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Lavrov (et donc Poutine) : « Bachar ne partira pas » !

2 janvier 20130
Lavrov (et donc Poutine) : « Bachar ne partira pas » ! 5.00/5 1 votes

Publié le : 30 décembre 2012

Source : infosyrie.fr

« Bachar al-Assad a dit à maintes reprises qu’il n’avait l’intention d’aller nulle part, qu’il resterait à son poste jusqu’au bout (…) Il n’est pas possible de changer cette position« . Ce rappel de Sergueï Lavrov, fait à l’issue de ses entretiens avec l’émissaire de l’ONU Lakhdar Brahimi, samedi à Moscou, s’adresse évidemment au camp des ingérants et des opposants. Et il faut la mauvaise foi proverbiale de l’AFP pour voir là un énième signe de prise de distance de la Russie d’avec le président syrien. Parce que le plumitif de l’AFP imagine sans doute que Poutine va organiser un coup d »État pour renverser Bachar, après l’avoir soutenu de facto pendant 22 mois ? L’espoir fait vivre autant que le parti-pris aveugle…

 L’opposition radicale attaque Moscou, après Washington et l’ONU

La veille, soit vendredi, Lavrov avait eu ces mots, pourtant sans ambigüité aucune : « Avec le respect que je dois à la communauté internationale, c’est au peuple syrien de prendre la décision (d’un éventuel départ de Bachar), c’est notre position de principe. Au lieu d’inciter les parties à poursuivre l’effusion de sang et de poser des conditions préalables, la communauté internationale ferait mieux d’encourager celles-ci à suivre la voie définie dans le communiqué de Genève (du 30 juin 2012) et qui prévoit la création de conditions favorables. pour que tous les Syriens – tous les groupes politiques, ethniques et confessionnels – se mettent d’accord sur l’avenir de leur État« . Il est à noter que le chef de la diplomatie russe a fait cette déclaration au terme de ses entretiens avec son homologue égyptien Mohamed Amr. On peut relier cette déclaration à celle faite fin octobre par le même Lavrov qui soulignait, dans un entretien accordé à Rossiyskaya Gazeta, que « Bachar al-Assad est le garant de la sécurité des minorités nationales, dont les chrétiens qui vivent en Syrie depuis plusieurs siècles« .

Cette mise au point, ou plutôt ces mises au point répétées, de Lavrov  sont d’abord, sans doute, une réponse à l’arrogance de cheikh Moaz al-Khatib, islamiste soi disant modéré et chef de la « Coalition nationale » de Doha, nouvelle mouture de l’opposition radicale adoubée « représentant légitime du peuple syrien » par plusieurs nations occidentales dont la France. On se souvient que la Russie avait voici trois jours invité al-Khatib à  participer à des négociations avec des représentants du gouvernement syrien, à Moscou ou au Caire ou ailleurs, pour que cesse enfin le « bain de sang » en Syrie. Mais le président de la Coalition a non seulement rejeté la proposition russe, mais demandé carrément des excuses au gouvernement russe, exigeant le départ de Bachar avant de daigner reprendre langue avec Moscou.

Décidément, la Coalition semble marcher dans les pas du CNS, par son irrréalisme et son extrémisme. On sait que Al-Khatib, avant de tancer les Russes, s’en est pris aux Américains parce que ceux-ci avaient placé le groupe al-Nosra, la plus « dynamique » des factions armées en Syrie, sur leur liste de mouvements terroristes. Ses amis ont eu aussi des « mots gentils » pour Lakhdar Brahimi, trop proche de la position russe à leur goût. On voit quels « modérés » et « responsables » les Européens, enfin la France et la Grande-Bretagne, ont choisi de soutenir.

Sergueï Lavrov s’est dit « surpris » de la réaction du président de la « Coalition nationale », mais il usait là de la langue de bois diplomatique : l’administration Poutine sait depuis le début à quoi s’attendre de la part d’opposants entièrement dans la main des Frères musulmans syriens et des monarques du Golfe, et obligés de s’appuyer sur le terrain sur des groupes djihadistes pour entretenir la fiction fourbue de leur révolution populaire. Le chef de la diplomatie russe a d’ailleurs réservé à M. al-Khatib un peu de sa désormais légendaire ironie : « Je sais que M. Al-Khatib n’est pas très fort en politique internationale, et il y gagnera en apprenant notre position par nous et pas par les médias qui avancent parfois des allégations fort éloignées de la réalité. Je pense que s’il prétend être un homme politique sérieux, il comprendra qu’il a tout intérêt à entendre notre analyse de la situation directement de notre bouche ».

Cette réaction attendue des potiches syriennes du Golfe n’a pas empêché Lavrov et Brahimi de proclamer leur foi persistante dans les chances d’une solution politique au conflit, et Lavrov a appelé les radicaux à reconsidérer leur position, et notamment à renoncer à leur exigence d’un départ du président syrien, en conformité avec l’accord à Genève le 30 juin dernier, signé tant par les Occidentaux que par les russes et les Chinois. Et il a réaffirmé que son pays continuerait de s’opposer, au sein du Conseil de sécurité, à tout projet de résolution pouvant conduire à une ingérence étrangère en Syrie.

Maintenant, quid de la suite? Les Russes lâcheront moins que jamais Bachar dans les circonstances actuelles, et ils viennent de vérifier, « officiellement » en quelque sorte, qu’il n’y a rien à attendre de l’opposition sous licence qataro-séoudienne. Il y a donc fort à parier qu’ils vont gagner du temps, le temps nécessaire à ce que l’insurrection s’affaiblisse significativement, appuyer leur stratégie sur la « promotion » d’une opposition raisonnable et peut-être tâcher d’amener la nouvelle administration Obama (post-Clinton) sur leur terrain. C’est de l’ordre du possible car de l’autre côté de l’Atlantique, la crainte des barbus fanatiques et incontrôlables a supplanté l’hostilité idéologique et géopolitique au régime syrien, et les actions de l’opposition syrienne islamo-bobo, extrémiste et sans prise sur la réalité, sont en baisse. Pour Obama qui a tant d’autres chats à fouetter, chez lui et dans le monde, mieux vaut une Syrie baasiste affaiblie qu’un califat djihadiste « radioactif ».

On peut même considérer qu’un maximaliste comme al-Khatib se comporte en allié objectif – encore qu’involontaire – du président syrien et de son gouvernement : la psycho-rigidité politique des opposants « syro-qatari » ne peut en effet que lasser l’Oncle Sam. Et si l’Amérique se rapproche de Moscou, ou s’éloigne de Doha, sur ce dossier, la baudruche de la « révolution syrienne » va se dégonfler un peu plus. À suivre…

Louis Denghien

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