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Entretien avec Michel Drac

3 mars 20140
Entretien avec Michel Drac 5.00/5 4 votes

Publié le : 24 février 2014

Source : vudefrance.fr

VdF : Bonjour. Pourriez-vous prendre la peine de vous présenter ?

MD : J’ai 45 ans, je suis diplômé d’école de commerce et j’ai exercé depuis 21 ans le métier de contrôleur de gestion, d’abord dans une direction financière, puis au sein d’un service ingénierie. Mon expérience me prédispose donc à percevoir prioritairement les aspects économiques, particulièrement sous l’angle des problématiques logistiques et industrielles. J’ai toujours tenté d’en tirer parti pour intégrer cette sensibilité particulière dans un tableau d’ensemble des problématiques abordées, afin de ne pas tomber dans l’erreur classique des économistes, qui ont tendance à ne voir que ce qu’ils regardent.

VdF : Pour quelles raisons avez-vous décidé de vous engager dans le combat intellectuel ?

MD : Parce que je ne trouvais pas dans « l’offre intellectuelle » existante certaines des réponses que je cherchais. Je suis quelqu’un, je crois, d’assez pratique. Disons que je suis naturellement tourné vers l’action en vue du résultat. A un certain moment, je me suis demandé : bon, alors, que faire ? Et j’ai réalisé que personne ne me proposait de plan d’action. J’ai donc décidé de réfléchir pour en construire un.

VdF : Quels sont les objectifs de votre maison d’édition ? Quels sont vos futurs projets d’édition ?

MD : J’ai cofondé les éditions du Retour aux Sources avec plusieurs personnes, et je ne peux pas m’exprimer en leur nom. Il est à noter à ce propos que je ne suis pas le gestionnaire de cette structure ; je ne suis qu’un associé parmi d’autres – même s’il est vrai qu’à l’origine, j’ai lancé en partie l’idée.

En ce qui me concerne, l’objectif prioritaire était tout simplement d’être publié sans avoir à passer sous les fourches caudines du milieu assez particulier de l’édition. C’était aussi l’occasion de construire un groupe de réflexion autour de la maison d’édition.

J’ai la conviction qu’aujourd’hui, la liberté ne se construit ni dans, ni contre le système d’ensemble constitué par le continuum institutionnel. Elle se construit en dehors, à côté. La maison d’édition était un moyen parmi d’autres de se situer à côté.

VdF : Vous organisez en mars 2014 à Paris, une conférence sur le thème de l’ingénierie sociale. Pourriez-vous nous en dire plus ?

MD : Dans le cadre de mes diverses activités, j’ai été amené à fréquenter Lucien Cerise, un des auteurs de l’excellent « Gouverner par le chaos ». Il apporte une expertise très utile sur les questions relatives au management des perceptions.

Il devient nécessaire de diffuser massivement la culture associée à cet ensemble de techniques. Un dissident qui a compris ce qu’est l’ingénierie des perceptions ne laissera plus les spécialistes opérer cette ingénierie sur ses propres perceptions. Comprendre comment on peut être manipulé, c’est déjà pratiquement cesser d’être manipulable. Ou en tout cas, c’est l’être beaucoup moins.

VdF : Les dominants entendent contrôler les peuples par différentes solutions. Une envisagée serait l’implantation d’une puce électronique dans le corps humain. Info, intox, progrès, danger ?

MD : Qui sont « les dominants » ? A supposer qu’on puisse les désigner précisément, dans quelle mesure peut-on connaître leurs projets ? Et d’ailleurs, dans quelle mesure ont-ils des projets exactement déterminés ? Vaste débat…

Ce qui est clair, c’est que le système de contrôle déployé par les classes supérieures est aujourd’hui traversé par un certain nombre de leitmotivs qui tournent parfois à l’obsession : transparence, traçabilité, archivage-mémorisation systématique en temps réel. Au départ, ces techniques de gestion, qui sont désormais envisagées dans l’espace social, viennent souvent de l’industriel. Il est d’ailleurs fréquent que leur déploiement à des fins sécuritaires soit opéré dans la continuité d’un projet logistique.

Il est difficile de dire s’il s’agit d’un tropisme spontané produit par le système de management, ou s’il y a un projet délibéré global. Pour le dire autrement : est-ce l’esprit mécaniste qui surdétermine la conception que la classe dirigeante semble se faire du contrôle social, ou cette conception est-elle à l’origine du déploiement des projets de contrôle logistique, simple prétextes ? La question mérite d’être posée, parce que nous sommes en présence d’un système global qui autorise des gaspillages monstrueux, mais qui, par ailleurs, déploie fréquemment les systèmes de suivi industriels prétendument pour garantir le zéro gaspillage. Paradoxe qui doit nous mettre la puce à l’oreille.

VdF : Que pensez-vous du complotisme ? Considérez-vous que le complotisme nuit à la compréhension des événements politiques et historiques ou au contraire qu’il les éclaire ?

MD : Rappelons tout d’abord ce qu’est le complotisme.

Les défenseurs du concept ont tendance à le présenter comme « le fait d’admettre l’existence des complots ». Ses adversaires ont plutôt tendance à le définir comme « le fait de voir des complots partout ». D’où un débat sans intérêt entre gens qui ne parlent pas de la même chose.
Pour ma part, je définirais le complotisme comme un biais cognitif consistant à présupposer que derrière une évolution coordonnée sans structure de coordination visible, il y a nécessairement une structure de coordination invisible. C’est oublier que la coordination peut résulter d’un phénomène spontané, produit par les acteurs coordonnés au fur et à mesure que leurs trajets propres se croisent ou s’influencent mutuellement – phénomène qui a de fortes chances d’être observable dès lors que les acteurs partagent en outre un mode de pensée, ou plus simplement un ensemble de préoccupations.

Il existe d’ailleurs un biais inverse, qu’on pourrait nommer l’anticomplotisme, et qui consiste à présupposer que s’il n’y a pas de structure de coordination visible, c’est qu’il n’y en a pas du tout. Ce qui, là encore, est omettre une possibilité.

Personnellement, j’ai l’habitude, quand on me présente une analyse faisant état de la théorie du complot, pour la valider ou au contraire pour la réfuter, de tester le discours en essayant de le reformuler mathématiquement. Soit la proposition P, soit la proposition P’, peut-on écrire, en utilisant les symboles propres à la logique mathématiques, une relation entre P et P’ débouchant sur P’’ ? Si non, hum, il y a un problème.

VdF : Des personnes qui se revendiquent dissidentes confèrent sur le mondialisme. Pourriez-vous nous en dire plus ? Est-ce vraiment une menace comme elles le disent ?

MD : Beaucoup de gens parlent du mondialisme, et toutes ne donnent pas la même définition du concept. Je ne sais pas de qui vous parlez.

Pour ma part, j’emploie le mot pour décrire l’idéologie qui voudrait que l’avenir de l’humanité ne puisse être assuré que par un gouvernement mondial coordonné par des classes dirigeantes échappant de facto à la sanction du suffrage universel. Le type achevé du mondialiste me semble être, en France, Jacques Attali.

Cette définition m’amène à inclure dans le mondialisme plusieurs sous-idéologies légèrement différentes :
- Le mondialisme unificateur par un gouvernement mondial géographiquement localisé, dont Attali se fait le chantre en évoquant Jérusalem, capitale du monde.
- Le mondialisme unificateur par une gouvernance globale animée indirectement par les marchés financiers, dont le sieur Soros semble être en pratique un des agents les plus actifs.
- Un mondialisme moins unificateur, plus ambigu en tout cas dans son rapport à l’unification des structures de pouvoir, dont la Commission Trilatérale est apparemment le principal porteur.

Les deux premiers mondialismes semblent assez clairement organisés par et autour des structures de coordination incubées par la diaspora juive à travers l’hémisphère occidental. Le troisième, bien qu’il compte parmi ces têtes pensantes des personnes issues du monde juif, est beaucoup moins connecté à ce monde. Il est issu, me semble-t-il, d’un ensemble de milieux divers, avec une forte composante protestante, et là je pense, bien sûr, à la famille Rockefeller.

A la différence de beaucoup d’analystes, j’ai tendance à penser que ce troisième mondialisme est, à long terme, le seul capable de proposer une solution de gestion adaptée à la planète. Le premier mondialisme est trop judéo-centré. Il aura du mal à fédérer les hyperclasses des principaux pôles de puissance. Le deuxième mondialisme est trop lié à un pouvoir financier dont on oublie un peu vite qu’il n’est construit au fond que sur une captation illégitime de l’outil de création monétaire – une base de puissance colossale, mais qui peut être remise en cause du jour au lendemain.

Le mondialisme occidentalo-centré d’un Zbignew Brzezinski est plus subtil ; il est fondamentalement politique, et il est porteur d’un schéma de déploiement géostratégique crédible, sinon aisé. L’Amérique pour dominer un axe 1+1 Europe/USA, le Japon dans le flanc de la Chine, et l’ensemble pour contenir l’influence russe jusqu’à ce que les circonstances permettent de prendre le contrôle du cœur eurasiatique. Restera ensuite à négocier avec Pékin l’intégration de la Chine dans un rôle subalterne, ce qui constituerait le couronnement du projet.

Je pense que cela ne se fera pas. La vitesse du déclin occidental est probablement trop rapide pour laisser le temps de conduire le projet avant que la bascule de puissance ait lieu entre monde atlantique et Asie. Mais la probabilité de succès n’est pas dérisoire. Disons : un peu inférieure à une chance sur deux.

C’est pourquoi, sans tomber dans le complotisme, j’ai tendance à « surveiller » ce qui se passe au niveau de la Trilatérale. Même si d’autres structures, comme le Bilderberg ou les diverses institutions onusiennes par exemple, ont aussi leur importance. Et même si, bien sûr, la convergence des hyperclasses vers une hyperclasse mondiale n’est pas nécessairement le résultat d’un complot : elle est aussi, le produit d’un tropisme logique.

VdF : Selon vous, l’« affaire Dieudonné » est-elle le prélude à la mise en place d’une dictature de la pensée ? Ou au contraire celle-ci est-elle déjà présente depuis des années ? Ou bien cette affaire Dieudonné montre-t-elle une accélération d’un processus de domination ? Enfin toute cette agitation médiatique ne prouve et ne démontre rien, si ce n’est l’incapacité des dirigeants politiques. Qu’en pensez-vous ?

MD : Je pense que si le ridicule tuait, il y aurait eu beaucoup de morts récemment en France ! Que penser d’un pays dont l’industrie implose, dont les finances publiques sont ruinées, dont la diplomatie sombre dans le grotesque, et où on n’a rien de plus urgent à faire que de traquer les quenelles sur Internet ? Heureusement que le reste de la planète ne s’intéresse pas vraiment à nous, sinon nous serions la risée du monde entier.

Cela étant, il y a de vraies raisons de craindre l’instauration d’une forme de dictature molle-pas si molle que ça. C’est un schéma observé très fréquemment lorsqu’un grand système fédérateur humain s’approche de l’effondrement : avant le collapsus, il y a une phase de raidissement. Du Bas-Empire romain à la stagnation brejnévienne, c’est toujours le même mécanisme : pour se maintenir alors qu’il est rattrapé par la loi des rendements dégressifs, le centre du système accroît sa prédation sur la périphérie, et plus il est prédateur, plus il implose, et plus il implose, plus il est prédateur – et à chaque fois qu’il renforce sa prédation, il est obligé de durcir ses procédures de contrôle.

Cela étant, pour l’instant, la V° République n’en est encore qu’à se donner en spectacle de manière au fond assez pitoyable. Comme me le disait récemment un ami, si le Titanic avait un orchestre pour jouer pendant son naufrage, notre pays, lui, a un véritable cirque !

Avec en vedette le très inquiétant Manuel Valls. Le personnage dit quelque chose sur l’époque. En réalité, son problème est qu’il ne représente pas grand-chose, pour ne pas dire presque rien. Au sein du PS, son poids est très faible. S’il doit un jour s’imposer comme l’homme fort de « la gauche », ce qui à mon avis n’arrivera pas, il faudra de toute façon qu’il compte sur des forces extérieures à l’appareil. Alors voilà, il donne des gages, au lobby pro-Israël en particulier. Et il tente désespérément de se cramponner à son identité « de gauche », en faisant dans le symbolique, en jouant les tchékistes du dimanche. Tout ça, je crois, aussi, un peu, pour ne pas voir qu’au bout de la mythique « retirada » de sa famille républicaine espagnole, il n’y a eu pour lui qu’un boulot de flic au service des forces du Capital. Pitoyable et pourtant inquiétant, car on sait qu’une classe dirigeante malade peut être féroce.

VdF : D’une manière générale, est-ce qu’un comique peut renverser un gouvernement ?

MD : Non, mais il peut le déstabiliser. Je crois que l’impact de l’affaire Dieudonné a été significatif sur le plan politique. C’est difficile à mesurer, mais clairement, cela a un peu fait bouger certaines lignes. Il sera plus difficile à l’avenir, pour le PS, de jouer la partition SOS Racisme.

C’est un vrai sujet. Dieudonné est un obstacle marginal mais réel dans le déploiement de la stratégie Terra Nova manifestement poursuivie par François Hollande et ses conseillers.

VdF : Les élections, qu’elles soient municipales, régionales, présidentielles ou européennes, peuvent-elles changer les choses ?

MD : Oui, mais pas beaucoup et très lentement.
La force du PS, par exemple, c’est son réseau d’élus locaux. Si ce parti existe encore alors qu’on serait bien en peine d’expliquer en quoi il est socialiste, c’est parce qu’à la base, il est fait de dizaines de milliers d’élus locaux. Si, petit à petit, le FN parvient à constituer un réseau de même nature, même beaucoup plus étroit, il deviendra une force que le système institutionnel devra inclure en son sein. Et cela rendra plus difficile l’adoption par ce système de mesures hostiles aux Français qui votent FN. Donc à la longue, ça sert de voter, d’être candidat, etc.

Mais évidemment, il ne faut pas s’imaginer qu’on peut renverser la structure globale de contrôle avec des bulletins de vote. Ça ne marche pas comme ça.

VdF : Vous disposez d’un site internet et donc d’une connexion internet, vous utilisez sûrement une carte bleue, un téléphone portable etc. Est-il possible de combattre le système sans dépendre de lui ?

MD : Pour résumer en quelques lignes mon livre « De la souveraineté », écrit en 2007 :
L’important n’est pas de ne pas dépendre du système dans la vie de tous les jours. L’important est de ne pas en dépendre dans des circonstances exceptionnelles. Parce que c’est dans les circonstances exceptionnelles que se révèlent les véritables souverainetés.

On peut donc utiliser un téléphone portable en temps normal. Ce qui est important, c’est de pouvoir communiquer sans portable, discrètement et en sécurité, le jour où cela devient nécessaire.

On peut parfaitement dépendre du supermarché pour son approvisionnement en temps normal, même si ce n’est pas très recommandé vu les saloperies de l’agroalimentaire. Mais l’important, c’est que si un jour le supermarché est vide, ou si pour une raison quelconque on n’y a plus accès, on doit avoir un potager à côté, et savoir le faire tourner.

VdF : Aujourd’hui la société française et d’une manière générale la vieille civilisation européenne semblent en crise. Partagez-vous cette idée ?

MD : Je ne peux que vous renvoyer à mon livre « Crise économique ou crise du sens ? », publié il y a quatre ans.

Pour moi, notre société est incapable de construire le sens. C’est pourquoi elle fuit dans la quantité, dans la production et, de plus en plus, dans la simulation, au sens de Baudrillard. Il serait d’ailleurs très exagéré d’y voir une crise de la vieille civilisation européenne, car cette dernière me paraît de toute manière enterrée sous les décombres qui servent de décor à l’actuelle société de consommation.

A ce propos, je vais vous raconter une anecdote.

Il y a quelques années, j’étais à Berlin, pour un Nouvel An. Et c’était peu de temps avant d’écrire « Crise économique ou crise du sens ? ». C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée du livre. Ça m’est venu le 31 décembre, en traversant le Tiergarten, le grand parc qui se trouve au milieu de la ville.

J’avais décidé de rentrer à pied vers Charlottenburg, en partant du quartier Mitte. C’est une sacrée trotte, mais il y avait de la neige, et la soirée était belle. Je me suis dit : le Tiergarten sous la neige, ça va être une vraie petite randonnée. Mais j’avais oublié qu’il y avait un concert qui était donné derrière la Porte de Brandebourg, à l’entrée du parc. Bref, me voilé obligé de traverser ce concert.

Et c’est là que j’ai eu l’idée de ce livre. C’est un livre qui parle de l’Allemagne, entre autres, parce que ce pays se trouve à l’épicentre de la crise du sens, comme si la société allemande constituait un superlatif de l’arasement anthropologique européen.

Ils avaient installé une scène gonflable « Coca-Cola » pas loin du monument soviétique. Elle était pour ainsi dire sous la garde des deux chars T34 qui en encadrent l’entrée. Là-dessus, quelques émules de Tokyo Hotel enchaînaient des titres relativement dispensables. Devant la scène, des centaines de personnes mangeaient leur Currywurst en sirotant leur vin chaud – je pense que la grande majorité des gens étaient là surtout pour ce plaisir très berlinois : manger de la saucisse brûlante par temps de gel. Apparemment, c’était un concert où personne n’écoutait la musique.

J’ai été frappé par le côté « Festivus » de la scène. Je me suis dit que Philippe Murray aurait certainement pu écrire des choses très drôles. Tout ça n’avait aucun sens. Je n’étais plus à Berlin. J’étais au milieu de nulle part.

On ne peut plus parler de crise de civilisation, car il n’y a pas de civilisation. Il n’y a plus que des fragments de réalité indéchiffrables, qui s’entrechoquent de manière aléatoire du point de vue des observateurs non avertis, peut-être selon une dynamique encadrée par des puissances discrètes. Ce n’est pas vivant. Cela n’a pas de peau, pas de cœur, pas de sang. C’est un chaos qui peut happer son environnement pour le faire participer de son mouvement brownien.

L’illusion qu’il donne d’être vivant provient simplement de l’énergie prodigieuse que dégage sa décomposition. Si la vie est un dépassement dialectique des lois de la thermodynamique, alors ce truc est la négation de la vie, car c’est la thermodynamique dépassant le Vivant.

La scène du Tiergarten m’a fait pensé à Laibach, « Das Spiel ist aus ». C’est là que j’ai eu l’idée du livre.

VdF : Pour finir, notre pays s’est construit avec le catholicisme. Il est l’un de nos fondements civilisationnels. La France pourra-t-elle être reconstruite en mettant de côté le catholicisme ou en niant son importance ?

MD : Tout d’abord, l’honnêteté commande que je précise mon point de vue. Je ne suis pas catholique. Je suis chrétien, mais je ne crois pas qu’une institution humaine, par nature constamment à réformer, puisse opérer la transsubstantiation. Dans ces conditions, je suppose que je dois me considérer comme protestant, même si j’ai relevé avec étonnement qu’il existait maintenant des catholiques « culturels » pour qui le culte est symbolique. Quoi qu’il en soit, au regard des définitions classiques, je ne suis pas catholique. Et donc, s’il n’est de français que le catholique, alors je ne suis pas français. Peut-être, donc, n’avons-nous pas la même France.

Pour autant, je considère qu’il est parfaitement absurde de nier que la France est un pays historiquement catholique. Cette négation, assez en vogue actuellement, me semble surtout être le fait d’une partie de la franc-maçonnerie. L’impression d’ensemble est qu’un clergé laïciste combat l’ancien clergé catholique parce qu’il voudrait achever de prendre sa place. L’anticléricalisme de cette maçonnerie est donc le fait d’un nouveau parti clérical. Vous comprendrez que quelqu’un qui s’inscrit dans la prêtrise du croyant ne trouve pas ce genre d’affrontement très intéressant.

Ce qui me paraîtrait intéressant, en revanche, c’est tout simplement de développer chez les Français l’amour de leur pays, et donc à tout le moins une certaine forme de sympathie pour sa religion historique. Toujours pour être parfaitement honnête, je ne crois pas au retour de la religion, en tout cas pas telle qu’elle a existé jadis. J’analyse le catholicisme comme une merveilleuse machine sémantique, qui, au temps où elle fut conçue, constituait le meilleur moyen de faire vivre ensemble des chrétiens. Cette machine est aujourd’hui dépassée, elle est tout simplement inadaptée au monde créé par l’alphabétisation des masses, l’industrie, le darwinisme et la technologie régnante. Mais la connaître, comprendre comment elle fonctionnait, comprendre surtout pourquoi il était bon qu’elle fonctionnât, ce serait sans aucun doute un atout pour notre peuple. C’est un bon point de départ pour construire quelque chose de nouveau.

Propos recueillis par Franck Abed

 

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