Société France

Battisti : une bien étrange cause pour la gauche

20 mars 20070
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Ainsi donc, après une seconde cavale commencée en mars 2004, Cesare Battisti a finalement été repéré puis arrêté au Brésil, suite à une action menée par la police brésilienne, en liaison avec les polices italienne et française. Il s’agit sans doute d’un chapitre annonciateur du prochain épilogue de cette « abracadabrantesque » affaire qui a empoisonné durant plus de quinze ans les relations franco-italiennes, et enflammé le Tout-Paris médiatico-intello-gaucho-bobo ces toutes dernières années.

Bien entendu, le chœur des pleureuses susdites ne va pas manquer de se faire à nouveau entendre… « On » va crier au scandale, à l’acharnement, au crime contre l’humanité, pourquoi pas ? D’ailleurs, Delanoë, Mamère et autres gugusses du Cesare Fan Club ont déjà commencé ! Manque de bol, Berlusconi n’est plus au pouvoir en Italie : il va être un peu plus compliqué d’accuser Romano Prodi de fascisme policier !

Mais ne nous inquiétons pas, dans les jours prochains, nous allons en voir monter au créneau, des avocats des droits de l’homme Battisti !

Bien évidemment, ils omettront de préciser les faits et la véritable genèse de cette lamentable affaire… Alors, faisons-le ici :

Que reproche-t-on exactement à Battisti ?

Cesare Battisti a été condamné le 31 mars 1993 (bien après les « années de plomb » donc, et absolument pas par un tribunal d’exception, mais par la cour d’assises de Milan) par une série d’arrêts rendus par contumace (ce qui veut dire en son absence, pour la simple raison qu’il avait fui la justice de son pays en 1981 et qu’il a refusé de venir assister à son procès 12 ans plus tard) pour avoir commis personnellement deux assassinats, et pour sa complicité active dans deux autres meurtres. Il a été reconnu coupable d’avoir lui-même tué Antonio Santoro, un gardien de prison, le 6 juin 1978 à Udine et Lino Sabbadin, un simple boucher qui avait le grand tort de ne pas avoir les mêmes opinions politiques que lui, le 16 février 1979 à Mestre. Il a également participé aux préparatifs de l’assassinat d’un bijoutier, Pierluigi Torregiani, le même 16 février 1979 à Milan – abattu dans la rue pendant qu’il se promenait avec ses deux enfants, dont l’un, touché par une balle, est devenu paraplégique – ainsi qu’à ceux de l’assassinat du policier Andrea Campania, le 19 avril 1979, à Milan. Evadé de sa prison italienne en octobre 1981 où il était en attente de jugement, il a fui au Mexique avant de se réfugier en 1990 en France où il est devenu gardien d’immeuble et auteur de romans policiers à succès. Voilà pour les « actions et le militantisme politiques » du sieur Battisti.

Selon les « supporters » de Battisti, la procédure italienne de procès par contumace « bafouerait le droit des accusés à un procès équitable ». Si je comprends bien cette position, dès lors qu’un criminel a fui la justice de son pays, on n’aurait plus le droit de le juger ! Et allez donc ! Si Battisti n’était pas présent à son procès, c’est qu’il l’avait décidé. Au cours de celui-ci, il a bénéficié comme tout accusé d’une représentation (un avocat), et a eu accès comme n’importe qui à toutes les voies de recours ouvertes par l’Etat italien. Suite à ces recours, le jugement a été confirmé. Le cours de la justice a donc été tout à fait respecté.

Pour justifier en 2004 un refus d’extradition de la France vers l’Italie, les mêmes fans du cher Cesare mettaient en avant le fait que son extradition avait été une première fois refusée par la cour d’appel de Paris en 1991. C’est exact… Mais ils oubliaient de préciser que la demande d’extradition de 1991 se fondait uniquement sur un simple mandat d’arrêt international. Depuis cette date, une procédure judiciaire complète avait été menée en Italie, le procès avait eu lieu en 1993, le jugement souverain de la justice italienne (notre partenaire européen) avait été rendu et la nouvelle demande d’extradition s’appuyait donc cette fois sur ledit jugement : un dossier de plusieurs centaines de pages avait été mis à disposition des autorités françaises pour appuyer cette demande. De l’avis de toutes les autorités judiciaires qui l’ont consulté, il était accablant.

La décision personnelle de François Mitterrand d’accueillir les anciens « militants » (n’ayons pas peur des mots : les terroristes) d’extrême gauche des « années de plomb » s’ils renonçaient à la violence n’avait absolument pas valeur de loi et n’engageait en rien la parole de la France. Rien en effet dans la Constitution française ne fait référence à ce type de prérogative. Cette décision rendue l’a été par le « fait du Prince » ; elle n’a aucune valeur légale. De plus elle a été, comme le refus d’extradition de 1991, exprimée après la première demande italienne, sur présentation du seul mandat d’arrêt international. Depuis, le jugement a, comme je viens de l’écrire, effectivement eu lieu et une décision de justice a été rendue. Si l’on présente les volontés de tel ou tel président comme engageant définitivement la République, il faut alors rétablir les écoutes téléphoniques, fournir à nouveau un appartement d’Etat et son cheval à Mazarine, rendre ses diamants à Giscard, etc, etc.

Contrairement à ce qu’affirment certains, Cesare Battisti n’a jamais condamné ou même regretté les actions qui lui sont reprochées, ni demandé pardon aux familles de ses victimes : il s’est contenté de dire à l’audience de la cour d’appel de Paris en 2004, je cite : « C’était un conflit social, il y a eu des morts et il y a eu beaucoup de violences« . Les familles de ces morts qui attendent depuis plus de 20 ans que justice soit enfin rendue pour pouvoir faire leur deuil, et notamment parmi elles l’homme qui, enfant, a vu son père assassiné sous ses yeux, et qui depuis cette date se promène en fauteuil roulant, pourront apprécier la profondeur du « repentir » de ce monsieur. Mais après tout, qui se soucie des victimes dans cette histoire ?

L’ensemble des partis politiques italiens approuvait totalement la demande d’extradition faite à la France et se réjouit aujourd’hui de cette arrestation, partis de gauche compris ! Tout le monde en Italie a été scandalisé par la position de ces « intellectuels médiatiques » et des partis de gauche français qui défendent aujourd’hui encore jusque à l’absurde un assassin, et se foutent totalement des victimes qu’il a laissées dans sa sinistre épopée politico-meurtrière… Il ne s’agissait donc pas, comme quelques menteurs l’ont dit, de faire plaisir à Berlusconi, mais de respecter la volonté de toute une nation de ne plus voir les crimes d’une sinistre époque de son histoire demeurer impunis… Plus de 20 ans ont passé ? Certes, mais à qui la faute ? Si Battisti ne s’était pas dérobé à la justice de son pays, nous n’en serions pas là. Pendant tout ce temps, il a vécu libre, sans rendre compte de ses crimes, choyé par le Tout-Paris intello, pendant que les veuves et les enfants de ses victimes n’intéressaient ici personne : n’est-ce pas là la vraie saloperie de cette histoire ? Et si, comme semblent le penser certains, le temps doit tout effacer, ne devait-on pas alors aussi renoncer à juger Maurice Papon pour ses actes durant l’occupation ? Après tout, lui aussi était « rangé », et depuis encore bien plus longtemps ! Prescription pour les assassins ?

L’attitude de ces personnalités médiatiques et politiques qui se sont battus et se battront encore demain pour Battisti rappelle de façon évidente la levée de boucliers qui s’était dressée en 1945 à la fin de la guerre pour défendre et demander la grâce de Brasillach, triste collabo, mais écrivain lui aussi, ce qui suffisait sans doute déjà dans l’esprit de ses pairs pour absoudre une ordure et mobiliser une bonne partie de l’intelligentsia de l’époque, comme cela suffit pour mobiliser celle d’aujourd’hui, en faveur d’un autre écrivain qui a en plus, lui, véritablement du sang sur les mains : l’important, pour certains beaux esprits, c’est surtout de faire partie de la famille ! Guy Bedos, Bertrand Tavernier, Fred Vargas, Daniel Pennac, George Moustaki, BHL, Gilles Perrault, et tous, vous autres, défendriez-vous avec le même zèle un ex-terroriste d’extrême droite, condamné par la Suède ou l’Espagne, réfugié en France depuis 30 ans et reconverti depuis vigile de supermarché, protégé par un « décret royal » de VGE ou de Chirac ? Je pose la question mais je connais bien évidemment la réponse. C’est vous qui me faites honte ! Honte d’aimer ou de respecter le travail de certains d’entre vous ! Et je suppose que pour être cohérents avec vous-mêmes, vous défendiez et défendrez encore demain la décision de la Grande-Bretagne antérieure aux attentats de Londres de refuser d’extrader en France les terroristes islamistes réfugiés sur son territoire, poursuivis, jugés et condamnés eux aussi par contumace en France pour les attentats de Paris qui avaient fait plusieurs victimes ? Tiens, je ne vous ai pas entendus applaudir la Perfide Albion à ce sujet …

Alors, Cesare Battisti « victime » d’un ignoble acharnement policier, Cesare Battisti fait « citoyen d’honneur de la Ville de Paris » – sic – sur proposition du groupe Vert de la capitale… Soutenu par François Hollande, Bertrand Delanoë, Elisabeth Guigou, Noël Mamère (évidemment !) ou Marie-George Buffet… Défendu par Le PS, les Verts, le PC, et naturellement la LCR et Lutte ouvrière… Où est le déshonneur, où est l’obscénité, où est l’ignominie ?

Mais on a sans doute les « héros » que l’on mérite…

Pour ma part, je préfère m’éloigner pour aller vomir plus loin.

ML – La Plume à Gratter

Publié initialement sur Agoravox.fr

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