Economie

L’Allemagne, embourbée dans la monstrueuse dette ukrainienne, appelle la Russie à l’aide – Par Alexander Mercouris

22 décembre 20140
L’Allemagne, embourbée dans la monstrueuse dette ukrainienne, appelle la Russie à l’aide – Par Alexander Mercouris 5.00/5 3 votes

Publié le : 21 décembre 2014

Source : vineyardsaker.fr

Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, a dit qu’il avait appelé son homologue russe, Anton Siluanov, pour lui demander de reconduire un prêt de 3 milliards $ que le Kremlin avait conclu avec Kiev l’année dernière. Selon le Fonds monétaire international, l’Ukraine est en effet à quelque semaines de la faillite. D’une main, elle demande une aide financière à la Russie, et de l’autre elle bombarde des Russes ethniques dans l’Est de l’Ukraine, sanctionne l’économie russe… Le trou noir des finances de l’Ukraine est en train de peser politiquement sur les leaders de l’Union européenne. L’Union européenne demande de l’austérité de l’Ukraine, tandis que la population lutte avec la pauvreté grinçante, avec une économie qui s’effondre. La politique de l’Union européenne vis à vis de la Russie est tellement mal pensée, qu’elle menace de s’écrouler sous ses contradictions.

Comme un article publié dans le Financial times le montre [1], l’économie de l’Ukraine commence à s’écrouler, le Fonds monétaire international (FMI) admettant maintenant que l’Ukraine a besoin  de 15 milliards $ supplémentaires d’ici quelques semaines, un montant au-dessus de l’argent déjà donné pour éviter l’écroulement total.

Cette déclaration est venue après qu’on eut appris que les réserves de change de la Banque centrale ukrainienne sont passées en-dessous de 10 milliards $.

Avant la fin de l’année, L’Ukraine doit payer 1,6 milliard de $ supplémentaires sur ces réserves, pour assumer sa part de l’accord gazier que l’Union européenne a négocié entre l’Ukraine et la Russie, le 30 octobre 2014.

Cela va à nouveau faire baisser les réserves de change de la Banque centrale, à des niveaux encore plus critiques.

Parallèlement, Gazprom a déclaré que, malgré l’achat récent par l’Ukraine de 1 milliard de m3 de gaz à la Russie, les réserves de gaz totales de l’Ukraine sont proches des niveaux critiques, mettant en danger le transit de gaz russe vers l’Europe.

L’article expose cependant quelque chose d’autre, qui est peut-être encore plus important.

Les deux derniers paragraphes montrent que Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, a été obligé de téléphoner à Anton Siluanov, le ministre des Finances russe, pour lui demander de ne pas recouvrer la créance de 3 milliards $ de la Russie, qui devient automatiquement remboursable quand la dette de l’Ukraine excède 60 % de son Produit intérieur brut, quelque chose dont tout le monde sait que c’est maintenant le cas.

L’article dit aussi que « George Osborne, le ministre des Finances britannique, selon les dires des participants, a exprimé sa surprise face à cette requête, en disant que l’Union européenne demandait maintenant l’aide de la Russie en même temps qu’elle impose des sanctions au Kremlin pour ses actions en Ukraine. »

Autrement dit pour sauver l’Ukraine (et leurs propres réputations politique) les dirigeants européens sont maintenant forcés de se tourner vers la Russie pour obtenir de l’aide, ce même pays qu’ils accusent d’invasion et de déstabilisation en Ukraine et qu’ils ont sanctionné.

Cela s’explique par le contexte : la Russie est le plus grand créancier de l’Ukraine, étant donné que l’Ukraine doit à la Russie environs 35 milliards $. L’argent que le FMI donne à l’Ukraine finit donc inévitablement dans les poches de la Russie, en remboursement de ses créances.

Comme nous l’avons précédemment relaté, un autre article du Financial Times [2] a confirmé ce que beaucoup ont soupçonné, à savoir que les puissances occidentales ont cherché des excuses pour justifier le non respect des engagements de l’Ukraine sur sa dette russe, en prétendant qu’elle n’était pas en défaut. Les puissances occidentales ont été terriblement frustrées de découvrir que les Russes avaient été extrêmement prudents dans les conditions de leurs prêts envers l’Ukraine, lequelles contiennent des clauses totalement irréfutables. Il est donc impossible de dénoncer ces engagements.

Maintenant, les transferts d’argent supplémentaire vers l’Ukraine en provenance de l’Ouest deviennent si importants, et surtout sans limites, qu’on arrivera bientôt (si ce n’est déjà fait) au point où ils devront être autorisés par les parlements nationaux, avant de pouvoir être légalement accordés, surtout s’ils sont de l’ordre des 15 milliards $ dont parle le FMI.

En période d’austérité économique, cela risque d’être difficile à faire, surtout lorsqu’il sera connu que l’intégralité, ou presque, de cet argent finira dans les mains de Moscou. A minima, cela pourrait contraindre les gouvernements occidentaux à devoir répondre à des questions sérieuses posées au sein de leurs parlements à propos de leur politique envers l’Ukraine, des questions que les gouvernements préféreraient ne pas s’entendre poser, et surtout auxquelles ils préféreraient ne pas avoir à y répondre.

Le résultat est que les gouvernements occidentaux se tournent maintenant vers la Russie pour obtenir de l’aide, car, comme c’était évident depuis le début, c’est seulement avec l’aide de la Russie que l’Ukraine peut être stabilisée politiquement et économiquement.

En même temps, comme le montrent les commentaires récents de Merkel [3],  ils ne veulent faire aucune concession à la Russie sur l’Ukraine, ou modifier leur politique là-bas.

C’est l’illusion dont souffre la politique ukrainienne de l’Ouest, depuis que les pourparlers de l’accord d’association de l’Ukraine avec l’Union européenne ont démarrés.

L’Ouest veut que l’Ukraine suive une ligne pro-Ouest, pro-Union européenne et anti-Russie. En même temps, ils veulent et s’attendent à ce que la Russie paie les factures. Ils sont alors déconcertés et fâchés, quand la Russie dit non.

Bien que la Russie continue de dire non, ils refusent de prendre ce non pour une réponse. Au lieu de cela, ils menacent, décident de davantage de sanctions, diffament et agressent les dirigeants russes, dans ce qui ressemble à un espoir de plus en plus désespéré que cette attitude forcera la Russie à reculer et à changer de politique.

Quand ça marche pas, ils ressemblent à des tricheurs qui veulent jouer aux cartes… mais, sans cartes.

Le dernier rapport du FMI montre que cette politique illusoire n’est pas loin du crash.

Le Fonds monétaire international a identifié un déficit de 15 milliards $, dans son plan de sauvetage d’une Ukraine déchirée par la guerre. Il a averti les gouvernements occidentaux que, pour éviter l’écroulement financier, ce trou devra être comblé d’ici quelques semaines.

Les calculs du FMI mettent à  nu l’état périlleux de l’économie ukrainienne et font allusion au fardeau financier que représente le soutien à  Kiev, dans son combat au sein de ses régions orientales contre les rebelles séparatistes soutenus par la Russie.

L’argent supplémentaire nécessaire s’ajouterait  aux 17 milliards $ du sauvetage annoncé par le FMI en avril 2014, qui était censé durer jusqu’à 2016. Les hauts-fonctionnaires occidentaux impliqués dans les pourparlers ont dit que le support est tiède pour une augmentation aussi important,e au moment où  Kiev  traîne les pieds pour mettre en œuvre les réformes économiques et administratives exigées par le programme.

« Ce ne sera pas facile », a dit un fonctionnaire participant aux pourparlers. « Il n’y a pas tant d’argent que ça par ici. »

Des gens informés des raisons de l’avertissement du FMI ont dit que le trou fiscal s’est élargi à cause d’une contraction de 7 % du produit intérieur brut de l’Ukraine et d’un écroulement des exportations vers la Russie, le plus grand partenaire commercial du pays, donnant lieu à une fuite massive de capital et à une chute rapide des réserves de la Banque centrale ukrainienne.

Avant le début des hostilités, les régions de l’est qui se sont détachées comptaient pour 16 % du PIB de l’économie ukrainienne .

Sans aide supplémentaire, Kiev devra massivement réduire son budget ou être forcé au défaut sur les obligations de sa dette souveraine. Depuis que le programme de sauvetage a commencé en avril, l’Ukraine a reçu 8,2 milliards $ de financement, de la part du FMI et d’autres créanciers internationaux.

Pierre Moscovici, le chef de l’économie au sein de l’Union européenne, a dit que la Commission européenne réfléchissait à un troisième programme d’aide d’urgence, en plus de celui de 1,6 milliards € déjà promis à Kiev. Le gouvernement ukrainien a en effet  demandé un supplément de 2 milliards € à Bruxelles.

Mais Pier Carlo Padoan, le ministre des Finances italien, qui a présidé une réunion sur la situation financière de l’Ukraine avec ses homologues de l’Union européenne mardi 9 décembre, a dit que les ressources de l’Union européenne devraient seulement être mobilisées si Kiev faisait un effort plus important pour mettre en œuvre les réformes demandées.

Durant une réunion de son cabinet à Kiev, le Premier ministre de l’Ukraine, Arseni Iatseniouk, a insisté sur le fait que son gouvernement était prêt à mettre en place des mesures impopulaires, y compris des coupes profondes dans les dépenses, ainsi que des mesures de répression contre l’économie fantôme massive, et qu’il se préparait à déréguler l’économie non compétitive du pays.

« C’est dur de joindre les deux bouts par nous-mêmes », a dit M. Iatseniouk. « Nous ne mendions pas l’argent, nous ne nous plaignons pas. Nous disons : nous sommes des partenaires. Si nous sommes des partenaires, alors aidez-nous et cette aide ira dans les deux sens. »

Sous les règles de FMI, les fonds ne peuveut pas être distribués, à moins d’avoir une certitude que le pays peut respecter ses obligations de financement pendant les douze mois suivants. Cela signifie que le fonds ne va probablement pas pouvoir envoyer d’argent supplémentaire à Kiev, tant que le trou de 15 milliards $ n’est pas comblé.

L’ampleur du problème est devenue plus claire la semaine dernière, après que la banque centrale de l’Ukraine a révélé que ses réserves en devises étrangères étaient passées de 16,3 milliards $ en mai, à juste 9 milliards $ en novembre. Les données ont aussi montré que la valeur de ses réserves d’or avait baissé de presque la moitié, au cours de la même période.

Une personne ayant une connaissance directe de la politique de la Banque centrale a dit qu’une partie de la baisse était due aux ventes d’or à grande échelle.

Une mission du FMI est actuellement à Kiev pour des pourparlers avec le gouvernement sur l’avenir du programme.

Selon deux personnes qui étaient présentes à la réunion de l’Union européenne, la préoccupation sur l’état des finances ukrainiennes est devenue si sérieuse, que Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, a dit qu’il avait appelé son homologue russe, Anton Siluanov, pour lui demander de reconduire un prêt de 3 milliards $, que le Kremlin avait conclu avec Kiev l’année dernière.

George Osborne, le ministre des Finances britannique, a exprimé sa surprise face à cette requête, disant que l’Union européenne demandait maintenant l’aide de la Russie, en même temps qu’elle imposait des sanctions au Kremlin pour ses actions en Ukraine.

Alexander Mercouris

Traduit par Jefke, relu par JJ, pour vineyardsaker.fr

Source originelle : Germany, Stuck with Massive Bill for Ukraine, Asks Russia for Help (russia-insider.com, anglais, 11-12-2014)

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[1] IMF warns Ukraine bailout at risk of collapse (Financial Times, anglais, 9/12/2014)

[2] How Russia outmanoeuvred the west in Ukrainian finance (Financial Times, anglais, 28/11/2014)

[3] Merkel Digs Own Grave (Russia Insider, anglais, 8/12/2014)

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