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Initiative citoyenne européenne : le lobby de l’Europe ethnique lance sa campagne de signatures

1 février 20130
Initiative citoyenne européenne : le lobby de l’Europe ethnique lance sa campagne de signatures 3.67/5 3 votes

Publié le : 29 janvier 2013

Source : observatoiredeleurope.com

L’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes (FUEV/UFCE) est un lobby respecté et puissant. C’est elle qui pousse, depuis des années, avec succès, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne à adopter ses thèses en faveur d’une Europe ethnique des régions. Elle est à l’origine, entre autres, de la fameuse Charte européenne des langues régionales ou minoritaires imposée via le Conseil de l’Europe.
Le problème est que, par delà le légitime souci de préservation des identités que la mondialisation marchande transforme en refoulées, donc en danger potentiel, ce lobbying institutionnel vise à redessiner l’Europe à partir de critères ethniques : les fameux « Volksgruppen », basés sur le « racisme biologique ». D’ailleurs la FUEV assume parfaitement sa filiation avec l’ancien « Congrès des Nationalités » de l’entre-deux-guerres, proche du régime hitlérien et oeuvrant au « Grand Reich ». Malgré ce très lourd héritage, d’honorables partis et élus composant le Parti populaire européen (PPE) et le Parti socialiste européen (PSE), habituellement classés loin des « extrémistes », sont des membres actifs de la douteuse organisation germanique. Européens hyper-convaincus, les membres de la FUEV trouvent dans les institutions de l’Union, ses dirigeants et ses normes des alliés précieux.
Le 14 janvier dernier, le Conseil de la FUEV a missionné le gouverneur du sud Tyrol, Luis Durnwalder pour être l’«ambassadeur» de son initiative citoyenne européenne (ICE), sorte de super-pétition paneuropéenne créée par le traité de Lisbonne pour demander à Bruxelles de légiférer pour les droits des regroupements ethniques. La collecte du million de signatures en faveur d’une telle Europe ethnique des « Volksgruppen » devrait être lancée officiellement à Brixen, dans le sud Tyrol, en juin prochain.

 

Le député européen Bernd Posselt (PPE, CSU), promoteur d'un droit européen des minorités ethniques

Le député européen Bernd Posselt (PPE, CSU), promoteur d’un droit européen des minorités ethniques

Une conception ethnique des nations fondée sur le racisme biologique

Depuis de nombreuses années, un lobbying institutionnel intense et efficace s’exerce au sein du Conseil de l’Europe et de l’Union en faveur d’une Europe fédérale des régions redessinée sur des critères ethniques. Ainsi en 1984, 42 députés signaient une proposition de résolution sur « un droit européen des groupes ethniques » dont l’enjeu était le « droit à l’autodétermination«   . Plus près de nous, en 2008, dans leur manifeste « Changer d’ère » les Verts français présentaient l’Union européenne comme « un espace de paix et de coopération entre les 27 Etats et les 83 peuples qui la composent« . De quels « peuples » parlaient-ils ?

A Bruxelles, la figure de proue de ce lobbying est le député bavarois Bernd Posselt (PPE), par ailleurs président de la Paneurope Allemagne (depuis 1998) et de l’association sudète membre de la Fédération des réfugiés (photo ci-contre). Ancien assistant parlementaire de Otto de Habsbourg-Lorraine (député européen de 1979 à 1999), le député Posselt déclarait récemment : « J’ai convenu avec elle [la commissaire Viviane Reding] d’entreprendre à présent l’élaboration d’un droit européen des groupes ethniques tel que notre organisation l’a préparé et mis au point depuis des décennies. » (23 mai 2010, lors du grand rassemblement des « Allemands des Sudètes » à Augsbourg).

Ce lobbying est notamment exercé par l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes (UFCE/FUEV), une organisation allemande à l’héritage extrêmement trouble, qui plaide ouvertement pour la suppression totale des frontières politiques actuelles et la cohésion des germanophones en Europe. Elle rêve d’un continent sous administration fédérale et réaménagé par régions délimitées sur des bases ethniques aux contours douteux, l’identité et l’appartenance à une ethnie ayant une base biologique.

De nombreux partis politiques, députés européens et nationaux, élus locaux en sont membres, de la droite européenne (PPE) à la gauche. Ainsi l’eurodéputé Csaba Tabajdi, Président de la délégation socialiste hongroise au Parlement européen est aussi vice président de l’intergroupe « minorités » au Parlement européen.

Au-delà de la protection des minorités, le projet d’un véritable droit européen des minorités ethniques et de reconfiguration régionaliste sur de tels critères a suscité de longue dates des inquiétudes. Ainsi, en 1961, une note du Ministère allemand des Affaires étrangères indiquait que cette organisation créait manifestement des tensions ethniques là où aucune différence n’existait auparavant.

De même, voici ce qu’écrit Eric Ferrand au sujet de la filiation historique de ces revendications :

« La FUEV est l’héritière du Congrès des Nationalités de l’entre-deux guerres (1925-1938) qui regroupait des associations défendant, dans le cadre de la Société des Nations, une conception ethnique des nations fondée sur le racisme biologique. Son objectif principal était le regroupement des minorités allemandes dans le Reich Grand-Allemand. D’autres minorités nationales y trouvaient un cadre favorable d’expression et de revendication. Le Congrès des Nationalités éditait alors une revue, « Nation und Staat ». Cette publication a cessé en 1944, en raison de sa compromission avec le régime nazi mais a repris, à l’initiative de la FUEV en 1961, avec le même éditeur, sous le nom de Europa Ethnica. »
(E. Ferrand, Quelle République pour le XXIème siècle ?, L’Harmattan, 2009)

C’est pourtant avec optimisme que son président, Hans Heinrich Hansen (représentant la minorité allemande du Danemark) vient de lancer une initiative citoyenne européenne en faveur de sa cause. L’initiative citoyenne européenne, créée par le traité de Lisbonne (articles 11-4 du TUE et 24 du TFUE) est une invitation faite à la Commission européenne de présenter une proposition législative, qui doit être soutenue par au moins un million de citoyens européens issus d’au moins 7 pays sur les 27 que compte l’Union et dont les signatures doivent être recueillies en une année. (voir l’ICE sur le site de la Commission ) Pour l’heure, quinze ICE sont répertoriées au Registre tenu en ligne par la Commission européenne.

Selon le site de la Province autonome du Sud Tyrol, le Conseil de la FUEV a missionné, le 14 janvier  le gouverneur du sud Tyrol, Luis Durnwalder, pour devenir l’«ambassadeur» de cette initiative (ICE) à travers le futur comité qui sera chargé de réunir un million de signatures à travers l’UE. Pour le représentant des Hongrois de Roumanie, Hunor Kelemen, l’autonomie du Tyrol du Sud est  « un modèle » pour son parti car « il est de notre devoir de préserver notre identité« .

Tout ce beau monde doit se retrouver pour une cérémonie officielle en avril prochain en Transylvanie où se tiendra la Congrès de la FUEV, puis en Juin à Brixen pour le lancement de la collecte de signatures.

La FUEV annonce actuellement 81 organisations membres à travers 32 pays européens. Le vieux continent compterait parmi ses quelques 100 millions d’habitants, plus de 300 groupes ethniques, soit une personne sur sept.

De nombreux élus « modérés » à droite et à gauche comme alliés

Carte des régions éditée en 2002 par l'Assemblée des Régions d'Europe

Carte des régions éditée en 2002 par l’Assemblée des Régions d’Europe

Pour mieux comprendre l’importance et l’action de cette organisation, il faut se reporter notamment aux abondants travaux, toujours très documentés, du politologue Pierre Hillard. On lira par exemple : Minorités et régionalismes dans l’Europe fédérale des régions. Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe, publié par le Forum Démocratique.

Dans un papier publié sur Balkans.info en 2007  intitulé « Le spectre ethnique qui hante l’Europe« , l’historienne Yvonne Bollmann revenait sur « le rôle essentiel qu’a joué la FUEV (Föderalistische Union Europäischer Volksgruppen, Union fédéraliste des communautés ethniques européennes) dans l’élaboration de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ». « Nous désignerons, poursuit-elle, par son seul sigle allemand cette association enregistrée dont le siège est à Flensburg (Schleswig-Holstein), puisque c’est aussi le texte allemand de ses statuts « qui fait autorité en cas de doute ».

Du 16 au 20 mai 2007 s’est tenu à Tallinn, en Estonie, son 52e Congrès des nationalités. Quand la FUEV a renoué, en 1985, avec les congrès des nationalités qui ont eu lieu entre 1925 et 1938 dans le cadre de la SDN, sous le signe d’une conception « ethnique » de la nation, ce premier congrès d’après-guerre a été annoncé comme le quinzième du genre, faisant suite au quatorzième de 1938. La politique allemande se caractérise bien par de la suite dans les idées et de la constance dans l’action. »

Voici ce qu’écrit Mme Bollmann sur les relais de la FUEV au sein des institutions de l’Union :

Les alliés de la FUEV au Parlement européen

Pour l’élaboration de tels droits, la FUEV a un allié de poids en la personne de Hans-Gert Pöttering, député au Parlement européen depuis 1979, et son président depuis le 16 janvier 2007.

Rappelons qu’en juillet 1984, ainsi que l’a rapporté la revue Europa Ethnica, il a été cosignataire d’une proposition de résolution « sur un droit européen des Volksgruppen ». Le Parlement européen s’y disait « partisan du droit à l’autodétermination des peuples« , et « demandait à la Communauté européenne de faire le nécessaire pour que tous les Européens puissent l’exercer« .

Dans une newsletter de juin 2007, la FUEV a rendu compte du discours que Hans-Gert Pöttering a prononcé lors de la présentation, au Parlement européen, d’un ouvrage sur les « Sources internationales des droits des minorités nationales et ethniques« . Il a dit vouloir mettre l’accent tout particulièrement, durant son mandat, « sur les droits des minorités et le dialogue interculturel« , et a renvoyé au travail de l’Intergroupe Minorités nationales traditionnelles, régions constitutionnelles et langues régionales du Parlement européen.

A titre d’exemple, voici le texte de la déclaration faite le 18 mai 2006 par le président de cet Intergroupe, le socialiste hongrois Csaba Sándor Tabajdi, lors d’une réunion avec les représentants de la commission langues et cultures régionales de l’Association des régions de France et du Comité français du bureau européen des langues moins répandues (EBLUL-France), à propos de la situation de la France en Europe :

« En France les cultures et langues dites régionales, qui font partie intégrante des cultures et des langues européennes et de l’humanité, exclues de l’espace public par la législation, marginalisées, sont en voie de disparition rapide de la vie sociale malgré la résistance et l’auto-organisation souvent exemplaires des populations avec le soutien de leurs élus dans un cadre juridique, administratif et idéologique hostile. Après des décennies d’éradication, l’enseignement de ces langues reste très marginal et leur place dans les media, notamment la radio et la télévision, est extrêmement réduite.

Pratiquement seule en Europe, la France n’a ni signé ni ratifié la Convention cadre européenne sur les minorité nationales. Elle n’a pas encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle a émis des réserves sur l’article 27 du Pacte international sur les droits civils et politiques, l’article 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Par la Constitution, et malgré la richesse des différentes langues du territoire, une seule langue, le français, bénéficie d’une reconnaissance officielle, est défendue, promue, autorisée. C’est pourquoi le président de l’Intergroupe Minorités nationales traditionnelles, régions constitutionnelles et langues régionales souhaite que la République française retrouve le sens des valeurs universelles qui ont fait sa grandeur et conformément aux très nombreuses recommandations qui lui ont déjà été faites, dernièrement encore en février 2006 dans le rapport du Commissaire européen aux doits de l’homme M.Gil-Roblès :

- qu’elle ratifie la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, signe et ratifie la Convention cadre européenne sur les minorités nationales, ratifie le Protocole 12 à la Convention européenne des droits de l’homme, lève ses réserves sur l’article 27 du Pacte des droits civils et politiques et l’article 30 de la Convention des droits de l’enfant ;

- qu’elle reconnaisse pleinement le droit à l’existence des citoyens et peuples qui la composent dans leur spécificité, notamment à travers un système d’éducation, des médias et un espace public permettant l’expression normale de leurs langues, l’enseignement de leurs cultures et de leurs histoires conformément à la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle et à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Le président de l’Intergroupe appelle l’Union européenne, dans le domaine de ses compétences, à engager des actions spécifiques de promotion de la diversité linguistique fondées sur les langues menacées à l’échelle européenne, en lien avec les régions ou institutions locales concernées, et à créer un fonds spécial de soutien communautaire aux programmes de promotion de ces langues dans les différentes régions de l’Union européenne.

Le président de l’Intergroupe interpelle également les Etats, et l’Union européenne sur l’urgence des mesures à prendre et sur leur devoir d’ingérence, compte tenu de la faiblesse dans laquelle ont été mises ces langues en France et notamment de la disparition rapide de la génération ancienne qui parle encore massivement ces langues sans être remplacée. »

La France est sommée de renoncer à son histoire et à son identité d’Etat-nation, et d’adopter l’ordre ethnique voulu par l’Allemagne. » conclut Mme Bollmann.

Sonia Abou

 

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