globalement bien accueillie par la presse »), elle prépare un programme fort (on peut s’attendre à un talk-show Fogiel à la rentrée 2015-2016), elle montre qu’elle a les crocs, qu’elle peut réaliser un gros transfert, qu’il faut compter avec elle, bref, qu’elle n’est pas morte. Parce que beaucoup donnent la chaîne publique des régions pour condamnée. Le budget de l’émission, sans commune mesure avec son contenu (et avec les niveaux de la chaîne), comme les prestations de Beckham avec le PSG, est donc un signal fort (cher) envoyé aux autres chaînes et aux médias. Nous saurons dans un an si ce sacrifice a payé. En attendant, nous vous proposons le niveau réel des salaires des animateurs télé. Ceux qui souffrent de la crise sont dispensés de la lecture qui suit.

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Hervé Mathoux : « La Coupe du Monde en Russie chez Vladimir Poutine ça ne plait pas vraiment aux défenseurs de la démocratie, ça ne plaît pas aux Pussy Riots, le groupe de punk rock féminin, féministe également, dont trois des membres ont connu récemment les geôles des camps de travail, et pour la première fois, les Peussy Riots prennent la parole sur le thème de la Coupe du Monde en Russie, c’est au micro de Raphaël Domenach. »

Nous avons ciblé les animateurs et chroniqueurs qui utilisent leur tribune pour passer des messages politiques, directs ou indirects. Exit donc Castaldi, Aliagas et tous les bateleurs de l’écurie TF1, qui ne sortent jamais du divertissement. Nous avons inclus les animateurs Canal, qui ont cette particularité de véhiculer une idéologie bien précise, même pendant les émissions de foot. Par exemple, sans qu’on ne leur demande rien, les responsables du Canal Football Club diffusent, cinq jours avant l’ouverture des JO de Sotchi (7-23 février 2014), le clip des Pussy Riot contre ces mêmes Jeux…

On critique les hommes politiques, mais les vrais cumulards sont les animateurs télé. Au-delà de toutes leurs apparitions récurrentes en télé, ils « doublent » souvent avec une émission radio, car ce sont d’abord des voix que les patrons des chaînes viennent chercher (Delarue, Drucker, Hondelatte). Ensuite, ils sont très bien payés. Car ils attirent et fidélisent le téléspectateur, et donc les annonceurs, mais surtout parce qu’ils sont uniques. Le balayeur est mal payé parce que tout le monde peut balayer une rue.

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Quand Laurence Ferrari touche 70 000 € par mois pour présenter le 20 Heures de TF1, c’est parce qu’il n’y a qu’une Laurence Ferrari, se justifie le patron de la chaîne privée à l’époque. Depuis, elle a été remplacée par un présentateur un peu moins star, mais un peu plus sobrement journaliste. Qui ne partira pas en week-end avec le président de la République copain de Martin Bouygues, le propriétaire de TF1 qui n’est pas mort.

Près de 30 ans après le scandale de La Cinq (1985) et 20 ans après celui des « patates » (1996), ces animateurs débauchés par Berlusconi puis ces animateurs-producteurs débauchés par Elkabbach, alors patron du service public télévisuel, un scandale révélé par le député de droite Alain Griotteray et relayé par les Guignols de l’Info, rien n’a changé dans le PAF : les émissions sont produites dans leur écrasante majorité par de grosses sociétés de production (Endemol France, Fremantle, Banijay de Stéphane Courbit), qui ont besoin de personnalités populaires les moins clivantes possible. Alors que l’extinction menace les dinosaures Drucker, Denisot et Ardisson, le mammifère qui monte s’appelle Laurent Ruquier.

Ce cumulard apolitique (de gauche, mais quand on a réussi on cache sa droite) touche dans tous les domaines dits culturels : production, one man show, théâtre, DVD, livre, télé, radio, et SACD. Il gagnait 50 000 € par mois sur Europe1 pour animer On va s’gêner, il gagne au moins la même chose sur RTL avec Les Grosses Têtes ; il vendait en société sa quotidienne L’Émission pour tous 100 000 € à France 2, somme sur laquelle il prélevait un « droit de format » allant de 10 000 à 15 000 € par jour (15 000 par exemple pour On n’a pas tout dit, qui ne restera pas dans les anales), il refourgue de la même façon son hebdo On n’est pas couché 188 000 € toujours à France 2 ; ses poulains Michaël Gregorio et Gaspard Proust remplissent les salles, il est copropriétaire (avec une mise de 4 millions d’euros) du théâtre Antoine avec le puissant Dumontet dans lequel il fait jouer ses propres pièces, qui cartonnent souvent ; ses livres tirés de ses chroniques (vendues deux fois, donc) lui assurent de substantiels droits d’auteur au Cherche-Midi ou chez Plon-Europe 1 (15 à 20 000 ventes en moyenne), sans oublier les droits reversés par une société d’auteurs (du type SACD) à chaque vanne, même lourde, placée en télé (en radio, c’est dix fois moins rémunéré).

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 Mais surtout, Laurent Ruquier fait vivre une armée d’humoristes, chroniqueurs, comédiens, personnalités, qui lui doivent leur survie médiatique. Pour info, à l’époque de On a tout essayé, si France 2 faisait un chèque de 20 millions d’euros par an à Laurent (enfin, sa boîte de prod), la chaîne engrangeait dans le même temps 42 millions de recettes publicitaires. OATE, une émission arrêtée parce qu’elle penchait un peu trop à gauche. Sa dernière quotidienne qui a marché, On n’demande qu’à en rire, était facturée moins cher, 50 000 € « seulement ». Ce qui est déjà conséquent pour une émission tout en plateau, sans décor véritable ni sujet vidéo. Uniquement des sketches payés 2 à 300 € aux jeunes ou nouveaux comiques. Alors, où va l’argent de Ruquier ? Dans ses chroniqueurs, jurés (Benguigui), et autres intervenants récurrents : Bénichou, Bak, Boulay, Bravo… Payés royalement pour dire des conneries et amuser les Français en télé et en radio. Steevy, avec deux chroniques par semaine dans OATE, pouvait toucher 12 000 € par mois sans les droits d’auteur.

Les membres de « la bande à Ruquier » touchent entre 1 000 et 2 000 € par prestation, hebdomadaire ou bihebdomadaire. Jean-Jacques Bourdin avait demandé 5 000 €, lors du mercato du remplacement de Zemmour et Naulleau. Finalement, c’est Polony et Pulvar qui auront le job, Polony ayant confirmé qu’elle gagnait 1 400 € par semaine. Depuis, remplacée par Léa Salamé, elle est partie toucher la même somme, mais par jour, au Grand Journal, soit 30 000 € par mois pour injecter un peu de sang neuf de droite dans une émission qui s’enfonçait elle aussi un peu trop à gauche.

On allait oublier : c’est Ruquier qui écrit les pièces jouées par ses chroniqueurs dans son théâtre, dont il fait la promo pendant ses émissions. Un statut d’auteur qui peut lui rapporter jusqu’à 500 000 € par an. Rien ne se perd !

Ruquier a enterré Ardisson, mais question salaires, personne ne fait pas mieux que les animateurs de Canal+, la chaîne la plus riche du PAF, et premier groupe média français.

Ne manquez surtout pas la deuxième partie, avec tout sur Le Petit Journal Affamé, qui dévore son grand frère, Le Grand Journal Fatigué !

E&R

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