Politique France

Nicolas Sarkozy et la République « reprochable »

5 février 20121
Nicolas Sarkozy et la République « reprochable » 4.71/5 14 votes

Sarkozy

Un quinquennat c’est court. Pourtant celui-ci aura décidément paru bien long à nombre d’entre nous !

Alors que l’heure du bilan approche, il est sans doute utile dès aujourd’hui de revenir sur les cinq années qui viennent de passer. Même sans disséquer les politiques suivies -volontairement ou pas, la crise étant passée par là- par le Président de la République, on peut au moins et très factuellement estimer la façon qu’il aura eu d’« habiter» sa fonction…

Très confortablement élu, certes face à une adversaire d’une médiocrité confondante, pauvre bulle médiatique montée de toutes pièces par des médias en mal de buzz et qui se prit le mur des réalités dans le nez, mais aussi et sans doute grâce à des discours volontaristes et souvent lyriques concoctés aux petits oignons par sa plume Henri Guaino, faisant preuve également, et pourquoi ne pas le reconnaître, d’un réel talent politique, Nicolas Sarkozy n’aura pas attendu plus de quelques heures pour écorner très sérieusement une image « gaullienne » pourtant savamment entretenue tout au long de sa campagne présidentielle.

Car en fait, et dès l’annonce de la victoire, la désastreuse soirée du Fouquet’s remettait les pendules à l’heure et promettait des lendemains qui déchantent. Et ils venaient très vite, ces lendemains, avec les vacances navales sur le Yacht du milliardaire Bolloré, rajoutant ainsi et  immédiatement la seconde couche, celle qui prouvait qu’on n’avait pas eu affaire à une étourderie coupable, mais bel et  bien à l’affirmation d’un « style » sarkozien.

Suivirent tout aussi rapidement, et après les législatives, des nominations ministérielles souvent grotesques, ayant parfois plus à voir avec le casting d’un mauvais feuilleton qu’avec la désignation d’un gouvernement privilégiant les compétences. Puis vinrent entre autres joyeusetés l’augmentation indécente du salaire présidentiel, les distributions de prix aux fidèles du premier cercle, industriels, politiciens, ou tout simplement amis proches.

Vint rapidement aussi un divorce de vaudeville, suivi d’une liaison annoncée de manière sidérante en conférence de presse présidentielle -souvenez-vous du « Carla et moi, c’est du sérieux »- puis d’un mariage taillé sur mesure pour Gala ou France Dimanche, avec un top –model milliardaire déluré, une chanteuse de Prisunic sans voix de « gôôche, quoi ! » et bobo jusqu’à la caricature.

On le vit ensuite à de maintes reprises poser grotesquement avec la donzelle, comme un môme avec son nouveau joujou, allant jusqu’à l’exhiber, fier comme « bar tabac », dans une robe hyper moulante vert émeraude, sans soutif et la faisant paraître presque à poil, lors d’un diner à l’Elysée en l’honneur d’un couple Medvedev totalement incrédule.

On se souviendra également d’un interview de la nouvelle « première dame » qui restera dans les annales pourtant encombrées de la « com » politique la plus nulle, qui vit le petit Nicolas nous jouer un « Président » gentil petit mari à sa chérie, assis sur un bras de fauteuil et honoré par celle-ci d’un célèbre « bon courage chouchou » avec caresse sur la joue qui, lui aussi, et comme la robe émeraude, fit malheureusement le tour du monde (1).

Mais le prestige présidentiel n’était sans doute pas assez atteint : le tristement fameux « Casse-toi pauv’ con ! », l’assassinat culturel de la princesse de Clèves, les estrades ajoutées pour paraître plus grand, les talonnettes surdimensionnées qui font marcher en canard, les foules en liesses de figurants rémunérés chargèrent à leur tour la balance …

Bien plus grave, vint aussi la vraie fausse nomination du petit Jean, inculte fils consort à peine bachelier, bombardé à la direction de l’EPAD, premier centre d’affaires d’Europe, sous les hourras pathétiques de la cour sarkozienne, avant que l’émotion et la révolte populaire –on se demande bien pourquoi- ne remontent dangereusement de la base UMP pour faire piteusement capoter l’opération…

On eut aussi droit à la vendetta personnelle, lamentable et même grotesque, envers un Dominique De Villepin pourtant bien inoffensif… A l’arbitrage privé, scandaleux et ruineux pour l’Etat, en faveur du pote Bernard Tapie… Aux Ministres sortant de l’Elysée et transformés en VRP de luxe du dernier disque de Sarkozette, avec notamment une inénarrable Nadine Morano, dégoulinante de courtisanerie servile (2) … Aux affaires Clearstream, Bettencourt, Woerth…Aux vacances privées au Mexique dans la villa d’un milliardaire -encore !- sulfureux (3) … Au scooter de Jean -toujours lui !- (4) …Aux vacances en Egypte de Fillon (5) …Aux limogeages de préfets sans réels motifs si ce n’est l’Ego sarkozien chatouillé par ci ou froissé par là… Et toujours aux nominations « au mérite », comme par exemple celle de Renaud Muselier à l’Institut du Monde Arabe (6) ou celle de Cécile Fontaine à la Cour des Comptes dans des conditions très douteuses (7).

Très récemment encore, le rapatriement d’Ukraine dans un avion de la Présidence de la République de l’autre fils, Pierre Sarkozy -pourtant en voyage professionnel et donc privé et après une banale indisposition- dans des conditions financières pour le moins floues (8).

 Bref, et en à peine 5 années, la barque fut copieusement chargée. A tel point qu’on ne voit plus trop comment elle pourrait demain ne pas couler. Et ce serait somme toute justice : car s’il a dû composer sur le plan économique et social avec une crise mondiale dont  il pourra toujours dire qu’il l’a subie plus qu’il ne l’a provoquée, Nicolas Sarkozy, après nous avoir promis une République « irréprochable », nous aura bien en fait et tout au long de son quinquennat imposé une République « reprochable », allant peut-être encore plus loin en ce domaine que ses prédécesseurs, pourtant eux aussi pleins de bonne volonté en la matière.

Pour le prestige et l’exemplarité, il sera donc difficile au prochain locataire de l’Elysée de descendre plus bas… De là à espérer le voir remonter un peu plus haut…

ML – La Plume à Gratter

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Une réponse pour Nicolas Sarkozy et la République « reprochable »

  1. Bluebair le 8 février 2012 à 5 h 54 min

    Article étincelant et cruel, juste à point. Voilà une plume bien acérée, merci d’avoir enfin écrit ce que j’aurais aimé lire depuis un bon moment dans les médias, même rénégats… Continue La Plume!
    Sarkozy avait carte blanche en 2007; il avait conquis les patriotes et les progressistes déçus par la gauche caviar; il aurait pu être notre nouvel Astérix. Et puis non, on a eu Tullius Detritus…

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